Joséphine Baker au Panthéon : comment la Macronie tente la récupération d’une authentique patriote
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Son catafalque empli d’un peu de terre, ramassée aux endroits où elle a vécu, passe donc une première nuit sous les hauts plafonds du Panthéon. La dépouille de Joséphine Baker est restée à Monaco, où elle a fini sa vie. L’hommage était mérité mais, comme d’habitude avec notre ami le Président Macron, cet hommage n’était en rien gratuit. Ici, le calcul est grossier : la France met en avant la diversité, rhabille son Histoire aux couleurs du métissage et donne à nouveau une belle leçon de politiquement correct. Toutes les occasions sont bonnes. C’est donc la fête dans le camp du bien. Sauf que cette fête est volée, que son message tient de la manipulation et que les arrière-pensées saturées de calculs politiques ont un effet carrément comique.
Car Joséphine Baker, la vraie, débarrassée des oripeaux de la Macronie, a toutes les qualités de l’immigrée magnifique, tous les atouts de ces nouveaux venus qui forcent l’admiration et suscitent plus que d’autres l’amour et l’affection des Français.
Voilà une petite fille pauvre venue du Missouri, aux États-Unis, qui explose sur les planches des cabarets parisiens de l’entre-deux-guerres, suscite l’admiration, l’enthousiasme et les applaudissements de tout un pays. Ce même pays que des historiens nous décrivent comme foncièrement raciste depuis toujours. En quelques années, elle est riche, célèbre et adulée. Elle sait ce qu’elle doit à la France : « Quand j'étais enfant et qu'ils m'ont chassée de ma maison en y mettant le feu, j'ai eu peur et je me suis enfuie jusqu'en France, racontait-elle. Je peux vous dire que dans ce pays qui semblait tout droit sorti d'un conte de fées, je n'ai plus jamais eu peur. » Voilà pour les idéologues de la repentance, pour ceux qui vivent de leur discours sur le racisme intrinsèque de l’Hexagone et le martyre éternel des immigrés.
Joséphine Baker militera contre le racisme, défilant aux côtés de Martin Luther King, aux États-Unis, mais elle défilera… dans son uniforme de l’armée française. Car oui, cette petite fille recueillie et applaudie par la France, cette interprète de « J’ai deux amours [mon pays et Paris] », s’est lancée dans la bataille pour défendre ce qui est devenu son pays de cœur. Authentique résistante, par patriotisme, agent de renseignement durant la guerre, elle en sort officier des Forces aériennes françaises libres, chevalier de la Légion d’honneur, médaille de la Résistance avec rosette et croix de guerre 39-45 avec palme. Des immigrés de cette trempe, la France aimerait en avoir davantage. À l’officier du contre-espionnage qui la recrute, elle lance cet hommage vibrant : « C’est la France qui a fait ce que je suis, je suis prête, capitaine, à lui donner ma vie. Je lui garderai une reconnaissance éternelle. Vous pouvez disposer de moi comme vous l’entendez. » Joséphine Baker tiendra parole.
Cette Américaine, qui avait trouvé en France de quoi assouvir sans contraintes sa fantaisie et son talent, accepterait-elle les discours dégoulinants d’antiracisme convenus aux relents accusateurs contre son pays de cœur ? Que penserait cette femme si libre de la récupération politique de sa mémoire par un Macron en précampagne électorale ? Une tentative si épaisse qu’elle masquerait jusqu’au soleil que la meneuse de revue vibrante d'amour pour la France répandait sur ses spectateurs : « Noire défendant les Noirs mais d’abord femme défendant le genre humain », marmonne le président de la République dans cette novlangue sombre, lourde, triste, convenue, consensuelle et intéressée. Tout ce que n’était pas Joséphine Baker.
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