La loi est inscrite dans le marbre, pas les décisions judiciaires

Si critiquer les juges est d'extrême droite, alors Zola et Dupond-Moretti appartiennent à cette mouvance.
La Justice, sculpture devant le Palais Bourbon. © Samuel Martin
La Justice, sculpture devant le Palais Bourbon. © Samuel Martin

La juge Bénédicte de Perthuis, qui a prononcé la peine d’inéligibilité contre Marine Le Pen, est l’objet de menaces, sur les réseaux sociaux. Pour le Conseil supérieur de la magistrature, de telles menaces « ne peuvent être acceptées dans une société démocratique ». Aucune menace envers personne, en réalité, n’est acceptable dans aucune société. Marine Le Pen elle-même estime que menacer Mme de Perthuis est « inadmissible » et « scandaleux ».

Les médias et les commentateurs voient dans la mise en cause d’un magistrat un trait caractéristique de « l’extrême droite » contre « l’État de droit ». Un petit quiz ? Qui a dit, en 2020 : « On a basculé dans la République des juges » ? Indice : un cador du monde judiciaire. Deuxième indice : il est bien à gauche. Troisième indice : il ignorait qu’il serait un jour garde des Sceaux. Critiquer les juges n’est donc pas une caractéristique propre à « l’extrême droite ».

Cabale contre le juge Tony Skurtys

En juin 2023, au tribunal de Paris, le juge Tony Skurtys a été suspendu à titre provisoire et « déplacé d’office », une sanction inhabituelle, qui plus est non motivée. « Il a été victime d’une cabale », commente le délégué général de l’Institut pour la justice, Pierre-Marie Sève, joint par BV. « Cela avait commencé sur les réseaux sociaux et était le fait d’avocats de gauche militants, toute une galaxie qui a fait monter une petite musique à son encontre. » Libération participe au mouvement, titrant, en décembre 2022 : « Haro sur le juge Tony Skurtys, le "marteau" de la justice ». Il y a le bon haro, celui de la gauche. Et le mauvais haro, celui dénoncé par L’Humanité : « Quand le RN crie haro sur la justice et l’État de droit ».

Libération, 22 décembre 2022.

L'Humanité, 1er avril 2025.

Le juge Tony Skurtys a été — peut-être l’est-il encore — secrétaire général adjoint du Syndicat national des magistrats FO, classé à droite. À ce titre de syndicaliste, et pour son expertise, il a été auditionné au Sénat ou à l’Assemblée nationale. « Un magistrat extrêmement poli et courtois, témoigne Pierre-Marie Sève, un magistrat exemplaire. » Mais Libé lui reprochait « une sévérité répressive sans commune mesure ». On l’aurait voulu plus coulant. Plus laxiste, peut-être. Plus dans la culture de l’excuse… D'où la cabale.

L’article 434-25 serait-il antidémocratique?

Le Parisien l’a écrit : le juge Skurtys était « très critiqué ». C’est donc autorisé de critiquer les juges et leurs décisions ? Oui. Même si les décisions judiciaires sont protégées du discrédit par l’article 434-25. Comme le rappellent beaucoup de commentateurs pressés d’entraver toute analyse du jugement rendu ce 31 mars, cet article autorise évidemment les « commentaires techniques » et tout commentaire « tendant à la réformation, la cassation ou la révision d'une décision ».

D’ailleurs, nous rappelle Pierre-Marie Sève, « en faculté de droit, l’exercice préféré des étudiants est le commentaire d’arrêt. Cela consiste, précisément, à commenter et à critiquer un jugement. » Et il conclut : « On a heureusement le droit de se poser des questions sur le raisonnement juridique. Dans une société normale, l’article 434-25 ne peut s’appliquer qu’à des cas extrêmes, sinon l'on est dans une société dictatoriale. » Il rejoint l’analyse d’une autre juriste, Lauréline Fontaine, professeur de droit public, qui voit en l’article 434-25 « le garant du maintien d'une disposition dont les effets sont potentiellement nocifs au regard d'un système démocratique ».

Dernier témoin appelé dans ce dossier : Émile Zola, dont le « J’accuse » est devenu un texte emblématique, cumulant critique d’une décision judiciaire et mise en cause des juges. À ceux-ci, l'histoire ne donne pas toujours raison : Émile Zola est au Panthéon, « J’accuse » est étudié au lycée.

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Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

31 commentaires

    • J’ai comme théorie qu’un mauvais jugement, genre victime condamnée, engendre un appel, mais si en appel la victime remporte la procédure, alors le juge de première instance doit être contacté pour s’expliquer au tribunal. On travaille comme çà dans le privé, quand un ouvrier fait mal son travail, le client appelle la Boite et l’ouvrier rend des comptes puis le patron appelle ( sic) le client….

  1. A quand la responsabilisation des juges face à leurs erreurs comme dans toutes les autres professions ?
    Le juge Burgaud responsable du naufrage judiciaire dans l’affaire d’Outreau , a été muté à la cour de cassation : une récompense , en somme , pour son incompétence .

    • Un très haut fonctionnaire au bilan pas très joyeux financièrement est nommé directeur- adjoint d’une grande banque en France….Quand je pense que des gens s’inquiètent pour leur avancement suite à une arrivée un quart d’heure en retard le matin au bureau ou une photocopie mal centrée….

    • Les juges ne commettent aucune erreur. Ils sont des êtres parfaits, travaillant sous aucun contrôle, alors que toutes les autres corporations sont soumises à une hiérarchie de contrôle ( police, gendarmerie, médecins, enseignants etc….) Les juges vivent et travaillent dans une zone de non-droit, une zone de leurs droits, et n’admettent pas l’ombre d’une critique, encore moins d’une erreur…. Et pourtant….  » l’erreur est humaine »…. Cherchez l’erreur….

  2. Les lois gravées dans le marbre ? comme un livre saint ?
    La loi comme les traités internationaux reflètent la situation d’une société à un moment donné , quand la société change ils doivent être modifiés .
    Quant aux juges , ils furent d’abord la bouche de la loi , et puis il y a eu la jurisprudence , la loi imprécise interprétée par les juges , et maintenant les juges créent la loi , avec leurs grands principes , ils en découvrent tous les jours , et le législateur naturel en démocratie , les assemblées élues par le peuple , sont marginalisées .

    • Très juste: Lois et traités doivent être périodiquement remaniés (en supprimant les précédents) en fonction du contexte national et international ( et toujours pour le bien du pays – de son peuple et non de sa petite  » élite » dirigeante). Toute loi imprécise ( donnant lieu à une  » jurisprudence » c a d à un questionnement des juges) doit repasser devant les assemblées représentatives (ou/et le référendum) pour être correctement réécrite.

  3. « Vous en avez de bonnes, ami Samuel »!
    Les lois gravées dans le marbre évcrivez-vous?
    Mais les lois ont été édictées par des exécutifs , et elles peuvent être abrogées à tout moment par un autre exécutif.
    S’agissant des lois Sapin, Pleven, Gayssot, Taubira… qui donnent aux associations islamo-gauchistes les arguments de leurs « plaintes » pour blasphèmes ou mal-pensance idéologique, et aux juges, les paravents contre Nos Libertés derrière lesquels ils abritent leurs oukases, il suffit que Retailleau ou Bayrou en propose l’abrogation immédiate, avant leur suppression.
    Quant aux lois inappliquées, violées, comme la loi de 1905, ne parlons pas de marbre, mais de sable!
    Macron et son complice darmanin ne veulent pas toucher aux juges rouges, roses et verts!
    Ils viennent d’interdire Mme Le Pen d’éligibilité, en toute illégalité , ou a-légalité.
    Seule candidate à avoir dans son programme le CHANGEMENT du cours de notre Histoire de France contemporaine.
    L’indignation grandit contre macron et sa clique. La parole est au Peuple de France!

  4. Certes, les menaces et les insultes sont à bannir. Mais ce n’est pas parce que l’on porte un bonnet et que l’on revêt une toge qu’on devient automatiquement un juge respectable. Le respect ça se gagne. Et le procureur qui déclare « ne rien avoir dans son dossier pour condamner mais que ça lui ferait trop mal de ne pas le faire »…, ne se met pas en position d’être respecté… Quand on décide de museler 12 millions d’électeurs en éliminant leur candidat de manière arbitraire (pour exactement les mêmes faits, Bayrou à été relaxé…) Il ne faut pas s’étonner que la probité du juge soit mise en cause. Quand on voit que depuis 15 ans les juges se sont acharnés à « faire tomber Sarkozy » et qu’en désespoir de cause il finissent par le condamner SANS AUCUNE PREUVE, allant jusqu’à vouloir lui retirer ses droits parentaux, il y a la une volonté, non pas de punir un hypothétique manquement mais d’abaisser un homme juste par plaisir ou petite vengeance. Petitesse d’esprit qui n’inspire pas le respect. Les juges auront réussi à perdre la confiance du peuple. Et ceux, integres, qui se taisent et laissent faire ne se grandissent pas non plus.

  5. J’ai entendu un intervenant, hier, sur CNews dire avec juste raison que puisqu’il existe une police des polices (IGPN), il faudrait la même chose pour contrôler les juges. Ces mêmes juges qui crient à qui veut l’entendre qu’il est interdit de critiquer leurs décisions et que nul n’est au dessus des lois !! Sauf eux qui apparemment s’assoient sans vergogne sur lesdites lois.

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