Juppé attribue le déclin de LR à sa « dérive droitière » : une fois de plus, il se trompe, ou il ment

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Alain Juppé est sorti, il y a deux jours, de la réserve que lui impose son appartenance au Conseil constitutionnel pour livrer sa version du « déclin total » de la droite dite parlementaire, dans une interview au Parisien. Vingt ans après la création de l'UMP par ses soins, quelques mois après la réélection de Chirac face à Le Pen, l'occasion était belle de regarder où en était son bébé. Et là, nous sommes tous d'accord avec Alain Juppé : « déclin total ». Cela aurait pu conduire l'ancien Premier ministre à s'interroger honnêtement sur les causes de ce fiasco qui a conduit un parti qui, déjà, ne rassemblait plus que 20 % en 2002 (score de Chirac) aux 4,78 % de Pécresse il y a six mois. Mais aussi sur ses propres responsabilités. Non, le « devoir de réserve » a du bon : il évitera une introspection sincère et une analyse qui aurait contredit sa thèse.

Une thèse juppéiste que l'on connaît bien : le grand coupable serait la « dérive droitière », cette fameuse droitisation qui aurait emporté LR sous les 5 %. Or, le simple examen des chiffres du vote UMP ou LR sur vingt ans met à mal cette thèse : on peut comprendre qu'Alain Juppé ne veuille pas se souvenir du score de Nicolas Sarkozy en 2007 : 31 % ; ni même de celui de Fillon, d'abord à la primaire où il écrasa un certain Alain Juppé, puis au premier tour de 2017. C'est précisément leur droitisation assumée qui leur permit de réaliser ces bons scores. S'il y eut « droitisation », ce fut bien celle de l'électorat, et chercher à l'accompagner était un réflexe de bon sens et de cohérence pour le parti. Alain Juppé et son club de centristes ont préféré l'ignorer ou la vilipender. Que cette droitisation de l'UMP, qui avait réussi à Sarkozy en 2007, ait in fine échoué s'explique d'abord par son insincérité et son manque de crédibilité. Une dernière preuve : le score de Zemmour à la dernière présidentielle, quasiment le double de celui de Pécresse, symbole même de ce manque de crédibilité.

Mais comme, avec Alain Juppé, une erreur d'analyse n'arrive jamais seule, il profite de cette interview pour revenir sur les raisons et la stratégie qui ont conduit à la création de l'UMP, qui se voulait un parti unique du centre et de la droite : « Après le choc de la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle et avec une gauche encore puissante, on voyait bien qu'il était absolument nécessaire de regrouper les forces du RPR et de l'UDF. » Au passage, la logique aurait voulu de choisir la droitisation, si tel avait été vraiment l'objectif ! C'est ce que fit Sarkozy, Juppé choisissant la dérive centriste. Pour le démontage de cette autre thèse hasardeuse de Juppé, il faut aller lire l'excellent fact-checking de Guillaume Tabard, dans Le Figaro, qui, archives à l'appui, conclut que « la vérité, c'est que l'UMP n'a pas été lancée pour répondre à une menace de Jean-Marie Le Pen ; elle a été pensée pour torpiller les ambitions de François Bayrou. Il ne fallait pas combattre l'extrême droite, mais contraindre le centre. »

Souvent, les hommes politiques ayant quitté les responsabilités se mettent à dire des vérités qu'ils censuraient au pouvoir, comme Gérard Collomb, cette semaine, sur l'immigration et les raisons de sa démission. Pour Alain Juppé, l'heure des vérités et des analyses honnêtes n'est pas encore venue. Il est vrai qu'il est membre du Conseil constitutionnel.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 20/11/2022 à 15:58.
Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

64 commentaires

  1. Et il est au Conseil Constitutionnel….. ! Ça en dit long sur le crédit que l’on peut porter quant au regard et certaines analyses de ces prétendus  » sages « …. Complètement à côté des réalités alors qu’ils sont censés faire preuve de clairvoyance pour défendre les règles constitutionnelles !

  2. Stop à diaboliser la droite ! Que les LR en phase avec Macron le rejoigne une fois pour toutes! C’est leur droit ! Mais qu’ils arrêtent de s’acharner sur ceux de leur parti qui pensent que la France doit rester la France pour brouiller la perception que l’on peut avoir du patriotisme. Quant aux résistants ils doivent se parler et non pas s’opposer stérilement et se neutraliser. Discuter c’est évoluer …Les électeurs libres de leurs choix trancheront au deuxième tour de chaque élection sachant que ce sera le mieux placé se présentera face aux candidats NUPES,LREM,Horizon,Renaissance et tuttiquanti ! C’est la seule martingale gagnante ! Bon sang il n’y a que comme ça que l’on pourra faire le ménage et repartir sur de bonnes bases. Il faudrait presque un conclave avec la fumée blanche entre opposants à Macron pour trancher le noeud gordien ! Arrêtons de parler du passé et concentrons nous sur le possible !

  3. L’escroquerie de fausse droite a commencé avec Pompidou en 1969 qui s’allia aux centristes Duhamel et cie et qui fit intégrer la GB en 1972/1973 dans l’ue, trahissant ainsi le gaullisme sans vergogne. Le RPR ( réélu pour récidiver) prit des airs martiaux afin de capter les voix du FN et se dégonfla devant les oukases merdiatico- gôchistes. Pour assurer sa gamelle ( élection et réélection) il s’allia avec le Centre pour constituer l’UMP puis Lr. Aucun honneur venant d’un type condamnée pour des faits similaires à ceux de Stéfanini (omniprésent à mon goût dans BV).

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