La contre-offensive ukrainienne : du Dniepr à la Crimée ?

soldat ukrainien

Aujourd’hui, tous les « stratèges en chambre » ou les stratégistes des plateaux télé ne savent plus qui croire : les fuites de la CIA, les dernières informations délivrées complaisamment par les Ukrainiens ou des opposants russes sur la contre-offensive ukrainienne qui devait avoir lieu avant le 30 avril, puis en mai, puis avant la fin de l’été ? Les dernières nouvelles relatent le franchissement du Dniepr par des éléments épars ukrainiens sur la rive gauche et qui disparaissent ensuite dans la forêt ou dans les marais. En outre, des drones ukrainiens de fabrication chinoise, semble-t-il, détruiraient, une à une, toutes les installations de surveillance russes sur la rive gauche du Dniepr, au moins dans certains secteurs. Que faudrait-il en déduire ? Les plus audacieux pensent aux préliminaires directs ou indirects d’une offensive imminente ou, au pire, de mesures de déception visant à tromper l'ennemi bien comprises.

Le souvenir du débarquement des Alliés en 1944 fait alors florès sur les plateaux : un remake de Fortitude sauce ukrainienne qui piégerait l’occupant russe, comme Churchill l’occupant nazi, à qui il faisait croire que les Alliés débarqueraient dans le Pas-de-Calais. On connaît la suite : Hitler a maintenu jusqu’au bout des forces blindées là où, deux ans plus tôt, les Canadiens s’étaient fait massacrer dans une tentative de débarquement à petite échelle, à Dieppe notamment. Mais en Ukraine, nous n’en sommes pas encore là. Certes, les Alliés auraient déjà permis aux Ukrainiens de mettre sur pied douze brigades, dont certaines avec de l’équipement américain et les autres, plus aléatoirement, avec de l’équipement occidental, en plus ou moins grand nombre et rassemblé au fur et à mesure des arrivées. Comment cela serait-il possible ? Pour les stratèges, fussent-ils à la retraite, on s’entraîne en grandeur réelle, dans des camps en Champagne ou en Rhénanie, avant d’être engagé pour de bon. Bref, c’est la guerre à l’ancienne, quand les soldats, avant d’aller se battre dans les tranchées, s’entraînaient à l’arrière.

Toutefois, les similitudes avec une guerre « traditionnelle » s’arrêtent là. Les historiens militaires seront déçus, car aucune guerre ne se ressemble, et la guerre en Ukraine a cette particularité que l’un des belligérants est encore la première puissance mondiale pour ce qui concerne les armements nucléaires sous toutes leurs formes : missiles, hypersoniques ou pas, bombes larguées par air, missiles lancés par sous-marins conventionnels ou nucléaires, voire, simplement, des missiles portant à 500 kilomètres avec des charges nucléaires tactiques. Cette puissance, agressive il est vrai, semble en difficulté depuis un an car ses objectifs initiaux ont évolué, faute de réussite sur le terrain. Depuis six mois, les attaques russes dans le Donbass ont également échoué ou n’ont apporté que des gains minimes pour des pertes qui semblent très importantes, même si les Ukrainiens en ont exagéré le nombre, ce qui est de bonne guerre - de l’information, bien sûr !

Alors ces frémissements sur le Dniepr indiquent-ils le début d’un tournant de la guerre et d’une offensive de grand style des Ukrainiens ? Ou bien sont-ils des tentatives exploratoires visant à s’assurer de l’importance ou non des défenses ennemies sur certains points ? Un avenir plus ou moins proche nous le dira. Ce qui paraît certain, au plan stratégique, est qu’une attaque dans le sud franchissant le Dniepr puis obliquant vers la Crimée serait une manœuvre remarquable permettant à l’armée ukrainienne de montrer au monde occidental qu’elle serait capable de mettre à profit les armements livrés et l’entraînement de ses soldats contre un ennemi qui représentait à lui seul le pire de nos cauchemars. L’ennemi Orange, Carmin ou Rouge fut bien l’ennemi conventionnel que les écoles de guerre occidentales s’étaient taillé sur mesure, oubliant au passage que lui aussi pouvait agir en dehors de sa propre doctrine. Cet ennemi est ressuscité avec l’armée russe qui a montré ses limites sur le terrain et nous a rassurés, aujourd’hui, en laissant penser que les armées occidentales n’ont plus de compétiteur à leur mesure. Certes, mais ne vendons pas la peau de l’ours russe avant que les Ukrainiens ne l’aient achevé, et ce, sans que nous ayons eu à déployer sur le terrain le moindre soldat, autre que peut-être d’une force spéciale.

La question est pourtant simple : les Ukrainiens, qu’ils attaquent sur le Dniepr, dans le Donbass ou en Crimée, ont-ils réellement les moyens matériels de le faire ? Si oui et s’ils réussissent, les Russes accepteront-ils d’aller à la table des négociations contrits et repentants ou bien passeront-ils à la vitesse supérieure en estimant que les Ukrainiens ne sont que les valets d’armes des Américains et des Occidentaux ? Alors, ce sera la surprise, ou non : bombe sale ou pas, nucléaire, biologique, voire chimique… Non pas destinée aux seuls Ukrainiens, mais aussi à certains de leurs sponsors, ceux-là mêmes qui élaborent des stratégies toujours victorieuses dans la presse et sur les médias. Nous le verrons d’ici quelques jours, quelques semaines ou quelques mois.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 30/04/2023 à 14:54.

Vos commentaires

39 commentaires

  1. « ces frémissements sur le Dniepr indiquent-ils le début d’un tournant de la guerre et d’une offensive de grand style des Ukrainiens ? »
    Si c’est une offensive de grand style ukrainonasis, je crois que les russes ne risquent rien!

    En tout cas, lorsqu’on lit la presse étrangère, on ne constate aucun grand style ukrainien à moins que de tirer dans le dos des soldats (voire des civils) qui ne veulent ps aller au front, ou bombarder des hôpitaux, des civils, voire une centrale nucléaire ou envoyer des bombes à sous-munition se muant en mines antipersonnel qui au moindre contact peuvent tuer et mutiler, ce surtout dans les jardins publics ou près des écoles (parce que les russophiles et russophones, eux, risquent leur vie, sus les hourras des occidentaux …)

  2. Les russes les attendent de pied ferme. L’armée russe veut conforter la frontière du Donbass uniquement, elle n’a pas l’intention de conquérir l’Ukraine ou d’autres pays et elle ne veut pas trop dégrader les villes et villages. Il ne faut pas se faire d’illusions la Russie a la maîtrise de ces opérations et perd nettement moins d’hommes. Quant à son armement les russes ont des armes redoutables. L’OTAN joue un mauvais jeu et l’UE n’a rien compris à cette opération de la Russie si bien que c’est elle qui en subit les conséquences en aidant l’Ukraine, voyez dans quel état est la France . La Russie est une grande puissance mondiale, jamais elle ne quittera le Donbass et la Crimée.

  3. Ou tout simplement jamais car il n’y aura pas de contre offensive ukrainienne, les ukronazis n’en n’ayant pas les moyens ni humains ni matériels sauf à un engagement massif de l’OTAN que celui-ci prend bien garde de ne pas provoquer. La seule inconnue reste les Polonais qui aimeraient bien reprendre Lvov et recréer la Grande Pologne . Tout continuera donc comme avant, du grignotage, monsieur, du grignotage.

  4. Quel naïf peux imaginer qu’une contre offensive Ukrainienne surprendra la Russie. D’autant que Zelensky à bombarder un dépôt d’hydrocarbure en Crimée et bombarder un ville en Russie, faut bien s’attendre à une réponse Russe comme certaines armes bien connues, redoutables, n’ont pas été encore utilisés, les provocations de Zelensky peuvent mal finir pour tout le monde.

  5. Bombes russes qui détruiraient un certain nombre d’infrastructures européene laissant seuls bénéficiaires les USA et une europe exangue à leur botte. Elle y est déjà en partie..

  6. La Russie doit attendre de pied ferme cette gigantesque attaque ukrainienne. La réponse sera sans pitié, car la Russie ne peut se permettre de perdre, en aucun cas. Cela lui permettra de pousser une riposte pour boucler le sud de l’actuelle Ukraine jusqu’en Transnistrie. Objectif atteint, puis refus de négocier avec le gouvernement kievien actuel. Cette création artificielle qu’est l’Ukraine disparaîtra des atlas et permettra à certains de ses voisins (Roumanie, Hongrie, Pologne) de récupérer les espaces dont Staline les avaient privés. Une claque magistrale pour le yanquiland, l’OTAN et les kikis occidentaux. Il faut savoir qu’avec les Russes qui s’y frotte s’y pique.

  7.  » la première puissance mondiale » ? C’est la propagande de Poutine. 140 millions de Russes et non Russes, (beaucoup très pauvres) encerclés par 1 milliard de citoyens et trois puissances nucléaires ? La seule crainte que nous puissions avoir est que Poutine et son petit cercle d’oligarques croient en leur supériorité absolue. Et notre seul espoir est que le peules russe et/ou la base militaire mettent fin à ce régime.

    • Vous semblez bien peu connaître l’âme russe et ce à quoi les Russes aspirent. Méfiez-vous des jugements à l’emporte-pièce et surtout de les répéter sans y avoir réfléchi.

    • Ayez au moins l’honnêteté de citer l’intégralité de la phrase… « l’un des belligérants est encore la première puissance mondiale pour ce qui concerne les armements nucléaires sous toutes leurs formes… »

    • Vous ne connaissez pas la Russie, les Russes et leur histoire. Il y a peut-être encore beaucoup de pauvres mais ceux-ci restent dignes et fiers, prêts à donner leur vie pour leur patrie. Retirons-nous de ce conflit pendant qu’il en est encore temps, guerre que nous n’avons pas voulue. Laissons les US régler leurs problèmes avec Poutine, sur le grand échiquier mondial.

  8. Mis à part la désinformation institutionnelle française par LCI interposé, il faut cesser de prendre les Russes pour des demeurés ne sachant pas se battre, peut on umblement rappeler qu’ils ont vaincu comme ça, Napoléon et Hitler, les Ukrainiens ont un ou deux régiments qui tiennent la route avec leurs instructeurs US et Anglais, sorti de cela, ce sont de gentils zozos, les principales armes Russes n’ont pas encore été utilisées, alors méfiance.

  9. Non, les guerres ne sont jamais exactement les mêmes . Pourtant celle-ci nous fait amplement penser à celle d’Espagne . Il s’agit , semble-t’il, d’un Camp de Satory de grande taille où tous les vendeurs d’armes font démonstration de leur savoir faire et de leurs armements divers . Un terrain de démonstration en somme.

  10. contre offensive avec ou sans soldats américains ou occidentaux?
    Les gouvernements sont-ils conscients que les français ne sont pas dupes et acceptent mal de payer une guerre qui ne les concernent pas, nous ne sommes pas les vassaux des USA?

    Dans la rue les français ne sont pas seulement contre les réformes mais ils en ont assez de soutenir des nations dans le monde qui n’ont aucun respect pour les impôts payés par les français pour les entretenir.

    • « … que les français ne sont pas dupes et acceptent mal de payer une guerre qui ne les concernent pas… »
      Ce que les Français veulent ou acceptent n’a absolument aucune importance pour celui qui est aux commandes de ce pays. La France fera ce que les maîtres de Macron exigent de lui. Que le peuple soit content ou pas.

  11. Beaucoup d’encre pour avouer que la situation est confuse et qu’au fond on ne sait pas grand chose. Une seule certitude. Tout le monde raconte des bobards.

  12. Avant-hier sur la BBC, un chef militaire ukrainien avertissait du manque criant de munitions au front. Hier, le Figaro avait un article sur « La contre-offensive est prête ». Qui cherche-t-on à tromper? Le public européen en premier lieu. Pour l’instant, on n’entend guère parler des Russes; gageons qu’ils doivent « être prêts » eux aussi.

  13. Cette guerre qui ne nous concerne pas nous a déjà coûté des milliards.
    Et comme pour le « quoi qu’il en coûte », cet argent n’est sûrement pas perdu pour tout le monde !
    Alors, à qui profite le crime ?

    • Rien que le sabotage du gazoduc marin a déjà sauvé l’industrie US du gaz de schiste. De quoi Biden se plaindrait-il ?

  14. Au fur et à mesure que les jours passent, il n’est plus possible d’ignorer certaines questions, telles que :
    – Pourquoi la Russie n’a-t-elle pas aplati Zelenski d’entrée de jeu, alors qu’elle avait la possibilité de le faire dans un blitzkrieg dont elle a une grande expérience à la fois offensive et défensive ?
    Ou encore :
    – Pourquoi la Russie a-t-elle laissé déglinguer un nombre considérable de ses chars dans des situations de combats dont n’importe quel caporal-chef de chambrée sait qu’elles leur sont défavorables et alors qu’elle avait la maîtrise absolue du ciel ?
    – Ou encore :
    – Pourquoi la Russie a-t-elle laissé pourrir la situation alors qu’elle devait savoir mieux que quiconque qu’elle ne devrait pas mener une guerre contre la seule Ukraine mais bien contre l’ensemble du monde occidental « emmondialisté » ?
    Si cela continue d’aucuns finiront par penser que cette guerre d’Ukraine cache des côtés obscurs auxquels certaines forces russes ne sont pas étrangères !

    • Vos questions sont pertinentes: comme souvent dans bien des guerres, l’on oublie de s’engager à fond; on suit l’événement au lieu de le précéder. Maintenant, bien qu’ayant un avantage inéluctable, il faut gager que le Russe doit être en train de peser ce que lui coûte cette guerre en victimes prélevées sur sa jeunesse; alors, l’inacceptable conduira à l’utilisation d’armements énormes: l’Ukraine peut-il les soutenir, contre-offensive ou pas? Maintenant, l’Occident en guerre patente (on ne se tortille plus sur la soi-disant cobelligérence) devra peut-être ouvrir les yeux sur: la perte de l’Ukraine qui ne sera jamais une base avancée de l’Otan (défaite stratégique inéluctable), et sur le ravage de ce pays pour des années, accepté par un Zelensky contre son peuple en se révélant au fil du temps une pure marionnette, puisqu’il accepte l’intérêt des USA contre son propre pays: car ni les Russes ni les USA ne le dédommageront.

      • Au jeu d’Echecs, il faut savoir perdre quelques pièces pour gagner. Et à ce jeu, Poutine est le gagnant et nous, les dindons de la farce, en perdant tous les bons rapports que nous avions avec la Russie et les US ricanent de ce bon coup qui leur est profitable à 100%.

    • Je suis circonspect quant à votre commentaire et à sa conclusion. Il me semble que les russes manoeuvrent en fonction de leurs intérêts. Cela les regarde et c’est bien légitime. En revanche, les occidentaux prennent des décisions contraires à leurs intérêts (sanction, fournitures d’armes à l’Ukraine plutôt que d’aller v ers la recherche d’un compromis…). Le coté obscur se situe plutôt de ce coté-ci…Les amis américains entraineraient-il cette brave UE vers l’appauvrissement et donc vers une dépendance totale envers les USA? Installer le chaos dans l’UE pour la rebâtir à la mode US. En fait, c’est déjà pratiquement accompli.

      • Si je vous rejoins quant à votre analyse de la fort contestable politique occidentale en Ukraine, je persiste sur mes doutes quant au bien-fondé absolu de la stratégie militaire russe dans cette affaire. A tout le moins, au bien-fondé de ses résultats concrets.
        Il est évident que la Russie a rondement mené son contre des sanctions économiques occidentales au point de rendre l’Occident parfois ridicules; (et particulièrement la France.)
        Néanmoins au risque de paraître obstiné, je continue à douter de leurs actions sur le terrain.
        La chose est d’autant plus sérieuse que de toute évidence, je ne suis pas seul à le penser. Il semble bien qu’il existe également un doute russe à Moscou -même. Or, il ne faudrait non-plus que les kolossales finesses géopolitiques mondialistes deviennent la cause d’un retour du Kremlin au communisme pur et dur, voir au stalinisme ! Chose dont les mondialistes, qui, c’est bien connu, pensent à tout mieux que tout le monde, nous font également courir le risque inconsidérément.
        Quoi qu’il en soit, merci de m’avoir consacré cette réponse.

      • « En 1944 et 1917 l’intervention des States en guerre étrangère fût un investissement heureux. »…. et très tardif.

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