La délation, une passion si française…

montrer du doigt

Cela s’est passé à Lyon, à l’église Saint-Joseph des Brotteaux : le 3 juin dernier, rapporte Le Progrès de Lyon, des élèves d’une école privée donnent leur récital de fin d’année. Et là, les enfants chantent… sans masques. Un vent de liberté et de bon sens a-t-il soufflé sur l’école ? La directrice explique : « Le seul moment où les élèves ont enlevé leurs masques, c’était pour chanter. J’ai accepté car certains d’entre eux disaient qu’ils étouffaient. ».

Personnellement, j’aurais applaudi des deux mains à cette mesure de simple bon sens, mais aussi de charité : des enfants qui ont dû supporter pendant des mois, huit heures par jour, de porter un masque à l’école ont ainsi eu la possibilité de chanter en toute liberté.

Les parents d’élèves, loin de se ranger derrière leur directrice, sont allés la dénoncer à l’inspection académique et à l’agence régionale de santé.

Ainsi, une maman explique : « J’aurais dû me lever, prendre mon enfant par la main et m’en aller. Mais j’étais tellement choquée. Personne n’a osé intervenir […] Au moment du spectacle, on a indiqué aux élèves qu’ils devaient enlever leur masque. » Indignée, elle renchérit : « Mon enfant est entré avec le tee-shirt sur le nez et les larmes aux yeux. »

Faut-il que cet enfant ait été traumatisé par ce climat d’angoisse insensée dans lequel les autorités, complaisamment relayées par les médias, ont plongé la population française depuis 18 mois, pour pleurer parce qu’on lui dit d’enlever son masque !

Adieu, insouciance bénie de l’enfance.

Elle ne reviendra jamais.

Des aventures de ce type qui révèlent l’état d’esprit de nombreux Français, il y en a, malheureusement, pléthore. C’est cet enfant de 9 ans poursuivi par ses petits camarades de classe en cour de récré pour vérifier que son masque est bien mis et, éventuellement, le dénoncer aux autorités compétentes, c’est-à-dire la maîtresse, en cas de comportement déviant. Une attitude que le Grand Timonier n’aurait pas reniée.

C’est cet autre qui cumule les mauvais points sur son carnet de liaison car il baisse son masque de temps en temps : puni parce qu’il essayait de respirer « normalement ». C’est encore cet étudiant à qui une condisciple demande, sûre de son bon droit - elle est dans le camp du bien - depuis quand il n’a pas changé son masque. Un brin taquin, « Euh, ça doit bien faire un mois ! » lui répond-il.

On ne peut s’empêcher de constater que la stratégie de la peur, dénoncée par Jean-Loup Bonnamy comme méthode de contrôle des populations en période exceptionnelle, a plutôt fonctionné. Notre époque, qui succède à celle où il était interdit d’interdire, lui doit en réalité beaucoup. La désintégration de la morale traditionnelle et de la civilité qui en était l’expression a fait naître un monstre, la nature ayant horreur du vide. Aujourd’hui, l’hygiène a remplacé la morale, elle est indiscutable car elle « fait consensus ». La nouvelle normalité est sanitaire, aux dépens, on le voit depuis dix-huit mois, des plus élémentaires libertés. Un certain nombre de nos concitoyens s’y soumettent sans barguigner. Une servitude… volontaire.

Un journaliste italien, Vittorio Feltri, remarquait avec amertume dans les colonnes de Libero : « Le monde occidental ne veut plus rien savoir de la liberté, c’est un poids insupportable, un exercice difficile. Le monde occidental veut des règles à observer, sur tout, il veut savoir quels sont les mots que l’on peut employer et quels sont ceux qui sont hors-la-loi, quelles opinions sont admises et celles que l’on doit punir. Il ne supporte pas de devoir décider seul, jour après jour, il veut une table des lois qui règle sa vie de la naissance à la mort et, si possible, chacune de ses journées. En somme, l’homme évolué, européen et américain réclame […] à l’État de prendre les décisions les plus importantes. »

À méditer d’urgence, avant de basculer définitivement.

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

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