La manifestation des Champs-Élysées était-elle un piège tendu aux gilets jaunes ?

Après dix jours de manifestations des gilets jaunes, il est clair que la relation qui caractérise désormais Macron et son gouvernement avec le peuple français s'inscrit dans un rapport de force. Et ce ne sont pas les vociférations de Castaner face aux caméras de médias complaisants, cherchant à faire endosser la responsabilité des désordres à Marine Le Pen et à l'ultra-droite, qui y changeront quoi que ce soit. Nul n'est plus dupe aujourd'hui. Mais face aux centaines de milliers de manifestants qui ne désarment pas, il est intéressant de suivre la stratégie de ceux qui, véritablement en panne de solutions pour répondre à un conflit social d'une ampleur inédite, se réfugient dans l'invective, l'anathème ou, tout simplement, le mensonge.

La manifestation des Champs-Élysées du samedi 24 novembre est, à cet égard, significative. Tout d'abord parce qu'elle pose clairement la question du piège posé par le pouvoir en place à des gilets jaunes qui n'ont pas tous vu venir le coup qu'on allait leur porter. Il était, en effet, évident, après les manifestions précédentes, que cette avenue symbolique de la capitale, proche du siège du pouvoir macronien, allait être un enjeu fort pour des manifestants décidés à se faire entendre de celui qui, depuis plusieurs semaines, les ignore - quand il ne les insulte pas. Interdire ce lieu de rassemblement était donc une nouvelle façon de provoquer les gilets jaunes et de les pousser à la faute. En effet, le fait de participer à une manifestation interdite mettait d'office les participants à ce rassemblement hors la loi et permettait une intervention immédiate des forces de l'ordre. Ce qui, bien entendu, s'est produit. Le piège était donc évident, avec cette particularité que les gilets jaunes ne pouvaient faire autrement que de s'y laisser prendre.

Une fois la nasse refermée, il ne restait plus qu'à laisser faire les habituels casseurs. En cela, la manifestation des Champs-Élysées n'a en rien dérogé à une règle malheureusement devenue classique. Tous les rassemblements populaires, même les mieux encadrés par les centrales syndicales, donnent systématiquement lieu à des débordements. Dans le cas considéré, Castaner avait annoncé la couleur quelques jours avant, en désignant la présidente du Rassemblement national comme la responsable de cet appel à manifester sur un lieu interdit. À partir de là, il devenait facile de faire porter le chapeau des violences et des dégradations à des militants de l'extrême droite et de l'ultra-droite, et de mettre les gilets jaunes dans le même sac.

Cette stratégie, qui consiste à couper un mouvement revendicatif du reste de la population lorsque l'on a décidé de n'apporter aucune réponse aux diverses revendications, est un grand classique de la gestion de l'ordre public. Diviser pour régner. Pourtant, cette stratégie grossière n'a que partiellement fonctionné. En premier lieu, parce que la ficelle était un peu grosse. Ensuite, parce que le mouvement des gilets jaunes bénéficie d'un large soutien populaire, et que ce ne sont pas quelques manœuvres de basse police qui pourront le faire taire. Enfin, parce que la crise que nous vivons actuellement dépasse, tant par ses enjeux que par la personnalité de ceux qui la portent, tout ce que notre pays a pu connaître depuis Mai 1968.

La stratégie du pourrissement et du dénigrement ainsi que la politisation "extrémiste" de la colère portée par les gilets jaunes ont donc échoué. Les braises d'une révolte populaire bien plus vaste couvent désormais. Reste à attendre le souffle qui embrasera le pays. Et là, il y a fort à parier qu'il viendra de l’Élysée.

Olivier Damien
Olivier Damien
Conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, Commissaire divisionnaire honoraire

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