Le ministre El Haïry ne veut pas « jeter l’eau propre » : elle a raison d’insister le clou !

Sarah El Hairy

Sarah El Haïry était, cette semaine, interpellée par Sandrine Rousseau à la tribune de l'Assemblée nationale. Pour ceux qui ne suivent pas de près les remaniements ministériels - et comment leur en vouloir -, Mme El Haïry est « ministre délégué en charge de l'Enfance, de la Jeunesse et des Familles ». On n'allait pas mettre un ministre de plein exercice pour les familles, faut pas pousser non plus. L'avortement, le divorce et l'euthanasie se chargeront probablement de faire de ce strapontin un tout petit secrétariat d'État dans les années qui viennent. Mais, en la circonstance, le plus intéressant ne réside pas dans les fonctions qu'exerce Mme El Haïry, ni même dans la question que lui a posée Sandrine Rousseau.

Ce qui compte, c'est la réponse : « Madame la députée, commence, avec un air de dignité offensée, le ministre, ne jetez pas l'eau propre sur l'ensemble des professionnels ». L'eau propre : cette curieuse formule, qui remplace involontairement le mot « opprobre » (honte publique, du latin opprobrium), en dit assez sur le « niveau politique » macronien, et même sur le niveau de ce niveau. « Séjournisation du gouvernement », constate Nicolas Meizonnet sur X, en référence à cet autre ministre jeune et illettré qui est, lui, à la tête du Quai d’Orsay. Ce n'est pas totalement faux. Mais bon…

Sur le fond, elle a raison d'insister le clou, le ministre : jeter l'eau propre, ça n'apporte pas de pain au moulin de qui que ce soit. C'est tout au plus une manière, pas très glorieuse, de suspendre les pieds de Damoclès au-dessus de la tête des gens. Des trucs à vous donner envie de freiner des quatre fers en l'air quand il faudrait se mettre des coups de collier. C'était peut-être un moment de fatigue : à force de se mettre les œufs dans trop de paniers à la fois, on finit par se prendre les pinceaux dans le tapis. En réalité, on est tous logés à la même ancienne : parce que, résultat des comptes, qu'on ait été sauté du ruisseau ou qu'on soit né avec une cuillère en argent dans le c…, on est tous égaux face à l'adversité. Mme El Haïry se dit peut-être qu'un tiens vaut mieux que deux, et que la politique est ainsi : ce n'est pas un perdreau de la dernière pluie, elle milite depuis son plus jeune âge. Alors, même si elle n'est pas vieille comme Jérusalem, même si son engagement ne la rendra pas riche comme Celsius, elle répond, avec ses mots à elle, à défaut de ceux du dictionnaire.

On pouvait se moquer de Maurice Thorez ou de Georges Marchais, qui en rajoutaient, jusque dans l'accent, sur leur parler plébéien et leurs erreurs de français. Ça, c'était avant. Aujourd'hui, quand on est ministre, on parle d'une manière qui vous fermerait les portes d'un stage de fin de master. C'est vrai qu'il n'y a que des coups à prendre en politique, et qu'on y a de moins en moins de pouvoir. Par conséquent, l'exercice du pouvoir, ou du moins des apparences de celui-ci, n’attire que des gens vaniteux et médiocres… et ça commence à se voir. Combien, parmi ces trentenaires pleins de morgue qui débitent des éléments de langage surgelés, auraient eu leur certificat d'études ? Combien auraient, il y a dix ans encore, été recrutés dans un cabinet ministériel ? Les bons vont dans les grands groupes ou s’expatrient. Ceux qui sont moins performants mais ont du respect pour leur pays s'abstiennent de prétendre à des fonctions de ce niveau.

Un maire de village, un conseiller régional peuvent parler comme ça : ce n'est pas une grandeur de statue qu'on leur demande. Mais un sénateur, un ministre, un Président, ça se tient. C'est un exemple. Et, de même qu'on ne chante pas Aya Nakamura quand on est ministre des Sports (surtout quand on ressemble à une dame caté) ou qu'on ne va pas voir « qu'est-ce que les Ukrainiens ont besoin » quand on est ministre des Affaires étrangères, eh bien, on ne jette pas « l'eau propre ». Il faut dire que l'exemple vient de plus haut encore : sans recourir une fois de plus à de Gaulle, aucun de ses successeurs n'aurait laissé fuiter son idée d'envoyer que « ça coûte un pognon de dingue ». Rien ne nous sera épargné : comme dirait sans doute Mme El Haïry, il faut boire le calice jusqu'à l’hallali.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

81 commentaires

  1. A force d’être de moins en moins exigeants dans l’éducation nationale, au nom d’une prétendue démarche inclusive, nos dirigeants étiquetés humanistes vont finir par fabriquer les élites « culturées » du style de cette ministre, ou du style des étudiants qu’on voit maintenant à Science Po. Le fond de leurs cerveaux va aller « de père » avec leur langage.

  2. Merci encore Monsieur Arnaud Florac , j’ai trop ri ! Mais comme ils , ou elles, parlent ainsi sérieusement,cela peut expliquer aussi que plus « dégun » n’écoute ces « faces de poulpe » !

  3. Ça y’a pas à dire, c’est le « concours l’épine » (avec un l’) de la bourde ministérielle estampillée LREM-Renaissance.
    Assurément le résultat d’un bourrage de crâne woke à l’éducation nationale.
    Au secours rendez-nous vite Raymond Devos !

  4. Çà se nomme « la décadence » cher Monsieur Florac !
    J’ai adoré ma vieille époque…

  5. « ils » sont tellement mauvais en tout, ne pouvant vivre par leur intelligence en créant une entreprise, qu’ils se lancent dans la politique, on voit le résultat, mais ce sont les clones qui votent pour eux et les font élire. Pauvre France, il faut mettre un sérieux coup de balai.

  6. Faudrait peut-être imaginer un grand oral avant de nommer les ministres ,mais avec un jury digne de ce nom.

  7. Serait-elle issu de l’école de la république ? Apparemment, elle n’est pas passé par l’enseignement privé celle là ! Et combien de ministres affichant un niveau tellement exceptionnel dans ce gouvernement, gouvernement le plus pléthorique du monde « démocratique ». Avec des incompétents pareils, pas étonnant de constater la décadence de la France, qui fut, il y a un certain déjà, le pays des lumières. Ce gouvernement a tellement augmenté le prix de l’électricité, a tellement augmenté les impôts camouflés dans les factures d’électricité, qu’il n’ même plus de quoi éclairer le cerveau de ces décideurs irresponsables !

  8. Elle a confondu avec jeter le bébé avec l’eau du bain ! Ça serait drôle si ça n’était pas si inquiétant, ce niveau déplorable de nos ministres. Mais j’ai beaucoup ri avec votre texte, merci !

  9. J’ai été ouvrier toute ma vie et je ne ferais pas ce genre d’erreur de langage.Ou alors je n’emploierais pas une expression dont je ne matriserais pas le sens . Si tout le reste est à l’encan , on se demande bien comment cette dame assume son rôle de ministre de l’enfance et de la famille? Et pendant ce temps on reçoit des drag Queen dans nos écoles et les services sociaux soustraient des petits enfants à leurs mères de façon abusive, et des écoliers sont harcelés etc …. Tout va de mal en pis y compris le niveau des ministres .

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