La France en danger grave et imminent : droit de retrait ?

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Face au danger grave et imminent, le droit de retrait. Qu’est ce qui est grave ? Qu’est-ce qui est imminent ? Toute la question est là. Déjà, il est parfois difficile de dire ce qui est ou n’est pas grave. « C’est pas grave Papa », chantait Jean-Jacques Goldman en 1976, un single sans grand succès qui racontait l’histoire de ce père rentrant à la maison et qui venait d’être licencié. La France entrait dans une longue période de chômage. Presque un demi-siècle plus tard, le chômage est toujours là, Papa doit être à la retraite ou mort d’un cancer du poumon, et son fiston, au final, trouve peut-être que c’est grave, le chômage, vu que son fils y est aussi.

Maintenant, imminent ? À ne pas confondre avec éminent : ça, c’est pour les cardinaux et les sous-vêtements. Imminent : qui va bientôt nous tomber sur le coin de la figure. Un péril imminent, ça se traduit parfois par un arrêté de monsieur le maire quand le guingois frise la catastrophe.

Alors, question : l’accident ferroviaire qui est survenu à Saint-Pierre-de-Vence, dans les Ardennes, la semaine dernière, menace-t-il d’un péril imminent les cheminots des Bouches-du-Rhône ? On peut se poser la question. Même deux secondes, sans pour autant passer pour un briseur de grève et un ennemi de la classe ouvrière. Il est vrai qu’un seul agent à bord d’un train, en l’occurrence le conducteur, pour faire face à un éventuel incident, voire accident, a de quoi inquiéter l’usager. Parfois, il vaut mieux ne pas savoir, me direz-vous.

« Danger grave et imminent ». Combien de corps de métiers sont-ils confrontés quotidiennement à un « danger grave et imminent » ? La patrouille de police, l’équipe de pompiers intervenant dans certains quartiers. Les urgentistes faisant face à l’engorgement du service. Les professeurs jetés dans la fosse aux lions de certaines classes. Les conducteurs de bus sur certaines lignes, les chauffeurs de taxi à partir de certaines heures. Et les agents pénitentiaires, et les..., etc.

Ne parlons pas des militaires, puisque la loi exige d'eux « en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême », exigence qui n’est demandée à aucun autre corps dans l’État, précisons-le, même pas aux policiers. D’ailleurs, raisonnons par l’absurde deux secondes et imaginons de donner aux pompiers (autres que ceux de Paris, Marseille et de la Sécurité civile, qui sont militaires), aux policiers, aux urgentistes, aux professeurs, aux conducteurs de bus, aux chauffeurs de taxi, aux agents pénitentiaires, etc., le statut militaire. Et aux agents de la SNCF, pendant que nous y sommes. Le « sacrifice suprême pour tous », en quelque sorte, et, du coup, plus de droit de retrait qui tienne. Du reste, la France n’est-elle pas en guerre, comme le proclamait naguère Manuel Valls ? Et pour faire la guerre, on n'a rien trouvé de mieux, pour l'instant, que les militaires.

Là où le droit de retrait trouve ses limites, c’est lorsque le pays tout entier est lui-même confronté à un « danger grave et imminent ». À moins que les Français n'aient finalement décidé de se retirer. Se retirer, à condition de le faire à temps, est d'ailleurs tout un art. Le droit de retirer l'échelle…

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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