Jeux olympiques 2024 : les bouquinistes parisiens laissés à quai ?

bouquiniste

La préfecture de police de Paris a sans doute pensé que la colère des bouquinistes serait moins audible au creux de l’été : elle a attendu le 25 juillet pour envoyer le courrier leur notifiant d’avoir à dégager des quais de Seine lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques 2024. Pour des « raisons de sécurité », les 570 boîtes vertes situées « dans le périmètre de sécurité de la cérémonie d’ouverture devront être enlevées ». En parallèle, la mairie de Paris assure qu’elle se chargera avec tout le soin nécessaire du déménagement desdites boîtes, qu’elle les rénovera, même, avant repose. Lorsqu’on sait comment Hidalgo tient ses engagements, on peut craindre de ne jamais revoir les boîtes sur les quais dès lors qu’elle en auront disparu.

Le dernier « petit métier » parisien

Certes, beaucoup de bouquinistes ne vendent plus de livres mais des babioles à touristes et des reproductions d’affiches du Chat noir ou d’Aristide Bruant, industrie stupide qui constitue un détournement du métier. Certains, parmi ceux qui vendent encore des livres, sont de piètres commerçants : ils ne cachent pas leur mauvaise humeur lorsque le client – crime de lèse-majesté – demande à sortir le livre de son plastique crasseux pour juger de son état réel. N’empêche qu’ils font partie du paysage, nos bouquinistes, depuis 450 ans qu’ils sont là. Nul « flâneur des deux rives » ne peut être insensible à leur déplacement. « Toute personne qui a un minimum de culture ne peut concevoir qu’on célèbre Paris sans les boîtes sur les parapets. Les bouquinistes sont à Paris ce que les gondoliers sont à Venise. Nous sommes le dernier "petit métier" parisien », nous explique Jérôme Callais, président de l’Association culturelle des bouquinistes de Paris, joint par téléphone.

« Nous voulions, explique-t-il à Boulevard Voltaire, la protection de nos outils de travail, pas leur éradication, même temporaire. C’est une décision bureaucratique qui a été prise sans concertation. Le dialogue n’est ouvert que pour fixer la modalité de déménagement ! Or, nos boîtes, qui ont parfois trente ou quarante ans, ne sont pas prévues pour être démontées et baladées. L’enlèvement de 600 boîtes en sept jours, comme c’est prévu, est irréaliste et coûteux : encore une aberration bureaucratique. »

Village Potemkine

Maladresse ou cynisme, la mairie propose en contrepartie d’organiser un « Village des bouquinistes »« afin de mettre en valeur ce métier et de leur permettre de bénéficier des opportunités et des retombées touristiques ». Lors de l’Exposition universelle de 1889, les Parisiens venaient voir les Africains dans des « villages indigènes ». En 2024, viendront-ils voir, devant une boîte factice, les bouquinistes autochtones priés de mimer une transaction fictive avec un faux client ?

Les Jeux olympiques sont censés être un écho de la civilisation grecque, mais ils trouvent dans nos cultures modernes d’étranges résonances barbares. Ils ont été l’occasion de détruire des pans entiers du vieux Pékin ou des favelas de Rio de Janeiro, contre l’avis même des gens qui y logeaient. Trop souvent, sous couvert d’« aménagements » a lieu une destruction brutale et irréversible. Paris n’est déjà que trop saccagée. Les Jeux et leur flamme en valent-ils la chandelle ?

En attendant, les bouquinistes des quais présentent un front uni. Jérôme Callais nous rappelle un précédent. « Sous le Second Empire, le baron Haussmann voulait transférer les bouquinistes à l’ancien marché à la volaille vers la rue Saint-André-des-Arts pour que les quais retrouvent "leur pureté originelle". Ils ont fait intervenir un célèbre érudit de l’époque, connus sous le pseudonyme de "bibliophile Jacob", avocat et ami de l’Empereur. Il s’est fait le porte-parole des bouquinistes auprès de Napoléon III et le baron Haussmann a mangé son dossier. Nous ne désespérons pas. » À défaut d’un bibliophile qui aurait l’oreille d’Anne Hidalgo ou d'Emmanuel Macron, les bouquinistes comptent sur le soutien populaire pour les défendre.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 01/08/2023 à 21:44.
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Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

47 commentaires

  1. Nous ne sommes toujours pas censés savoir ce que cherche véritablement cette « crypto-gauche Bobo » de tendance « Hidalgo ». Cependant nous ne pouvons plus ignorer ce qu’elle trouve : Elle trouve la destruction systématique de l’âme de la France partout et dans tous les domaines !
    Exemple incontournable concernant notre capitale : Cette « gauche paradoxale » en avait déjà fait le paradis des rats !
    Elle va finir par en faire l’enfer des Parisiens et de leurs bouquinistes !

  2. Et oui, l’importance de son vote, toujours le même problème. Et cela continue, petit à petit, ils nous enlèvent tout ce qui fait le charme de notre pays. Du pain et des jeux et bouclez là.

    • Surtout du plaisir, le B A ba des puritains qui nous gouvernent étant l’éradication de tout ce qui peut provoquer du plaisir. Chez les autres, j’entends bien, car leur propre jouissance est assouvie par leur instinct de puissance et l’asservissement sans limite du bas peuple. « Donnez du pouvoir à un imbécile, vous en ferez un tyran » disait Napoléon.

  3. Les jeux qui « ne devaient rien coûter »: hormis le manque à gagner des bouquinistes, bien sûr. Le comité olympique va-t-il le leur payer?

  4. Pour ceux qui s’en souviennent :
    « J’adore les quais de la Seine
    La mine sereine des petits marchands
    Le calme du vieux bouquiniste
    Dressant liste d’invendus charmants… »
    C’était PARIS

  5. Mais c’est bien sure, pourquoi garder ces vieilleries qui sont un élément de notre passé et de nos traditions parisiennes recherchés par les étranger qui viennent visiter notre beau pays? du passé faisons table rase doit être la devise de la dame hidalgo

  6. Comme Wasp, j’ai découvert Paris à 11 ans (1966) avec mes parents, j’avais des étoiles plein les yeux, depuis régulièrement j’aimais me rendre à Paris; c’est bien fini ! Pauvre ville, ville des Lumières… éteintes, sale, insécure et envahie. Quand à sa maire, no comment et les JO ne font rêver que ceux qui y croient encore. Vraiment, vu l’état du pays et de sa dette abyssale nous aurions dû nous en passer. Mais je suis conscient d’écrire comme un vieux dinosaure, que je suis certainement.

    • Je partage totalement votre point de vue.
      Le Temps où Paris me faisait rêver est bien loin, hélas. Tristesse…

  7. Je ne sais pas si je serais le seul mais ces JO n’auront aucune résonance dans ma vie . Je vais les ignorer totalement . Quelle place pour les bouquinistes à l’époque des technocrates rois et des stat up nations ? Je ne participerais pas d’une façon ou d’une autre à des jeux qui serviront de caisse de raisonnance aux mondialistes totalitaires . Le sport n’es plus qu’un prétexte dans ce cadre là, comme il l’était pendant l’ère soviétique ! Et parallèlement à cela l’apparatchik commissaire Breton veut censurer les réseaux sociaux à partir du 25 août ! Si les gens n’ont plus de lieux dexpression , ils auront la rue ! Gageons par contre qu’ils seront plus efficaces pour mâter les révoltes qui en découleront que pour s’occuper des délinquants, émeutiers vendeurs de drogue qui font la loi aujourd’hui en France !

  8. Certes « Napoléon le petit » est-il peut-être le neveu de celui que l’on nomma « l’usurpateur »…nous ne nous arrêterons point sur les personnes d’Anne Hidalgo et d’Emmanuel Macron en ces matières…là où il est question de taille et de place à bon droit…Quant à la ville, l’Empereur des Français l’avait – en principe – améliorée…

  9. la destruction de Paris se poursuit donc – depuis longtemps  » l’esprit Parisien » s’est envolé – terminé les bavardages des concierges, les petits bistrots de quartiers fréquentés par des autochtones, maintenant il n’y a que des bistrots à bobo qui ont encore les moyens de loger à Paris et croient connaître cette ville dont ils ne sont que locataires, et non acteurs –
    Quand je vais à Paris aujourd’hui, je me sens dans un décors vidé de son âme – La ville n’a pas échappée à la culture du laid taggé à tout les coins de rue -Les squares sont remplis de rats et de poubelles débordantes – l’insécurité rend impossible la balade insouciante en surface et en sous sol – dégoutée je préfère m’en aller – Mme Hidalgo vous avez fait de Paris la poubelle ville du monde !

  10. C’est stupide , les bouquinistes parisiens sont connus dans le monde entier . Démonter ces  » boites » ce sera démonter l’image de Paris . En plus 14 jours sans travailler qui payera les pertes des bouquinistes ?

  11. Parisiens vous avez voté Hidalgo ?
    Vous l ‘avez cherché de facto !
    Vous obtiendrez ce que vous vouliez illico !

  12. Parisiens, qu’avez vous laissé faire de cette ville qui faisait rêver la planète entière. J’avais 10 ans, un carnet de tickets de métro dans la poche lorsque je l’ai découverte. Pas d’insécurité le printemps sur les quais. C’était en 70. J’y ai été muté en 2000. Quelle déception. Je ne me déplacerai pas pour les JO

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