La Commune, un mythe fondateur

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La politique, dans ses manifestations extérieures, est un art très proche de la comédie, nous le savons. C’est aussi, jusque dans ses manifestations intérieures - c’est-à-dire au plus profond de notre âme -, le royaume de l’imaginaire, réceptacle de tous les fantasmes possibles, et c’est encore un autre point commun avec le théâtre, parce que cet aspect-là ne s’embarrasse ni de la complexité du monde ni même de sa réalité.

Aujourd’hui, l’idéologie dominatrice nous présente la Commune de Paris comme une parenthèse héroïque de notre histoire républicaine. On néglige de préciser qu’elle a été le modèle de Lénine qui, au 73e jour de son pouvoir arraché par son coup d'État de novembre 1917, a confié à ses proches, tout radieux : « Nous avons duré plus longtemps que la Commune de Paris ! » Autant dire qu’il n’était pas encore assuré de sa viabilité ; mais son régime a duré 74 ans, ralentissant le progrès d’un pays dont l’économie, en 1914, talonnait celle de la France et devait la dépasser bientôt. À titre de comparaison, le PIB de la Russie d’aujourd’hui dépasse péniblement celui de l’Espagne, laquelle pèse à peu près la moitié de celui de la France. Voilà le genre de bilan que promettait la Commune de Paris.

Certes, la réalité, principale ennemie de l’idéologie, n’intéresse aucunement cette sorte d’ultime armée rouge intellectuelle qu’est depuis longtemps l’Éducation nationale française, laquelle, dans ses manuels « d’histoire » de 3e, prétend que le Sacré-Cœur a été bâti en réparation des crimes des communards. C’est faux : le projet – dont l’architecture, reconnaissons-le, est discutable, mais c’est un autre débat… – datait de novembre 1870, tandis que la révolution communarde éclata l’année suivante, le 18 mars 1871. La première discipline de l’historien, c’est de respecter les dates ; mais justement, on comprend qu’elles soient quasi systématiquement occultées par l’Éducation nationale, parce qu’ainsi, il est plus facile d’impressionner les sensibilités.

La Commune a duré 72 jours, donc, qui suffirent à brûler plusieurs monuments historiques parisiens, dont les Tuileries, et à tuer de nombreux suspects, parmi lesquels l’archevêque de Paris en personne, Mgr Darbois : un scénario que l’on retrouvera en Espagne peu avant le soulèvement d’une partie droitière de l’armée, en juillet 1936. La différence entre les deux événements, c’est que la gauche modérée, celle de Thiers, s’est occupée elle-même de mater cette rébellion ; un peu comme si, sous la IIe République espagnole, le président espagnol Azana, ou au moins les chefs du gouvernement comme Giral ou Negrin, avaient su mater les révolutionnaires qui tenaient la rue. En France, la Commune avait cru pouvoir tenir l’archevêque en otage sans réaliser que le gouvernement républicain de Thiers réfugié à Versailles était tout aussi anticlérical et se moquait bien de son sort. Mais toujours est-il que la République modérée a réprimé la République sanguinaire, quitte à en cultiver aujourd’hui le mythe romantique pour conserver son emprise sur la jeunesse scolarisée éprise de mouvement et « d’orages désirés ».

Quant à notre clergé contemporain, à supposer qu’il en connaisse la véritable histoire, il est peu probable qu’il le fasse savoir. Le procès en béatification de Mgr Darbois, martyr de la foi, est ensablé jusqu’aux essieux pour ne pas déplaire au régime qui, rappelons-le, peut censurer la nomination des évêques français ; ce qui explique également l’interventionnisme de connivence de notre épiscopat dans les campagnes électorales majeures : nous le vérifierons encore l’année prochaine.

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