La moitié des électeurs sans candidat à la présidentielle ? Le pouvoir doit revoir la règle des 500 signatures.
Monsieur le président de la République, cher groupe LREM à l’Assemblée nationale, vous devez rétablir l’exercice de la démocratie en France en modifiant la règle des 500 signatures. Cette règle est en train de transformer la future élection présidentielle en farce. Si rien n’est fait, les électeurs pourraient se trouver, le 10 avril prochain, face à quatre bulletins : ceux d’Anne Hidalgo, d’Emmanuel Macron, de Valérie Pécresse et du communiste Fabien Roussel, laissant politiquement orphelin… un Français sur deux !
C’est une des nombreuses conséquences délétères du mandat de François Hollande. Par des calculs d’apothicaires à forte teneur en politicaillerie, le président de la République socialiste a exigé que les 500 signatures de maires indispensables à tout candidat aux présidentielles ne soient plus anonymes mais publiques. Le texte adopté en avril 2016 prévoit que le Conseil constitutionnel rende publics les noms des « parrains ». En réalité, dès l’origine, la mesure a senti le soufre. En 2012 et 2013, Hollande puis Jospin eux-mêmes avaient évoqué une alternative : l’idée d’un parrainage citoyen par 150.000 électeurs. Une bonne idée qu’ils se sont tous les deux empressés d’enterrer, tant le peuple est susceptible de mal penser.
La Ve République a pourtant fort bien fonctionné sans la règle des 500 signatures imposée en 1976. Lors des trois premières élections présidentielles du régime, en 1965, 1969 et 1974, les parrainages de 100 élus du peuple suffisaient. Ces trois scrutins ont vu concourir 6, 7 et 12 candidats, loin de la cohue qu’on nous présente comme inéluctable en cas d’abaissement de la barre des 500 signatures.
En 2017, 42.000 élus pouvaient théoriquement signer. Sur le papier, c’est largement suffisant pour qu’un candidat crédible obtienne son sésame et qu’un candidat fantaisiste reste à sa fantaisie. Mais c’est sans compter sur le terrorisme intellectuel ambiant. À l’heure du lynchage numérique et physique, les maires déjà très vulnérables aux procès de toutes sortes ne se précipitent pas pour signer. Les campagnes d’affichage et d’intimidation de l’extrême gauche dans de modestes villages dont le maire avait signé en faveur de Le Pen ont dissuadé les plus courageux. Résultat ? Alors que la date limite de remise des signatures approche (fin février, soit dans deux mois), de nombreux partis politiques dépensent de l’énergie, de l’argent et du temps à solliciter des maires terrorisés. Tous ont dévolu des équipes à cette étape majeure de la course présidentielle.
Éric Zemmour mène, à ce sujet, une campagne sur les réseaux sociaux en s’adressant directement aux maires. « Il est possible que je n’obtienne pas les parrainages tant le système est fait pour protéger les grands partis », dit-il. Il aurait recueilli 200 à 250 signatures, loin de la barre des 500. L’inquiétude est la même au Rassemblement national, qui n’aurait réuni à ce jour que les deux tiers des signatures d’élus nécessaires : « Cela arrive au compte-gouttes, il faut les arracher avec les dents », précise Philippe Ballard, le porte-parole du RN, à Boulevard Voltaire. Ces deux candidats affichent pourtant quelque 15 % d’intentions de vote chacun ! Démocratie ? Les pressions réelles ou redoutées des conseils municipaux et des communautés de communes, départements et régions qui détiennent les clés des subventions en font reculer plus d’un.
Il y a plus vicieux encore : les maires doivent adresser eux-mêmes leur signature au Conseil constitutionnel. Les partis craignent ainsi que certains maires renient leur promesse, se ravisent et n’envoient rien. « On va essayer d’avoir un matelas de sécurité avec 550 ou 600 promesses », explique Ballard. Outre Marine Le Pen et Zemmour, Mélenchon, privé du soutien des maires PC qui l’avaient suivi lors des précédentes présidentielles, ou l’écologiste Yannick Jadot, qui a décroché des grandes villes mais n’a pas tant d’élus en France, auraient aussi des inquiétudes. Sans parler des divers petits candidats.
Ainsi, la candidate LR qui ne souhaite débattre qu’avec ceux qui ont leurs 500 signatures – on rêve ! – réduirait drastiquement le nombre de ses concurrents et de ses contradicteurs : sont assurés de décrocher leurs signatures Emmanuel Macron, Valérie Pécresse, Anne Hidalgo ou le candidat PC… Point. Une torsion inacceptable des règles de la démocratie. Ce déni de démocratie en cours est entre les mains du pouvoir qui doit s’en saisir d’urgence. Sans quoi les gargarismes républicains cacheraient à l’évidence le verrouillage d’un système qui n’aurait de démocratique que le nom. Et encore…
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