Jordan Bardella chez Apolline de Malherbe (À) : un fox-trot parfaitement exécuté

Capture d’écran (1197)

Comme dans « Danse avec les stars », on devrait pouvoir donner, lors des interviews politiques, des notes techniques et des notes artistiques. Il y a ceux qui jouent la carte de l'entraînement intensif, qui déroulent leurs figures sans brio mais avec sérieux. À l'inverse, il y a ceux qui misent sur l'impro, l'épate, la nouveauté, parfois sans avoir de fond solide ou avec une technique approximative. Et puis, il y a ceux qui ont vraiment bossé et qui, en plus, ont ça dans le sang. C'était le cas, ce 9 janvier, de Jordan Bardella, nouveau président du Rassemblement national et étoile montante de la droite. Il était face à Apolline de Malherbe, sur BFM TV et RMC, et on peut dire que l'entretien s'est bien déroulé. On ne peut pas accuser de complaisance envers le RN la présentatrice vedette de la chaîne d'information, tout comme on ne peut pas accuser le président du RN d'excès de mansuétude envers les journalistes. Et pourtant...

Jordan Bardella a été invité à s'exprimer sur tous (absolument tous) les sujets du moment. On a commencé, comme dans tous les entretiens, par un peu de « small talk » sportif pour briser la glace : cette fois, c'était des propos de Noël Le Graet sur Zinédine Zidane qu'il était question. Bardella condamne, évidemment, avec mesure, fermeté mais avec sobriété. Sans faute technique. De sobriété, d'ailleurs, il parle par la suite, avec humour, prétendant que Le Graet, pour tenir de tels propos, n'est pas du genre à respecter le dry January, ce mois de janvier sans alcool qui est à la mode. Apolline de Malherbe entre dans son jeu : « Vous pensez qu'il y a une affaire de [elle fait le geste de se torcher le nez] picole ? » Involontairement, la complicité est établie : c'est un sans-faute artistique.

Sujet suivant, plus ardu : les propos de Michel Houellebecq sur les musulmans, tenus dans Front populaire, lors de son entretien avec Michel Onfray. Bardella reconnaît volontiers des propos excessifs de la part de Michel Houellebecq, mais précise immédiatement qu'il y a, de l'aveu même des responsables des services de sécurité français, passés et présents, des quartiers hors de contrôle. Une figure technique facile - suivie, dans la foulée, d'une figure plus artistique où Bardella, rebondissant sur les propos de Houellebecq, cite François Hollande dans Un Président ne devrait pas dire ça au sujet de la partition et de la guerre civile. Impeccable.

Un mot rapide sur le maillot de foot « Mohammed Merah » à Toulouse, puis sur les partisans de Bolsonaro qui ont pris d'assaut les bâtiments officiels brésiliens - des passes rapides, sur lesquelles un danseur de cette classe ne s'emmêle pas les pinceaux - avant d'attaquer le projet de loi portant sur la réforme des retraites. C'est le gros morceau de la chorégraphie, le porté aérien, le soleil acrobatique. Techniquement, Jordan Bardella est au point, évidemment : éléments de langage sur la « guerre sociale aux Français », notions tirées des rapports officiels sur la non-justification économique de cette réforme, il ne manque rien, c'est propre. Artistiquement, c'est encore mieux. Apolline de Malherbe est une partenaire aguerrie, elle lui donne du fil à retordre, c'est presque une sorte de tango. Avec ironie, quand il avance que sa solution est la meilleure, elle lui dit qu'elle a déjà entendu ça cent fois. Mais elle semble prête à sourire. C'est du chouette boulot. Sur le fond, Jordan Bardella convainc le public ; sur la forme, il séduirait presque son interlocutrice.

On termine avec un peu de légèreté sur les idiots du groupe Indochine qui refusent de chanter à Perpignan parce que c'est une ville RN, et que le RN, c'est mal. Jordan Bardella, figurez-vous (et en plus, c'est certainement vrai), n'a assisté qu'à un seul concert dans sa vie : un concert d'Indochine. Et bim ! Comme beaucoup de fans d'Indochine qui votent RN, il trouve ça bête.

La musique s'arrête. Les lumières se rallument. Jordan Bardella et Apolline de Malherbe ont terminé. Les jurés vont attribuer leurs notes. Honnêtement, c'est un sans-faute technique de la part du président du RN. Pas une hésitation, pas un propos plus haut que l'autre, aucune prise mais aucune dérobade. Impeccable. Artistiquement, chacun appréciera la qualité de la prestation, mais on peut tout de même s'accorder sur la bonne harmonie et la bonne tenue de cet entretien. On est loin des matchs de catch de Jean-Marie Le Pen ou des rounds de Marine qui faisait de la boxe anglaise amateur contre des boxeurs thaïs vicelards. Pour Apolline de Malherbe et Jordan Bardella, c'est du fox-trot, et c'est un 10 !

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

42 commentaires

  1. Un duel sans haine ni arrogance de la journaliste… quel progrès à bfm où Badella a enfin pu s’exprimer pleinement sur une chaine « douteuse »….

  2. Que d’eau, de dilution, le RN s’affuble ! Oui, dire que les propos de Houellebecq sont excessifs et vont diffuser chez les sympathisants du RN un rejet immédiat. Le RN est rentré dans le système de la compromission.

    • Et oui !!! Bardella est devenu si consensuel, si politiquement correct … que le RN fait désormais partie du système ; bref il faudra que tout change pour que rien ne change, surtout tant que la France restera soumise aux directives de Bruxelles.
      De plus, il ne faut pas être naïf, c’est MLP qui sera candidate en 2027, Bardella lui laboure admirablement bien le terrain dans l’espoir de ratisser large.

  3. Jordan Bardella a beaucoup de bagout, de plus il est très intelligent, il sait comment renvoyer ses interlocuteurs dans les filets.
    Ce n’est évidemment pas une Apolline de Malherbe qui lui foutra les jetons.
    Au contraire, un face-à-face de Malherbe Bardella, Jordan en redemanderait, histoire de s’entraîner pour d’autres face-à-face avec des journalistes (?) arborant un badge PS, PC, Vert, LREM-Renaissance.

    • Il est très doué et a un sang froid remarquable, je regrette qu’il ne fasse pas partie de « Reconquête’.

  4. Le RN sort donc enfin de l’esprit boutiquier, « de père en fille depuis 50 ans », on change l’enseigne et on continue…
    Jordan Bardella a incontestablement l’envergure requise pour participer efficacement au sauvetage et au redressement de la France.
    Merci à vous, Arnaud Florac, pour cette chronique. Un bijou d’un éclat éblouissant, tant pour le fond que pour l’expression. Bardella : pan ! sur le nez des politicards. Florac : pan ! sur le nez des journalistes. Bravo

  5. Un sans fautes pour Bardella, clair, à l’aise dans tous les sujets, jamais pris au dépourvu, un peu dans le même style que Marion Maréchal . Ahhhh !! S’ils pouvaient s’unir ces deux là … Je parle d’un point de vue politique …

  6. Excellent Jordan BARDELLA, bien digne d’avoir pris la tête du RN….Celui là, au moins ne se laissera pas faire !

  7. C’est l’esprit d’aujourd’hui. Pas de vague. L’intelligence artificielle remplacera bientôt les débatteurs.

  8. Et donc , il en ressort quoi? A part s être fait plaisir tous les 2 et en ressortir bien notés par leurs hiérarchies

  9. Je sens le désappointement des partis comme Renaissance , NUPES et même LR , de voir que le RN a dans ses rangs des députés responsables et qui savent mettre en avant des solutions différentes que celles qui ont mis la France bien bas.
    Pas de propos haineux , pas de propos racistes ou antisémites , quelle désillusion pour ceux qui nous gouvernent …..

  10. Appoline de Malherbe est une femme intelligente et grande qualité pour une journaliste, elle sait laisser parler ses interlocuteurs contrairement à Bourdin qui est un grossier personnage, il est vrai que Bardella a du fond et est excellent dans ses intertview, nettement au dessus de Marine .

    • Appoline de Malherbe et Bourdin même combat 2 journalistes mainstream payés par Drahi soutien des campagnes Macron. La seule différance est l’hypocrisie tout en finesse de Mme Malherbe elle utilise les mêmes méthodes que Bourdin mais avec le sourire et ingénuité feinte.Tout est réglé au mm le RN est devenu politiquement correcte, jusqu’au deuxième tour, après il redeviendra le diable. C’est un tango bien rodé depuis Mitterrand, les deux partenaires jouent les jeux, pas de sujets qui fâchent, immigration, insécurité, inflation, prix de l’énergie il vaut mieux parler du foot

    • « Appoline de Malherbe est une femme intelligente et grande qualité pour une journaliste »…
      Ah?
      je la trouve bonne à claquer . Je ne dois pas avoir la délicatesse d’esprit adéquate .

    • « … elle sait laisser parler ses interlocuteurs… ». Total désaccord avec vous. Elle peut être arrogante, hargneuse et ne pas laisser parler ses interlocuteurs. Un exemple frappant est son entretien avec Juan Branco dans l’affaire des vidéos de Benjamin Griveaux. Odieuse. Allant jusqu’à proférer une accusation et d’immédiatement couper le micro. Branco n’a pas eu le droit de répondre à la harpie.

  11. C’est indiscutable, ce jeune homme est très fort, toujours calme, concis, courtois, présentable, bref de la haute performance. Continuez cher Jordan, vous avez tout pour plaire et convaincre.

  12. Bardella a avait déjà séduit Ruth El Krief lors de plusieurs slows langoureux. On a hate de le voir dans un numéro de break dance ou de capoeira face au rapeur Macron. Bardella président ! Vite !!!

  13. Qui des eux a « besoin de l’autre dans un avenir proche » ? … Quand à aller jusqu’à la collusion entre ces deux là, il sera temps de le faire lorsqu’on sera en train de « parler des élections européennes  » …
    On nous fait « des écrans de fumées » dans toutes les directions ( « macron et les déficiants », « macron dans les vestiaires », « macron et legrët » … etc etc etc ) donc le futur proche de la FRANCE risque de se complexifier dans pas longtemps …
    La « machine à brasser du vent » sera toute aussi efficace que ses copines les éoliennes … Mais continue à détruire tout ce qu’il touche ! …

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