Juliette Armanet : pourquoi tant de dégoût pour « Les Lacs du Connemara » ?
Certains lecteurs de BV ne connaissent peut-être pas Juliette Armanet, et c'est objectivement dommage, soit dit sans ironie. C'est une des chanteuses contemporaines les plus talentueuses du paysage musical français. Elle a une voix juste et pure, avec un grain immédiatement reconnaissable et une manière d'articuler que l'on peut trouver précieuse - ou élégante, c'est selon. Elle compose elle-même ses chansons (paroles et musique), avec des progressions harmoniques parfois volontairement kitsch, parfois bien trouvées, et des textes intelligents. On la compare parfois à Véronique Sanson, pour qui elle confesse son admiration et avec qui elle a enregistré une mémorable version d'« Une nuit sur mon épaule ».
Interrogée par la télévision belge francophone RTBF, la chanteuse a répondu à une question plutôt rigolote, quoique pas posée dans un français très rigoureusement construit : « C'est quoi, les trois titres où, si tu rentres dans une pièce et il y a ça dans la soirée, c'est un non, tu rentres pas ? » En français classique : « Quels sont les trois titres qui t'empêcheraient (mieux : « qui vous empêcheraient », mais on ne va pas chipoter) d'entrer dans une soirée si tu les entendais ? Réponse de Juliette Armanet : « Trois fois Les Lacs du Connemara. » Et de préciser : « C'est une chanson qui me dégoûte profondément. » Invitée par le présentateur à affiner un propos un petit peu sommaire (on en conviendra), elle explique que c'est le côté « scout » et « sectaire » du tube de Sardou qui la révulse à ce point. Son intervieweur, lui, est sur un autre registre. Il ne comprend pas où elle veut en venir. Lui pense au côté « on se prend tous par les bras » d'une chanson qui « pue la transpi ». Il n'y est pas tout à fait : Juliette Armanet est dans le combat esthético-politique (n'est-ce pas tout un ?). Outre le côté scout et sectaire, elle trouve la musique « immonde » et conclut, « et c'est de droite. Y a rien qui va. »
Que dire ? La chanson de Sardou n'a rien de scout. Elle parle de catholicisme, c'est sûr, mais après tout, quand on évoque l'Histoire de l'Irlande, ce n'est pas complètement débile. Juliette Armanet hait-elle le scoutisme ? C'est possible, mais elle est hors sujet dans ce cas précis. Sectaire ? Si on parle de musique, alors oui, c'est plutôt une chanson occidentale, mais les chansons de Juliette Armanet elles-mêmes sont construites avec le clavier tempéré de la musique occidentale. Elle ne sont ni pentatoniques ni modulées en quarts de ton. La chanteuse fait simplement de la bonne pop, un peu années 80, avec des orchestrations vitaminées d'aujourd'hui, ou des ballades classiques. Pas de quoi la ramener. Immonde ? Merci pour le poème symphonique de Paul Dukas (L'Apprenti sorcier, inspiré d'un poème de Goethe, composé en 1897), popularisé par le personnage de Mickey dans Fantasia, morceau auquel la musique de Jacques Revaux emprunte de larges mesures. Ces allers-retours entre classique et variété sont courants par ailleurs (voir Gainsbourg avec le refrain d'« Initials BB » volé à la Symphonie Du Nouveau Monde de Dvorak), mais apparemment, ce n'est pas encore assez bien.
En fait, la clé est à la fin, comme les pointes des sonnets classiques. « C'est de droite. Y a rien qui va » : ça veut dire que la musique ne lui plaît pas et que les paroles lui semblent poussiéreuses, traditionnelles, vieille France (tout ça pouvant sans doute être résumé par l'adjectif « scout ») - mais, surtout, que tout ça est au service d'une idéologie horrible. Pensez donc, la droite... C'est ça, le fond du problème. Il y a des chansons très à droite, chez Sardou (« Je suis pour », par exemple), mais « Les Lacs du Connemara », c'est simplement la musique des fins de soirée de la France périphérique, quand « ça pue la transpi », comme dit le « journaliste ». C'est la BO de la France qui bosse, qui galère, qui pue sous les bras, qui a des tatouages bleus et qui écoute Michel Sardou dans la salle des fêtes en terminant les cubis. Des « fachos », des « beaufs », qui voient leur pays leur échapper et leurs élites les mépriser, des gros « ploucs » qui écoutent de la musique de droite. Quelques heures plus tôt, entre les spots bleus et rouges et le carrelage déjà poisseux, on a mis « Les Démons de minuit » et tout le monde a posé la question « Qui ça ? Qui ça ? » en criant. Tout le monde a un petit coup dans les carreaux. On se « prend par les bras », comme dit - encore - le présentateur belge, et on braille un peu. Eh ouais, Juliette, elle est comme ça, la France, depuis les fêtes de village du XIIe siècle jusqu'aux boîtes de nuit de campagne de 2023 (nom typique : Le Saphir, à ne pas confondre avec Le Balto, qui est plutôt un nom de bar-tabac).
La lourde, méchante et grasse moquerie à l'encontre de ce que les urbains appellent les « beaufs » date des années 80 et 90. Dupont Lajoie, les Deschiens, sont devenus la culture dominante. On se moque très méchamment et très injustement de la vulgarité ordinaire des gens qui, depuis 1.500 ans, ont bâti la France de leurs mains. Alors oui, ils parlent fort, ils sont mal fringués, ils votent à droite et ils écoutent Sardou ; ils n'ont pas, comme l'interlocuteur de Juliette Armanet, un IMC de xylophoniste, une allergie à la « transpi » et un cheveu sur la langue ; ils n'ont pas, comme la chanteuse elle-même, ce visage régulier et cette certitude diaphane, savamment négligée, des gens à qui l'existence n'a fait que des cadeaux. Ils sont le visage de la France. Ils méritent notre respect et notre tendresse. Sardou le sait bien d'ailleurs.
Détester « Les Lacs du Connemara », pour des raisons qui semblent relever du plus méprisable snobisme, est très décevant de la part de Juliette Armanet, qui doit probablement vomir une partie de son propre public. Décevant mais, au fond, pas tellement surprenant. Le temps n'est pas si loin où Jacques Brel, Charles Aznavour ou même Johnny rassemblaient les classes sociales. Dans le domaine de la chanson française comme ailleurs, il y a une archipellisation. De là à montrer un tel mépris...
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112 commentaires
Et bien, je connais Michel Sardou et sa célèbre chanson mais Juliette Armanet ?
Bravo pour ce texte, Arnaud Florac. Sardou n’a jamais prétendu être de gauche. Et être de droite, c’est une opinion pas plus idiote qu’être de gauche. La peste soit d’une société où tous penseraient la même chose !
Les cerveaux de notre jeunesse ont été formatés à l’idéologie gauchiste actuellement dominante, c’est à dire dans la haine viscérale de tout ce qui rappelle les valeurs de Droite, et elle est caractérisé par une crédulité sans limite au bénéfice des envahisseurs étrangers… Les valeurs morales sont ainsi inversées au nom du coeur ignorant royalement les conséquences de cette crédulité. Les migrants qui se noient en traversant la Méditerranée ou la Manche sont des évènement tragiques qui ne peuvent laisser personne indifférent. Sauf qu’avec l’idéologie gauchiste, il faut faciliter le passage des migrants pour leur éviter de tels drames. Peut-être, mais ça en inciterait plus d’un à en faire de même… et les drames se renouvelleraient inlassablement. On dit bien que le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas. Alors, si l’on interdit au cerveau de faire son travail de réflexion, soit de tempérer les émotions, on lui interdit de rechercher une vraie solution. Et pourtant la solution est connue : un arrêt net de la pompe aspirante (aides sociales etc)… et les migrants potentiels resteraient au pays afin d’y développer leurs richesses. Effet collatéral : plus personne ne viendrait mourir en Méditerranée. Mais cela relève de la logique, et l’idéologique gauchiste manque cruellement de logique… Maintenant, qu’une jeune chanteuse affirme détester tout ce qui rappelle la Droite n’est pas surprenant : c’est très « branché » dans le contexte culturel actuel. Et même si ce n’est pas le reflet de sa réelle pensée, il ne serait pas bon pour sa carrière de le dévoiler…
Tout ce que vous dites est vrai mais vous oubliez le principal : c’est le capitalisme apatride des transnationales qui a besoin de cette future main d’œuvre car elle est ignorante des luttes passés et totalement abrutie. Donc arrêtez de chercher d’autres raisons ils ont besoin de ces gens là et la gauche pourrie du capital ( nupes ) encourage le processus. MLP en arrivera au même stade comme l’Italie à genoux devant Bruxelles pour toucher de l’argent.
Michel, ne t’en fais pas ! Je n’ai aucun disque de cette pseudo artiste ; en revanche j’ai tous les tiens et notamment le 45T des lacs du Connemara. J’achèterai le 33T de ton dernier concert. Tous avec TOI Michel !
C’est une très belle chanson chanté par Sardou avec sa voix formidable .
Je ne connais pas cette dame . Ni ce qu’elle chante . Et je ne vais pas lui faire l’honneur de m’y intéresser une seconde . Je ne suis pas une fan inconditionnelle de la musique de Sardou mais quel grand Monsieur! Quelle carrière ! Il ne se donne pas la peine de répondre et rien qu’en faisant ça , il écrase la pauvre Juliette d’un mépris bien mérité. La grande classe ! . Juliette n’a plus qu’à aller se rhabiller et aller susurrer ses petites chansonnettes à la gôche qu’elle aime tant . On n’en a rien à faire .
Qui est-ce, celle-là ? Ne connais pas, encore un navet bien-pensant !
Si la bêtise conférait un quelconque talent en matière de chansons ;cette illustre inconnue pourrait se présenter à l’eurovision.
Merci monsieur Florac de nous informer qu’il existerait encore de jeunes chanteuses qui s’expriment en Français. Me revendiquant de droite depuis que la gauche se détourne des « souchiens », je reste ouvert à toutes les nouveautés et n’hésiterai donc pas à écouter Juliette Armanet pour me faire seul mon opinion. Toutefois, même si à l’image de cette gauche qui déteste ce qui fait France, je rappellerai à cette artiste qu’il ne faut pas qu’elle attente des populations qu’elle chérit qu’ils achètent ses albums.
Michel Sardou est un chanteur populaire de grand talent. Ii a traversé les décennies en enchaînant les succès. Je souhaite à Juliette Armanet d’en faire autant. Après elle aura sans doute acquis une capacité de réflexion qui la feront s’abstenir de déblatérer à propos d’un de ses brillants prédécesseurs.
A 154 000 € d’aide à la création (dixit la cour des comptes) généreusement octroyés par le contribuable à l’insu de son plein gré, on peut se permettre de critiquer les concurrents qui ont du talent, non ?
Ce qu’il ne faut pas faire pour faire oublier que l’on est née dans une famille bien tradi-bourgeoise et fait ses études dans le la très chic école privée catho « le bon sauveur » au Vésinet. Dur, dur d’être de « gôche » quand on n’es n’a pas l’ADN !!
Pauvre et méprisable ce commentaire de la part de cette minuscule chanteuse face à ce géant qu’est Sardou.
Ces gens là, ont le mépris à hauteur de leur trouille viscérale des gens qui ne sont pas de leur monde de parvenus. Des riens que je ni n’écoute ni ne lis. Au premier coup du sort dans leur vie, ça pleure, ça gémit et ça accuse l’autre, qui ne peut être que facho selon leur terminologie. A laisser expirer sans s’arrêter sur le bord de leur chemin.
Cet article est excellent et j’y ai appris pas mal d’informations, moi qui ne connais pas grand’chose à la musique. Mais je regrette que cet article existe. Je n’avais, jamais, entendu parler de cette bonne femme. Elle a fait ça pour qu’on parle d’elle ; elle a réussi. Bien ! M. Florac, vous serez absous parce que la première conséquence de cette affaire est que, à coup sûr, cette femme ne vendra pas un exemplaire de plus de ses chansons alors que je suis certain que Les lacs du Connemara vont connaître un nouveau succès. Aussi bien de la part de ceux qui voudront la réentendre que de ceux qui, n’étant pas nés il y a quarante ans, voudront la découvrir. Sardou se tait, il a raison, mais je pense qu’il va engranger quelques droits d’auteur supplémentaires et ce sera justice.