Juliette Armanet : pourquoi tant de dégoût pour « Les Lacs du Connemara » ?

Michel Sardou

Certains lecteurs de BV ne connaissent peut-être pas Juliette Armanet, et c'est objectivement dommage, soit dit sans ironie. C'est une des chanteuses contemporaines les plus talentueuses du paysage musical français. Elle a une voix juste et pure, avec un grain immédiatement reconnaissable et une manière d'articuler que l'on peut trouver précieuse - ou élégante, c'est selon. Elle compose elle-même ses chansons (paroles et musique), avec des progressions harmoniques parfois volontairement kitsch, parfois bien trouvées, et des textes intelligents. On la compare parfois à Véronique Sanson, pour qui elle confesse son admiration et avec qui elle a enregistré une mémorable version d'« Une nuit sur mon épaule ».

Interrogée par la télévision belge francophone RTBF, la chanteuse a répondu à une question plutôt rigolote, quoique pas posée dans un français très rigoureusement construit : « C'est quoi, les trois titres où, si tu rentres dans une pièce et il y a ça dans la soirée, c'est un non, tu rentres pas ? » En français classique : « Quels sont les trois titres qui t'empêcheraient (mieux : « qui vous empêcheraient », mais on ne va pas chipoter) d'entrer dans une soirée si tu les entendais ? Réponse de Juliette Armanet : « Trois fois Les Lacs du Connemara. » Et de préciser : « C'est une chanson qui me dégoûte profondément. » Invitée par le présentateur à affiner un propos un petit peu sommaire (on en conviendra), elle explique que c'est le côté « scout » et « sectaire » du tube de Sardou qui la révulse à ce point. Son intervieweur, lui, est sur un autre registre. Il ne comprend pas où elle veut en venir. Lui pense au côté « on se prend tous par les bras » d'une chanson qui « pue la transpi ». Il n'y est pas tout à fait : Juliette Armanet est dans le combat esthético-politique (n'est-ce pas tout un ?). Outre le côté scout et sectaire, elle trouve la musique « immonde » et conclut, « et c'est de droite. Y a rien qui va. »

Que dire ? La chanson de Sardou n'a rien de scout. Elle parle de catholicisme, c'est sûr, mais après tout, quand on évoque l'Histoire de l'Irlande, ce n'est pas complètement débile. Juliette Armanet hait-elle le scoutisme ? C'est possible, mais elle est hors sujet dans ce cas précis. Sectaire ? Si on parle de musique, alors oui, c'est plutôt une chanson occidentale, mais les chansons de Juliette Armanet elles-mêmes sont construites avec le clavier tempéré de la musique occidentale. Elle ne sont ni pentatoniques ni modulées en quarts de ton. La chanteuse fait simplement de la bonne pop, un peu années 80, avec des orchestrations vitaminées d'aujourd'hui, ou des ballades classiques. Pas de quoi la ramener. Immonde ? Merci pour le poème symphonique de Paul Dukas (L'Apprenti sorcier, inspiré d'un poème de Goethe, composé en 1897), popularisé par le personnage de Mickey dans Fantasia, morceau auquel la musique de Jacques Revaux emprunte de larges mesures. Ces allers-retours entre classique et variété sont courants par ailleurs (voir Gainsbourg avec le refrain d'« Initials BB » volé à la Symphonie Du Nouveau Monde de Dvorak), mais apparemment, ce n'est pas encore assez bien.

En fait, la clé est à la fin, comme les pointes des sonnets classiques. « C'est de droite. Y a rien qui va » : ça veut dire que la musique ne lui plaît pas et que les paroles lui semblent poussiéreuses, traditionnelles, vieille France (tout ça pouvant sans doute être résumé par l'adjectif « scout ») - mais, surtout, que tout ça est au service d'une idéologie horrible. Pensez donc, la droite... C'est ça, le fond du problème. Il y a des chansons très à droite, chez Sardou (« Je suis pour », par exemple), mais « Les Lacs du Connemara », c'est simplement la musique des fins de soirée de la France périphérique, quand « ça pue la transpi », comme dit le « journaliste ». C'est la BO de la France qui bosse, qui galère, qui pue sous les bras, qui a des tatouages bleus et qui écoute Michel Sardou dans la salle des fêtes en terminant les cubis. Des « fachos », des « beaufs », qui voient leur pays leur échapper et leurs élites les mépriser, des gros « ploucs » qui écoutent de la musique de droite. Quelques heures plus tôt, entre les spots bleus et rouges et le carrelage déjà poisseux, on a mis « Les Démons de minuit » et tout le monde a posé la question « Qui ça ? Qui ça ? » en criant. Tout le monde a un petit coup dans les carreaux. On se « prend par les bras », comme dit - encore - le présentateur belge, et on braille un peu. Eh ouais, Juliette, elle est comme ça, la France, depuis les fêtes de village du XIIe siècle jusqu'aux boîtes de nuit de campagne de 2023 (nom typique : Le Saphir, à ne pas confondre avec Le Balto, qui est plutôt un nom de bar-tabac).

La lourde, méchante et grasse moquerie à l'encontre de ce que les urbains appellent les « beaufs » date des années 80 et 90. Dupont Lajoie, les Deschiens, sont devenus la culture dominante. On se moque très méchamment et très injustement de la vulgarité ordinaire des gens qui, depuis 1.500 ans, ont bâti la France de leurs mains. Alors oui, ils parlent fort, ils sont mal fringués, ils votent à droite et ils écoutent Sardou ; ils n'ont pas, comme l'interlocuteur de Juliette Armanet, un IMC de xylophoniste, une allergie à la « transpi » et un cheveu sur la langue ; ils n'ont pas, comme la chanteuse elle-même, ce visage régulier et cette certitude diaphane, savamment négligée, des gens à qui l'existence n'a fait que des cadeaux. Ils sont le visage de la France. Ils méritent notre respect et notre tendresse. Sardou le sait bien d'ailleurs.

Détester « Les Lacs du Connemara », pour des raisons qui semblent relever du plus méprisable snobisme, est très décevant de la part de Juliette Armanet, qui doit probablement vomir une partie de son propre public. Décevant mais, au fond, pas tellement surprenant. Le temps n'est pas si loin où Jacques Brel, Charles Aznavour ou même Johnny rassemblaient les classes sociales. Dans le domaine de la chanson française comme ailleurs, il y a une archipellisation. De là à montrer un tel mépris...

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

112 commentaires

  1. Bon, par contre « ils sont mal fringués » ça prête à sourire. En effet, je n’ai jamais vu de français « périphériques » s’humilier volontaire comme le font certains parisiens avec des tenues « de la dernière tendance » qui font rire jusqu’à l’idiot du village.
    D’ailleurs, une fois la mode passée, le parisien n’assume pas tellement de revoir les photos d’une époque où il était « tellement tendance ».
    Ce sont sûrement les coreligionnaires de Juliette armanet, des gens qui confondent orgueil et dignité.

  2. Oui, comme elle dit, je suis de droite, et pourtant son répertoire ne me déplaît pas; la seule chose que je peux lui souhaiter c’est de réaliser une carrière aussi longue et riche que celle de M.Sardou. Pôvre gaucho caviardée et bien pensante….

  3. Cette sortie d’une chanteuse peu connue des Français et qui peine à sortir de l’ombre à 39 ans et qui, pour qu’enfin on la connaisse, jette un gros pavé dans la mare est du niveau de la petite starlette qui, n’arrivant pas à percer pas ses rôles, se met nue sur la plage de Canne dans l’espoir d’avoir sa photo dans les medias. Si elle avait autant de talent qui vous vous efforcez de le décrire, tout le monde connaîtrait son nom et aurait sur les lèvres une mélodie signée pa elle. A 23 ans, Sardou avait deja ecrit des chansons que tous les Français reprenaient en choeur… c’est loin d’être le cas de la donzelle. Elle fait du Sandrine Rousseau, dans son genre : dire n’importe quoi pourvu qu’on parle d’elle. Et cracher sur la droite pour bien montrer qu’on est de gauche est un plus. Ca ne va pas plus loin.

  4. Dommage que le journaliste ait oublié de lui demander quelques éclaircissements sur le montant faramineux de subventions publiques qu’elle touche.
    C’est pourtant un scandale bien d’actualité.
    Toucher des centaines de milliers d’euros d’argent public, ça c’est de gauche, qu’elle se rassure.

  5. Qui est-ce, celle-là ? Encore une nulle de chez Néant qui essaye de faire parler d’elle. Circulons, il n’y a rien à voir ni à écouter.

  6. Qui c’est celle là? Et en p)lus elle ramène sa fraise. Mademoiselle le jour ou vous ferez autant de tubes et vendrez autant de disques que monsieur Sardou vous pourrez peut être la ramener.

  7. Je n’avais jamais entendu parler de cette Juliette Armanet. Je suis fière d’être un beauf français professeur agrégé qui vote à droite et j’adore Michel Sardou !

  8. J ai écouté une de ses chansons ; Cinq secondes m’ont suffis pour lui conseiller quelle ferai mieux de faire du tricot.

  9. Il y en a assez de ces abrutis qui trouvent un sujet à attaquer chaque matin. Quand penseront-ils à attaquer leurs parents de les avoir engendrés ?

  10. Juliette es-tu connue ? Tu chantes paraît-il . Certainement sur ces airs écrits au kilomètre, sans saveur, sans nuances, sans tempérament, qui n’impriment pas. On pose ses doigts sur un clavier et la chanson est écrite. Dans deux décennies elle sera oubliée mais ont chantera toujours « les lacs du Connemara » , « La salsa du démon » … Si les paroles de cette chanson te déplaisent, la musique retiendrait-elle ton attention ? Ah oui…. Tu as peut-être l’oreille des bovins . Effectivement, les vaches adorent la musique douce, apaisante. Elles produisent plus de lait et leur viande est plus savoureuse.

  11. Tout ce qui grand et beau particulièrement Français est combattu détruit éliminer et l’agresser est bien connu particulièrement LFI l’armée de la nouvelle culture.

  12. Comme vous le soulignez cette patronnesse de la musique est une grande et illustre inconnue (peut-être plus adulée par les bobos gauchistes) , et je lui souhaite une carrière aussi flamboyante que celle de notre chanteur POPULAIRE , j’ai cité M. Michel SARDOU, quoiqu’elle débute très mal sa carrière pour être une pasionaria de la chanson française, la politique n’ayant jamais fait bon ménage avec la chanson.

  13. Ce sport très français qu’est le « mépris ».
    Sport bobo-gaucho qui réduit l’autre à « des riens », car de toute façon « ils » ne peuvent pas comprendre, puisque ces bobo-gaucho sont persuadés de détenir les sciences.
    On n’aime ou on n’aime pas, mais de la à gerber son mépris !
    Comme le mec qui squatte l’Élysée, c’est le mot qui le définit « méprisan », jusqu’à oser dire qu’il veut « emmerder les non-vaccinés », alors que « un président ne devrait pas dire ça » !
    Le mieux est d’ignorer ces gens-là !

    • Je suis d’accord avec votre constat mais il faut malheureusement reconnaître que les bobo-gauchos sont ceux qui nous gouvernent (les partis politiques pro UE dont fait partie le RN, les médias, les artistes, les sportifs, juges du mur des c…). Même les électeurs votent bobo-gaucho : regardez toutes ces mairies EELV, regardez Macron élu une 2ème fois…Les bobo-gauchos sont une minorité qui a tout les pouvoirs et qui a imposé une idéologie de la « bienpensance » devenue largement majoritaire par un matraquage des esprits en insinuant la culpabilisation des gens à l’idée de pouvoir penser différemment, c’est à dire d’être « malpensants ». Les gens ont abandonné leur conscience, ils ont laissé les médias bobo-gauchos leur imposé la leur.

  14. La faune bobo gaucho et ses grandes idées financée par nos impôts et nos achats … on leur demande de nous divertir pas d’essayer de nous convertir à leur propagande dépassée et TOUJOURS vouée à l’échec !!!

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