Jordan Bardella veut un « ministère chargé de l’Efficacité » comme Elon Musk !

Bardella poursuit habilement la mue libérale du RN pour coller aux attentes des Français et de la droite. Et gagner.
image (33) (1)

La vie politique et la conquête du pouvoir, surtout pour un jeune homme prometteur, sont autant affaire de conviction et de persévérance que de pragmatisme. Avec la nécessité de saisir avant les autres les évolutions qui feront l'opinion et le monde de demain. Et, donc, votre succès électoral. Le Grand Entretien de Jordan Bardella avec Darius Rochebin, sur LCI, ce jeudi 13 mars, doit être regardé à cette aune.

De Gaulle et... Chirac

Plusieurs de ses déclarations ont pu étonner, jusqu'au sein du RN. Ainsi, sa réponse à la question sur ses présidents de la République préférés. « Si je devais en choisir un, en dehors de Charles de Gaulle, ça serait lui », a répondu le président du RN. Lui ? Jacques Chirac. Avec, comme arguments, sa « passion pour la France » et son goût du contact avec les gens, indispensable pour faire de la politique. Le positionnement est habile et vise à ratisser large, à continuer d'arrimer au RN des gaullistes trahis à de multiples reprises et qui avaient pu être séduits, en 2017, par Macron. Julien Rochedy a bien perçu la stratégie générationnelle de Bardella, qui, en se faisant héritier de Chirac, attire autour de lui les jeunes de sa génération, nés sous Chirac, et les retraités ou futurs retraités, pour qui Chirac représente toujours un monde rassurant.

Faut-il ajouter que le grand et jeune Bardella rappelle, physiquement, le Chirac des débuts, énergique et vraiment gaulliste ? Avec leur 1,88 m, ils dominent leurs voisins sur les photos, avant de les dominer dans les urnes. On a le droit de préférer des leaders petits, agités ou rondouillets, des septuagénaires ventripotents comme la politique française en produit à foison, mais un peu de hauteur et de grandes enjambées ne sauraient desservir.

 

Un DOGE à la française !

Moins anecdotique, mais tout aussi habile, la proposition de Bardella de créer un « ministère chargé de l’Efficacité gouvernementale ». À l'image du fameux DOGE américain institué par Musk : le Department of Government Efficiency. Outre le parfum de modernité capté par cette idée, elle permet à Bardella et au RN d'occuper un créneau essentiel pour l'emporter : celui de l'efficacité économique et de la réduction des dépenses publiques. Et, accessoirement, de tordre le cou aux accusations d'un Zemmour ou d'un Wauquiez accusant Marine Le Pen et le RN d'être « étatiste » voire « socialiste ». Une sorte de tournant libéral, engagé depuis plusieurs mois déjà, et qui, tout en renouant avec les premiers programmes de Jean-Marie Le Pen, doit faciliter le ralliement des milieux économiques et des actifs des classes moyennes, ulcérés de payer toujours plus d'impôts. Le moment est particulièrement bien choisi. D'abord, car le centrisme incarné par Macron, qui s'était fait élire sur des promesses libérales, ne les a pas tenues. Ensuite, car la question du poids des dépenses, des déficits et de la dette qui ont atteint des niveaux historiques est devenue une réelle préoccupation pour les Français. Des Français excédés par cet État obèse, dispendieux et incapable de remplir ses fonctions régaliennes premières, à commencer par la défense. En ces temps où même les penseurs libéraux du macronisme, comme Alain Minc, rivalisent d'idées pour alourdir encore la fiscalité des classes moyennes, Bardella s'est démarqué dans le bon sens. Ses formules frappées au coin du bon sens libéral (« Il faut que l'on arrête de dépenser de l'argent dans tout et dans n'importe quoi » ou « Il faut dégrossir la bureaucratie de l'État ») ont indéniablement touché des libéraux, du centre et de la droite, tout aussi orphelins que les gaullistes.

Quand on est à la tête d'un parti qui rassemble de 30 à 40 % des électeurs et que l'alternance se profile, il est tout à fait bienvenu, pour élargir encore son audience, d'aller chercher modèles et idées dans toutes les droites, celle de Chirac comme celle de Musk. Des droites qui ont su l'emporter.

Picture of Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

7 commentaires

  1. Idée à creuser ! Cependant, qui se chargerait de vérifier l’efficacité du « ministère chargé de l’Efficacité gouvernementale » ? Un ministère chargé de l’Efficacité du ministère chargé de l’Efficacité gouvernementale ?
    Quant à sa saillie sur Chirac, je veux bien que Bardella soit un jeune padawan, mais tant de défaillance de mémoire sur « l’œuvre » de Chirac, principal support, par ses trahisons répétées, des 14 années de mitterrandisme, confine à une inculture dramatique.

Laisser un commentaire

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Alain Minc est un peu une boussole qui indique le sud
Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois