« La loi et le décret sur le passe sanitaire sont contraires au droit international »

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Cosignataire de la tribune « Pourquoi le passe sanitaire est illégal, malgré la décision du Conseil constitutionnel » publiée dans Marianne, Aude Mirkovic rappelle que la légalité du passe est mise en cause du fait des atteintes aux libertés fondamentales et de ses nombreuses incohérences. Sa reconduction au-delà du 15 novembre le serait donc encore plus.

 

 

 

« Pourquoi le passe sanitaire est-il illégal malgré la décision du Conseil constitutionnel ? » Tel est le titre de la tribune que vous avez cosignée pour l’hebdomadaire Marianne. Pourquoi est-il illégal ?

 

Le Conseil constitutionnel est une institution assez politique, avant d’être juridique, il vérifie la conformité des lois à la Constitution. Il s’est penché sur le passe sanitaire au regard de la Constitution. Cela laisse donc maintenant la possibilité, aux juges, d’apprécier la conformité de la loi au droit international. L’objectif de cette tribune est d’expliquer en quoi la loi du 5 août et le décret qui a suivi sont contraires au droit international. Les conventions internationales ratifiées par la France et le droit de l’Union européenne ont une valeur supérieure à la loi française. Par conséquent, à l’occasion d’un procès, si une personne qui s’est fait refuser l’accès à un TGV invoque cet argument, le premier juge venu pourrait apprécier la conformité de la loi au droit international.

 

Malgré quelques situations exceptionnelles, le Conseil d’État a largement validé le texte.

 

Le Conseil d’État a donné un avis. En effet, le passe sanitaire porte des atteintes à plusieurs libertés fondamentales protégées par des textes internationaux, comme la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En premier lieu, la liberté d’aller et venir, le droit à la vie privée, l’accès aux loisirs, etc.

La vie en société suppose de mettre des limites à des libertés fondamentales, mais le droit international dit que ces limites ne sont justifiées que si elles poursuivent un objectif légitime et si elles sont nécessaires et proportionnées pour atteindre ces objectifs.

Le Conseil d’État a donné quelques éléments de discernement pour pouvoir apprécier dans quelle mesure le passe sanitaire pourrait être une atteinte proportionnée aux libertés dans l’objectif de santé publique. Le passe est illégal car il ne peut pas avoir pour effet de remettre en cause l’accès à des biens et services de première nécessité. Plusieurs tribunaux administratifs ont, d'ailleurs, suspendu des arrêtés préfectoraux. De plus, le Conseil d’État a mis comme condition, pour que le passe soit légal et ne crée pas d’atteinte disproportionnée aux libertés, le fait qu’il n’y ait pas de différence de traitement sans justification objective. Les nombreuses incohérences que l’on trouve dans la loi et dans le décret d’application révèlent que la mesure n’est pas justifiée. Le passe est exigé pour prendre le TGV mais pas pour le TER, c’est une décision politique et non sanitaire.

Le passe est nécessaire pour fréquenter les cafés et restaurants, y compris en terrasse, mais on n’en a pas besoin dans le cadre de la restauration collective. Qu’est-ce qui justifie une telle différence de traitement ? Rien du tout ! Ces incohérences créent des inégalités.

 

Le ministre des Solidarités et de la Santé et Olivier Véran a déclaré que le passe sanitaire pouvait être reconduit au-delà du 15 novembre. Comment peut-on imposer l’arrêt de ce dispositif polémique ?

 

Il faudrait que le Parlement refuse de le reconduire. D’un point de vue juridique, on a de nombreux éléments : les circonstances exceptionnelles et les mesures d’exception, par définition, n’ont pas vocation à durer. Elles sont justifiées à un moment précis, mais elles n’ont pas vocation à être reconduites éternellement. Aujourd’hui, la légalité du dispositif est largement en cause, et donc sa reconduction l’est encore plus. Si, dès aujourd’hui, les mesures sont illégales, on ne voit pas comment elles seraient reconduites. De nombreux recours ont été déposés et il y aura une multitude de contentieux quand les salariés auront leur contrat suspendu. Nous espérons que les juges feront respecter le droit.

Aude Mirkovic
Aude Mirkovic
Maître de conférences en droit privé - Porte-parole de « Juristes pour l’enfance »

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