Ukraine : l’attaque imminente n’a pas eu lieu…

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Mercredi est venu et la Russie n’a pas envahi l’Ukraine. Pourquoi mercredi (16 février) ? C’est la date distillée pour une invasion annoncée en vain depuis des mois, la crise actuelle ayant démarré en novembre.

Le président ukrainien Volodymyr Zelenski a naïvement relayé cette « information » décisive le 14 février : « On nous dit que le 16 février sera le jour de l’attaque. Nous allons en faire une journée de l’unité. » Passons sur le concept d’unité ukrainienne qui n’a jamais existé, ce pays étant structurellement coupé en deux pôles qui lorgnent vers deux directions totalement opposées.

C’est aussi le 14 février que les États-Unis ont annoncé le déplacement de leur ambassade de Kiev vers l’ouest de l’Ukraine, à Lviv. Étrange signal donné à un allié que l’on prétend soutenir tout en évacuant son personnel diplomatique loin de là, alors que l’invasion n’a même pas eu lieu !

Pour la petite histoire, signalons que Lviv s’est toujours appelée Lvov, dans l’Histoire, mais dans le cadre de la « dérussification » de l’Ukraine, les autorités lui ont donné un nom à consonnance ukrainienne. Dans le même registre, Kharkov, grande bataille de la Seconde Guerre mondiale, s’appelle maintenant Kharkiv. Il faut suivre.

D’où vient cette rumeur d’invasion annoncée pour le 16 février ? Tout simplement d’une dépêche de l’agence Associated Press publiée le 12 février donnant comme source « un officiel familier du dossier ». Beaucoup de médias ont repris, comme souvent, cette dépêche sans procéder à la moindre vérification. Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, avait, sans être aussi précis, distillé lui aussi une échéance : « Une attaque pourrait commencer à tout moment, et pour être clair, cela inclut la période des Jeux olympiques. »

Tout au long de ces quatre mois de crise, les dirigeants américains auront soufflé sur les braises, Biden en tête. Il est vrai que l’Ukraine lui tient personnellement à cœur puisque son fils y « a naguère trouvé un emploi fort bien rémunéré », comme le rappelle opportunément Renaud Girard dans son excellent article publié dans Le Figaro du 15 février. Donald Trump avait essayé de déclencher un « Ukrainegate » à propos de cette étrangeté du CV de la famille Biden, mais l’affaire fut vite étouffée.

Dans le cadre de sa grande offensive médiatique, la Maison-Blanche avait évoqué la présence d’agents russes prêts à créer « un écran de fumée », c’est-à-dire une opération de sabotage donnant un prétexte à une intervention militaire. Blinken avait consciencieusement embrayé : « Personne ne devrait s’étonner si la Russie est à l’initiative d’une provocation puis essaye de l’utiliser. » On se croirait revenu à la délicieuse époque des armes de destruction massive da Saddam Hussein. Quant au mot « imminente » accolé à invasion, il fut répété en boucle. La porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki, s’en défend : « Je ne l’ai utilisé qu’une fois. » Cela suffisait en effet pour être repris ad nauseam.

Les Britanniques, en bon petit soldats, ont été très en pointe dans cette vaste opération d’intoxication, annonçant par exemple que le Kremlin allait installer « un dirigeant pro-russe à Kiev ».

Comme un pied de nez aux alarmes atlantistes, Poutine, en remarquable joueur d’échecs qu’il est, a précisément choisi le moment de tension extrême pour annoncer un retrait partiel de ses troupes. Les prochains jours confirmeront ou non ce retrait mais, quoi qu’il en soit, les tensions autour de l’Ukraine sont loin d’être terminées. Les Russes, nous le savons, ne veulent pas de l’Ukraine dans l’OTAN, c’est assez simple à comprendre.

Alors, il serait temps d’inverser la perspective et de constater qu’il ne tient qu’aux Américains de décider s’ils veulent la guerre en Ukraine ou non.

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Antoine de Lacoste
Conférencier spécialiste du Moyen-Orient

Vos commentaires

41 commentaires

  1. Pour bloquer Nord Stream 2 et vendre ses excédents de gaz et de pétrole de schiste; pour interdire tout rapprochement UE (et d’abord France et Allemagne) avec la Russie; pour resserrer les boulons de l’OTAN, premier client du complexe militaro-industriel étatsunien; pour bomber le torse face à la Chine; les EU ont besoin d’une intervention russe dans le Donbass. Poutine faisant de la résistance, poussée par les EU, l’OTAN et l’UE, l’Ukraine est entrée en campagne dans le Donbass. Là, danger!

  2. Finalement pour résumer, la Russie masse une armée à sa frontière avec l’Ukraine, mais ce sont les autres qui sont responsables. L’ukraine, belliqueuse, qui a une armée infiniment plus faible que celle de la Russie, agresse la Russie ?
    Non faut vraiment que vous preniez les gens pour des crétins à essayer de nous faire croire que c’est la faute des occidentaux. Vous croyez pas que les Américains ont assez à faire avec la Chine ?

  3. Tout ce grand cinéma pour rien si ce n’est pour occuper les télés, radios et journaux pour la vente de papier. Il faut arrêter de prendre les gens pour des idiots prêts a gober ces attermoiements sachant que Poutine est d’un autre gabarit intellectuel de tous ces rigolos des Etats unis et associés OTAN et macroniques.

  4. Les Américains ne sont pas tout blanc, mais ce sont bien les russes emmenés par le dictateur Poutine qui ont envahi la Crimée et non l’inverse…..

  5. Les américains sont malins. Et pour garder le plus longtemps possible leur hégémonie sur les autres puissances, ils leur faut distiller leur venin : le politiquement correct, le progressisme… Ainsi, en important leur modèle, nous nous affaiblissons chaque jour un peu plus en perdant notre culture, notre souveraineté, notre indépendance.
    Ex : culture du wokisme, cancel culture, inclusion.
    En demeurant inféodé à leur diktats, nous nous condamnons à notre involution.

  6. C’est bien ce que je prévoyais. Poutine est un homme qui n’a pas besoin de jouer à la gueguerre, au petit caporal, pour se donner un air viril ! Pas comme
    – l’espèce de Pantin qu’est Bidon (qui voulait ainsi faire oublier son retrait catastrophique d’Afghanistan )
    – pas comme notre Jupiter qui a la grande gueule lorsqu’il sait qu’il a une armada de gardes du corps pour le protéger

  7. Tous les jours, les grandes gueules des USA nous disent : « c’est imminent il va y avoir la guerre. ça fait des semaines qu’on entends Attention va y avoir la guerre ! hou la la maman, j’ai peur ! la guerre ! » et …? …Rien ! Pourquoi parce que les Russes n’on nullement l’intention d’attaquer. Ils l’auraient déjà fait et sans prévenir quiconque. Les américains sont en perte de vitesse alors ils lancent ce nuage de fumée. C’est eux qui foutent le bordel et non les Russes.

  8. Les américains sous couvert de démocratie, ils foutent la me..e partout etfoutent le camp ensuite en abandonnant les peuples à leur sort ! Avec des amis comme ça, pas besoin d’ennemis

  9. Mais les Américains veulent entraîner l’Europe dans une guerre avec la Russie, pour mieux la faire éclater. C’est l’AMI américain!

  10. Toute cette rigolade pour permettre a Macron de faire le paon, Biden lui devait bien cela apres le coup des sous marins

  11.  » constater qu’il ne tient qu’aux Américains de décider s’ils veulent la guerre en Ukraine ou non. » Comme toujours et partout. Dans leur courte histoire, les USA se sont abstenus de guerre à une seule occasion : sous Trump…

  12. Excellent article. Demeurés dans la guerre froide, les faucons anglo- saxons vont finir par nous engager dans une guerre européenne, voire mondiale. Il est urgent de les mettre politiquement hors d’état de nuire Voilà pour l’Europe une occasion inespérée d’être elle-même.

  13. Il conviendra d’attendre le retour de Trump à la présidence pour éviter de nouvelles guerres dans le monde en générale et un Ukraine en particulier. Dans cette attente il conviendra de temporiser cette ardeur guerrière des américains…

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