« La Justice n’est pas laxiste » : la preuve par deux

Didier Migaud, Garde des sceaux et ministre de la justice. Service photographique de Matignon
Didier Migaud, Garde des sceaux et ministre de la justice. Service photographique de Matignon

On se souvient de cette récente passe d’armes entre Bruno Retailleau et Didier Migaud, l’un estimant que l’immigration n’était pas forcément une chance pour la France, l’autre répliquant que si (évidemment) et que, par parenthèse, la Justice n’était pas laxiste. Quand on a des œillères, on ne va pas les enlever pour si peu. L’actualité des libérations et des remises de peine nous offre l’occasion d’un petit état des lieux.

Jean-Claude Irvoas était un gentil monsieur de 56 ans qui aimait photographier des lampadaires, parce qu’il était passionné de mobilier urbain et qu’il était d’ailleurs commercial dans une société de ce secteur. Un jour de 2005, il a pris en photo le mauvais éclairage. Quatre dealers ont cru qu’il en avait après eux. Il a été battu à mort, devant sa fille de 16 ans et sa femme. « Fils de p... on va te niquer ! », ont-ils dit, avant de s’acharner sur lui à coups de poing et de pied. Il n’avait rien fait de mal. Il est mort comme un chien. Ses assassins ont été condamnés à des peines de prison ferme, bien sûr… mais ils sont tous libres aujourd’hui, comme tant d’hommes qui ont commis des meurtres gratuits. C’est Grégory Roose, sans doute connu de certains de nos lecteurs, qui a rappelé ce sinistre fait divers.

Plus près de nous, un autre fait divers est passé à la trappe. Il y en a tellement, me direz-vous. En janvier 2024, à Bordeaux, un homme s’en était pris à une grand-mère et à sa petite-fille en entrant par effraction dans leur logement. La caméra qui se trouvait à l’angle du domicile a capturé les images, d’une rare violence. Après avoir jeté la grand-mère par terre, l’homme a essayé d’enlever la petite fille. Il a été arrêté et condamné, avec l’exemplaire sévérité d’une Justice qui, donc (on se tue à vous le dire), n’est pas laxiste, à deux ans de prison dont un avec sursis. Selon Jean Messiha, il aurait bénéficié de remises de peine et serait donc libre aujourd’hui. On ne saurait trop conseiller aux parents de la région bordelaise de planquer leurs enfants.

Le dogme de la fermeté judiciaire

La preuve est faite – la preuve par deux -, et malheur à qui remettrait en question la parole gouvernementale : la Justice n’est pas laxiste. On peut tenter d’enlever des petites filles en pleine rue et ne passer que quelques mois en prison. On peut s’acharner gratuitement sur un brave père de famille qui photographiait des lampadaires et sortir de prison un jour. Bref, on l’a bien compris, ce n’est pas la Justice qui est de gauche, c’est l’opinion publique qui est de droite. Bien trop, d’ailleurs. Et heureusement qu’il existe, en France, un appareil judiciaire qui remet les choses à leur place, c’est-à-dire à l’envers.

On sait que Nicole Belloubet, quand elle était ministre de la Justice, a profité du Covid-19 pour faire libérer des dizaines de délinquants, « par manque de place ». On sait qu’en Grande-Bretagne, la Justice, qui n’est évidemment pas laxiste non plus, a libéré des prisonniers, il y a quelques mois, pour pouvoir enfermer des manifestants patriotes. Bref, la Justice fait son travail : enfermer les gens qui posent problème à la société tel que le pouvoir se la représente. Peut-être n’avons-nous simplement pas compris que les temps avaient radicalement changé. Est-ce de l’aveuglement ou de l’espérance ? On verra bien.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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