Juillet 1794 : les carmélites de Compiègne, dernières victimes de la Terreur

280px-Our_Lady_of_Mount_Carmel_Church,_Quidenham,_Norfolk_-_Windows_-_geograph.org.uk_-_1084822

Au crépuscule de son existence, la Terreur n’a pas cessé sa macabre besogne. Dix jours avant la chute de Robespierre, dit l’Incorruptible, le 17 juillet 1794, les seize malheureuses carmélites de Compiègne sont les tristes martyres de l’odieux crime révolutionnaire. Par leur courage, leur dignité ainsi que par leur piété lors de leur ascension vers l’échafaud, elles ont marqué à jamais les spectateurs présents lors de cette sordide exécution, précédée d'une parodie de justice.

De la protection des rois à la persécution des révolutionnaires

Avant ces jours sombres de la Révolution, la communauté religieuse du carmel de Compiègne coulait des jours heureux. Installées dans la ville et dans leur monastère depuis 1648, les filles spirituelles de sainte Thérèse d’Avila passent la majorité de leur temps à prier pour le monde à l’abri des regards, sous la protection des rois de France. Mais avec la disparition de l’Ancien Régime s’évanouit le précieux soutien qu’il apportait à ses protégées.

Dès lors, les nouvelles lois promulguées par les révolutionnaires bouleversent la vie des ordres religieux en France, dont celle des carmélites de Compiègne. Le 2 novembre 1789, les biens du clergé sont confisqués, provoquant ainsi la perte de leur habitat. Heureusement, elles obtiennent le droit de continuer de vivre dans leur ancien domaine… temporairement. L’interdiction de prononcer des vœux religieux, jugés contraires aux idéaux de liberté par les révolutionnaires, perturbent aussi le fonctionnement de la petite communauté. La benjamine des carmélites, Sœur Constance, se voit dans l’impossibilité de prononcer ses vœux perpétuels et reste donc novice dans l’espoir, un jour, de pouvoir se mettre pleinement au service de Dieu comme ses sœurs.

Après l’abolition de la monarchie en 1792, les persécutions religieuses se font plus fortes, en France. Nos carmélites sont ainsi expulsées de leur ancien monastère le 14 septembre et sont obligées de prêter le serment Liberté-Égalité imposé par la Révolution. Ce serment exige « d’être fidèle à la nation et de maintenir la liberté et l’égalité ou de mourir en la défendant ». Officiellement rendues à la vie civile, les religieuses continuent cependant officieusement leur vie religieuse. Dispersées dans Compiègne chez de courageux habitants, elles se retrouvent discrètement afin de continuer à prier. Cependant, sentant l’étau mortifère de la Révolution se resserrer sur elles, les carmélites, désormais clandestines, se disent prêtes à s’offrir en holocauste « pour que la paix soit rendue à l’Église et à l’État ». L'occasion de ce sacrifice pour le bien de la France ne tarde pas à venir.

« Elles ont l’air d’aller à la noce »

La Terreur, installée par le vil Comité de salut public, est un ogre qui demande sans cesse du sang pour étancher sa soif. Ainsi, quiconque est suspecté d’être un ennemi de la Révolution et de ses intérêts est sacrifié et envoyé à la guillotine. Cette folie se propage dans toute la France et arrive à Compiègne. Nos seize carmélites sont arrêtées le 22 juin 1794, puis emprisonnées dans leur ancien couvent devenu prison, avant d’être transférées à la Conciergerie, à Paris, le 12 juillet. La parodie de procès, dirigée par le Tribunal révolutionnaire, a lieu cinq jours plus tard, le 17 juillet. La veille, les religieuses célébraient la fête de leur ordre, celle de Notre-Dame du Mont-Carmel. Mais tout ceci n’émeut en rien les juges pour qui le verdict est déjà acquis. Il ne leur reste qu’à trouver des prétextes. Ces derniers portent alors sur deux points : le fanatisme, par la volonté des religieuses de rester prisonnières de leurs vœux, et la sédition, par la présence du Sacré-Cœur dans leurs affaires, « preuve » d'un ralliement aux brigands de Vendée. Avec ces accusations, le tribunal, sans aucun scrupule, les condamne toutes à être guillotinées le jour même.

Amenées en charrette jusqu’à la place de la Nation, les carmélites, vêtues de blanc, ne cessent de chanter en chemin. Les témoins, impressionnés par leur dignité, respectent silencieusement les derniers instants des religieuses. Certains vont même à dire qu'« elles ont l’air d’aller à la noce ». Pour se donner du courage en cet ultime instant, elles entonnent le chant du Veni Creator, renouvelant ainsi leurs vœux. Arrivées au pied de l’échafaud, elles sont appelées par le bourreau Sanson : d'abord, la toute jeune Sœur Constance, encore novice, avant que ne suivent les quinze autres religieuses qui continuent de chanter et de prier dans l’attente d’être exécutées. La dernière suppliciée fut la mère supérieure, Thérèse de Saint-Augustin, qui aura vu toutes ses filles périr avant qu’elle-même ne rejoigne à son tour son Créateur.

Leurs corps et leurs têtes sont ensuite jetés par les révolutionnaires, comme de coutume, à la fosse commune du cimetière de Picpus. Cette histoire, révélant encore une fois l’un des nombreux excès macabres de la Révolution, est aussi le témoin d’un événement extraordinaire. En effet, par un accomplissement céleste ou par coïncidence, les vœux des carmélites de s’offrir en holocauste « pour que la paix soit rendue à l’Église et à l’État » se réalisa dix jours après leur exécution quand, avec la chute de l’Incorruptible, la Terreur s’achève enfin.

Les carmélites sont béatifiées par le pape Pie X, le 27 mai 1906.

Note de BV : Voir aussi ce documentaire qui s'appuie sur les travaux récents de la recherche historique et raconte la véritable histoire des Carmélites de Compiègne. Le film suit le travail de la petite équipe carmélitaine qui oeuvre à la cause de canonisation, et offre des témoignages de personnes touchées par les Bienheureuses. Une coproduction KTO/DE GRAND MATIN 2024 - Réalisation François Lespés.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 23/07/2024 à 10:50.
Eric de Mascureau
Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

20 commentaires

  1. + plus de 100 ans pour que le Pape reconnaisse, le martyre de ces femmes pieuses, c’est très long. On comprend que nous nous déchristianisons très vite sans que le peuple comprenne, la France insoumise a encore de beaux jours à vivre et prospérer.

  2. Mon père, en bon Anglais fidèle à la Reine, nous apprenait que le 14 juillet, on ferme les volets, on se met en deuil et on ne sort pas de la maison. Et le 21 janvier, messe (en latin) pour Louis XVI avec à la fin, lecture intégrale de son magnifique testament . Toute l’assemblée sortait en larmes. Cette messe est encore célébrée dans plusieurs églises en France et le testament est sur Internet.

  3. À vous qui avez voté NFP, vous avez aimé Robespierre ? Vous adorerez Mélenchon. Maintenant, débrouillez-vous. Marine 2027… ou plus tôt.

  4. Oups ! Sans doute un peu plus âgée que vous (et matheuse à l’époque), j’ai totalement échappé à Sartre et Marx: En terminale, j’ai lu Kierkegard, Teilhard de Chardin, Bergson, Claudel et Cesbron, grâce à une prof de philo pied-noir un peu farfelue.

    • Vous avez bien de la chance ! Moi j’ai eu Sartre, Merleau-Ponty, et en maths la théorie des ensembles…

  5. Elles étaient sûrement d’extrême droite selon les critères d’aujourd’hui.
    On ne sait pas trop lesquels, mais Melenchon le sait, lui, et c’est le principal.

  6. Et bien, c’est ce que je dis depuis longtemps, « le république, c’est de la cochonnerie » pour rester polis. Remarquez, si nous avions certains « groupes » pour diriger la France, nous n’en serions pas loin …

  7. A quelques jours près , ils ont aussi assassiné à Orange 32 religieuses . Elles ont été béatifiées , et la mairie a honoré leur mémoire par un monument .
    Vive la République , vive la France.

  8. C’est l’ADN de la République de France avec quelques poses après guerre et le cirque recommence de plus belle.

    • Vous avez 100 fois raison. A cette violence, il faut ajouter le mensonge, l’illusion et l’ignorance. Ce que vous appelez ADN est une malédiction. La malédiction des régimes (URSS, Algérie, Iran, Vénézuela, Cuba, Corée du Nord …. ) nés de ce type de violence. La France ne s’en relève pas et ne connait en effet que de courtes parenthèses de stabilité et de prospérité.

  9. Un exemple de ce que peu faire l’extrémisme de gauche. Encore aujourd’hui, des propos venant de ce camps politique montrent que cette terreur peut resurgir.

  10. N’oublions pas que le député Leaument accompagné de Mélenchon sont allés se « recueillir » à Arras sur la tombe de Robespierre.

  11. Le martyre des Carmélites de Compiègne qu’on ne peut dissocier du calvaire de la reine Marie Antoinette a jeté sur les origines de la république une tâche indélébile dont elle ne relèvera pas.
    Quand on voit qu’aujourd’hui qu’il y a à l’AN des factions déterminées à poursuivre « mutandis mutandi » la tradition, on est en droit de désespérer du peuple français.

  12. J’ai appris récemment que le club des jacobins avait délogé les Dominicains de la rue Saint-Jacques (d’où jacobin), là où avait enseigné et prêché Saint Thomas d’Aquin. Que d’horreurs.

  13. Si j’avais le temps, et l’argent, je poursuivrais en justice l’état français pour m’avoir obligé à lire, durant mes années de lycée, cet imbit… et imposteur Sartre au lieu de grands philosophes catholiques, pour m’avoir enseigné une histoire qui ne dénonce pas, voire vénère ces abjects et violents révolutionnaires des années 93 et 94, dont le gauchiste contemporain est l’héritier encore plus primaire, et pour tant d’autres choses…

    • Cher Monsieur, la lutte contre le privilège rouge est (pour le moment) perdue d’avance. Gauchistes et juges rouges, main dans la main pour imposer leur idéologie, plus le dernier vote des français… Il ne faut peut-être pas désespérer, mais ce n’est pas gagné.

      • Non, ce n’est pas perdu. Mais il faut commencer par rétablir la vérité. La dictature, telle par exemple celle de B. Mussolini, fasciste, ou celle de J. Staline, communiste (quelle différence ?), est une dégénérescence de la gauche excessive : la gauche, collectiviste, impose beaucoup de lois. A l’excès, cela se transforme en régime autoritaire, puis totalitaire.
        Montrons ce que nous enseigne l’Histoire et combien c’est cohérent avec ce que nous voyons aujourd’hui (LFI, son duce violent et intolérant, ses chemises noires antifas. Ou bien le pire régime actuel de la planète, l’épouvantable Corée du nord communiste).
        En effet, il ne suffit pas d’affirmer, il faut démontrer pour convaincre.

    • J’adhère totalement à votre point de vue. Il me revient en mémoire ces festivités grandioses pour le bicentenaire de la Révolution, la parade délirante de Jean-Paul Goude… J’étais à l’époque trop jeune pour réaliser, formatée à l’école par le culte de « la mère de toutes les révolutions ». Dans l’établissement pour enfants dans lequel je travaille, j’ai vu des photos de cette grande fête de 1989 où enfants et professionnels, déguisés en sans-culottes, fêtaient dignement cette boucherie… C’est affligeant…

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois