Jumbo prêt pour Air France

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Bruno Le Maire (vous savez, notre ministre de l’Économie) l’a dit dans le poste : « Nous allons apporter un soutien historique à Air France de sept milliards. » « Nous », dit-il en parlant du gouvernement, avec cette irrépressible manie de faire le paon. « Nous », faut-il comprendre, c’est le petit peuple des contribuables qui finira forcément, tôt ou tard, par mettre la main à la poche. Pas tout de suite, cependant ! Pour l’heure, il faut noyer le poisson : les banques sont priées de prêter quatre milliards, garantis par l’État, c’est-à-dire par le contribuable ; le reste, soit trois milliards, est prêté directement par l’État, c’est-à-dire par le contribuable.

Cela dit, ne chipotons pas ! Cela ferait mal à mon chauvinisme que de voir disparaître ce fleuron volant de notre beau pays qu’est la compagnie Air France.

Puis, le ministre précise : « Ce n’est pas un chèque en blanc : il y a des conditions. » D’abord, pour assurer sa rentabilité, « la compagnie devra chercher des sources d'économie ». Ensuite, « Air France doit devenir la compagnie la plus respectueuse de l'environnement de la planète ».

Là, j’ai du mal à suivre. Rentabilité et environnement, contrairement à ce que dit M. Le Maire, ne sont pas des « conditions » ; si elles l’étaient, alors elles devraient être préalables à l’octroi de l’aide financière, ce qui ne sera, à l’évidence, pas le cas. Ce sont donc des objectifs ou des vœux pieux, au choix. Autre remarque : il s’agit de prêts donc, par nature, remboursables. Demander à Air France d’être rentable, c’est enfoncer une porte ouverte, car sans rentabilité, pas de remboursement ! Du reste, quel patron, petit ou grand, n’a pas pour ambition que son entreprise soit rentable ? Est-il nécessaire qu’un actionnaire minoritaire, fût-il l’État – 14,3 % –, lui rappelle cette obligation ? Et puis, il est savoureux de voir l’État obèse, incapable de restreindre ses dépenses, prier une entreprise de faire des économies !

Enfin, à ce stade de déconfiture de la vie économique du pays, faire du pied de manière si appuyée aux écolos – on renifle de l’électoralisme, là-dessous – est totalement décalé et, pour tout dire, indécent. Et c’est même idiot, car qu’arrivera-t-il si Air France ne devient pas le champion du monde de l’environnement ? Quelle sanction lui pend au mufle ? On lui coupe les ailes ? Et puis, à quelle échéance cette « condition » devra-t-elle être remplie ? Dans un an ? Dans dix ans ? Jamais ?

Pendant ce temps-là, les écolos sortent de l’hibernation et frétillent. Apercevant la sortie du tunnel Covid-19, ils recommencent à sonner lourdement la charge. La présidente du HCC (Haut Conseil pour le climat, créé par Macron), une certaine dame Le Quéré, affirme : « La plupart des causes du Covid-19, comme la déforestation ou les énergies fossiles, sont aussi à l’origine du changement climatique. » Mais c’est… bon sang… c’est sûr… le virus ne vient pas de Chine mais d’Amazonie, des Émirats ou du Donbass ! Selon Le Monde, la dame ajoute : « Ce n’est pas le moment de soutenir l’aviation coûte que coûte ! »

Il faudrait les présenter l’un à l’autre, Le Maire et la dame ! Allez, tournée générale : Monsieur le Ministre, vous reprendrez bien un peu d’incohérence…

Yannik Chauvin
Yannik Chauvin
Docteur en droit, écrivain, compositeur

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