Journée mondiale de la trisomie : vers une société plus « inclusive » ?

Capture d'écran Fondation Jérôme Lejeune
Capture d'écran Fondation Jérôme Lejeune

Au quotidien, Marin vit comme tous les autres petits du même âge. Il progresse simplement un peu plus lentement qu’un autre enfant, il ne marche pas encore et ne parle pas du tout, mais il babille énormément et fait craquer sa maman. Alors que les 21 et 22 mars, la fédération Down Syndrome International Network organise la 13e conférence de la Journée mondiale des personnes atteintes du syndrome de Down au siège des Nations unies à New York, BV a voulu savoir comment, en 2024, améliorer la qualité de vie de ces enfants porteurs de trisomie 21 ?

Les laisser vivre

« En les laissant vivre ! répond, sans hésiter, Lucie, la maman de Marin (qui témoigne dans la vidéo ci-dessous). S’ils naissaient tous, ou même seulement la moitié d’entre eux, ils seraient plus visibles, feraient partie du paysage, ça ferait moins peur, on s’organiserait mieux pour les accompagner », témoigne-t-elle. Bien consciente d’être privilégiée car bien entourée sur le plan médical, elle court quand même du kiné à l’orthophoniste sans oublier la psychomotricienne, ce qui représente deux ou trois rendez-vous par semaine, à caler entre les conduites des aînés en cours et des devoirs à superviser…

Ce qui pourrait l’aider ? Déjà détenir une carte de stationnement pour personne handicapée, « c’est une galère pour l’obtenir, ce n’est pas grand-chose, mais ce serait un véritable coup de pouce, car au milieu de tous ces rendez-vous, le stationnement est une question de moins à se poser ». Lucie insiste également sur l’importance d’avoir des soignants formés aux spécificités de la trisomie 21 : « D’abord sur le plan purement informatif, car on a toujours de nombreuses questions à poser. Ensuite sur le plan médical, ces enfants ont des fragilités typiques, ils sont plus sensibles dans la zone ORL, ils ont souvent la bouche ouverte et la langue qui dépasse, et attrapent ainsi des microbes... »

Malgré un discours inclusif omniprésent dans notre société - encore que cette inclusivité vient de prendre du plomb dans l'aile, à l'heure où nous apprenons que les personnes atteintes de trisomie 21 ne seront pas représentées à Paris, fin août, lors des Jeux paralympiques - Paris 2024 peut toujours fanfaronner en expliquant sur son site « léguer une société plus inclusive après les Jeux » et s'engager dans une « démarche inédite : tous les handicaps, toutes les pratiques sportives ! », ce slogan ment. Malgré cette soi-disant inclusivité, donc, la trisomie 21 souffre-t-elle encore de stéréotypes ? « Évidemment, et c’est normal ! Le cliché du câlin énorme repose sur du vrai », complète Lucie, qui poursuit : « Mais la question devrait être celle-ci : qu’est-ce qu’on en fait ? Et est-ce qu’on s’enferme dans ces stéréotypes ? »

Alors, la jeune femme nous confie avoir parfois senti « des regards curieux, étonnés » se poser sur Marin puis sur elle. « On te regarde parce que tu l’as gardé, on a du mal à imaginer qu’on puisse garder un enfant dans ce cas. » Et cette question qui revient inéluctablement : « Est-ce que tu savais ? » Mais là encore, la maman se dit chanceuse et avoue « manger son pain blanc », elle décrit plutôt un attendrissement des personnes qu’elle croise autour d’elle devant cette fragilité et ces deux petites billes bleues en lieu et place des yeux.

Normalité conquérante

Certes, l’annonce du diagnostic a été vécue comme « une claque », mais parce que Lucie avait peur « de ne pas savoir gérer », peur, aussi, de « la méchanceté des gens ». Mais il n’en a rien été. Et aujourd’hui, elle témoigne sereinement : « Il ne s’agit pas de dire que c’est canon, ce n’est pas tous les jours évident, mais finalement, c’est quoi, la vie ? C’est toujours la façon dont on a surmonté des épreuves qui nous semblaient dures qui nous fait grandir. »

In fine, quelle place reste-t-il à la différence dans notre société dont la normalité conquérante, si bien décrite par la plume sensible et éprouvée de Clara Dupont-Monot, ne prévoit pas d’accueillir des enfants jugés inadaptés ? Nous aurions tant à gagner en humanité à leur rendre leur dignité et s’inspirer de leur humilité. Et Lucie de conclure : « Il faut remettre en perspective la question de la normalité : ils sont peut-être limités en efficacité ou en rapidité d’apprentissage, c’est sûr que ce n’est pas leur truc ! Mais nous, nous sommes des handicapés du sentiment et de l’engagement, sauf que dans notre monde, c’est moins pesant. »

Iris Bridier
Iris Bridier
Journaliste à BV

Vos commentaires

10 commentaires

  1. Les trisomiques sont les 1ers assassinés par l’IVG… est-ce pour cela que l’IVG est entrée dans la con-stitution ? Y aurait-il une baisse d’IVG chez les trisomiques diagnostiqués en grossesse ? Voila une bonne nouvelle.

  2. J’ai un couple d’amis qui ont adopté, successivement, 3 enfants trisomiques. Ces 3 enfants sont des personnes exceptionnelles et des rayons de soleil quotidien (avec quelques averses). Laissez les vivre!

  3. Désolé, mais il faut des structures spécifiques pour prendre en charge les différents types de handicaps, et laisser le cadre scolaire actif pour les élèves aptes à l’apprentissage et à l’éducation « en toute normalité ».

  4. Je « comprends » les parents, qui ne veulent pas avoir recours à l’IVG dans le cas de trisomie, et je pense qu’ils aimeront leur enfant peut-être plus que s’il n’avait pas ce handicap, et pourtant à mon avis c’est dans ces cas la que l’IVG serait justifiée. (OH, le vilain!).

  5. Dans un pays aux 240000 avortements annuels, il est « normal » de regarder d’un mauvais œil les parents ayant un enfant trisomique. Dans une petite ville près de chez-moi, il y a un CAT (Ateliers protégés) et les pensionnaires de cet établissement sont considérés comme des citoyens à part entière. Ce sont eux et eux seuls qui ont la charge de l’entretien des jardins et platebandes de la ville à la plus grande satisfaction des habitants. Preuve qu’ils sont pris en considération et heureusement. Ceux qui portent un regard négatif sur ces personnes sont tout simplement inhumains.

  6.  » Il faut remettre en perspective la question de la normalité « voilà une phrase qui mérite réflexion . Est il normal de lâcher des criminels , normal de dépouiller un peuple au profit d’autres personnes , normal que certains vivent comme des rois en ruinant ses semblables et tant d’autres questions encore sans réponse . En tous les cas aujourd’hui en soutien à ces enfants nous portions des chaussettes dépareillées et ceux qui l’ont fait méritent qu’on les salue .

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