Marseille : la mort d’Alban Gervaise restera-t-elle, elle aussi, impunie ?

Alban Gervaise

« On ne juge pas les fous. » Ce 6 décembre, on apprenait que le meurtrier d’Alban Gervaise, ce père de famille et médecin militaire poignardé mortellement en mai 2022 devant une école catholique à Marseille, pourrait être déclaré pénalement irresponsable. Comme nous l’apprend Le Figaro, la troisième et dernière expertise psychiatrique menée auprès du suspect, Mohamed L., confirme « l’abolition du discernement ». Si Christelle Gervaise, la veuve d’Alban Gervaise, « épuisée » après les longs mois d’enquête, « accepte cette troisième expertise », elle ne peut s’empêcher de s’interroger sur les ressorts de ces conclusions et sur leurs conséquences.

« Je vais le finir. C’est le diable !»

C’était le 10 mai 2022, aux abords du groupe scolaire catholique Sévigné, au cœur du XIIIe arrondissement de Marseille. Alban Gervaise, au volant de son véhicule, venait récupérer ses deux fils à la sortie de l’école. À l’arrière, dans son siège-auto, sa fille de 20 mois l’accompagnait. C’est alors que Mohamed L. aurait surgi dans sa voiture pour l’attaquer subitement. Le médecin militaire est poignardé des dizaines de fois, au niveau de la gorge, du thorax et de l’abdomen. Un acharnement d’une rare violence que l’assaillant poursuivra en dehors du véhicule alors qu’Alban Gervaise tentait de fuir. Maîtrisé par deux passants, Mohamed L. s’emporte : « Laissez-moi le finir, au nom de Dieu. Je vais le finir. C’est le diable. Je lui ai mis trente coups de couteau. » Interpellé par les forces de l’ordre, Mohamed L. est jugé compatible avec la garde à vue. Alban Gervaise, lui, succombera de ses blessures après 17 jours de réanimation.

Mais deux ans et demi plus tard, les trois expertises psychiatriques concluent toutes à une « abolition totale du discernement » du suspect au moment des faits. La première parle d’une « bouffée délirante aiguë » du meurtrier. Mohamed L. est actuellement hospitalisé en psychiatrie au sein d’une unité pour malades difficiles (UMD) sous le régime de la détention.

Une expertise aux conséquences majeures. Le droit français stipule que « n’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». Autrement dit, si Mohamed L. est déclaré pénalement irresponsable par les juges, il pourra être reconnu coupable mais échappera aux sanctions. Le juge pourra tout de même ordonner une hospitalisation. L’ennui, confie Christelle Gervaise au Figaro, est que « je n’ai aucune idée de sa durée d’hospitalisation et je ne serai pas mise au courant quand il va sortir. Je vais avoir peur de lire une récidive dans les journaux, c’est très anxiogène. En tant que famille de victime, c’est très difficile à accepter. » Car si l’hospitalisation peut être ordonnée par le juge, la durée du séjour en unité psychiatrique dépend des concertations entre médecins. Le séjour en prison peut durer aussi bien quelques mois que plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années.

« C’est comme si Timothy était tué une deuxième fois »

La famille d’Alban Gervaise n’est pas la seule à se voir priver d’un procès. En mars 2022, les proches de Timothy Bonnet, poignardé en 2019 par un Afghan d’une trentaine d’années, ont appris que le meurtrier de leur fils ne serait pas jugé. La justice l’a reconnu irresponsable pénalement. « C’est comme si Timothy était tué une deuxième fois », confiait la grand-mère du jeune homme de 19 ans à BV. Un an plus tôt, la Cour de cassation confirmait l’irresponsabilité pénale de Kobili Traoré, le meurtrier de Sarah Halimi. Sous l’effet du cannabis, il était en pleine « bouffée délirante aiguë », selon les experts. Comment ne pas penser, non plus, au père Olivier Maire, tué en août 2021 par un Rouandais qu’il hébergeait. La première expertise a conclu que les traumatismes passés du meurtrier avaient pu altérer son discernement au moment des faits. Une histoire qui rappelle le meurtre de Jean Dussine, tué par un jeune Afghan qu’il logeait chez lui. Dans cette affaire, la cour d’appel a également suivi l’avis des experts psychiatriques et déclaré le prévenu irresponsable. Les exemples sont nombreux. Pour les familles de victimes, il devient urgent d’augmenter les moyens de la psychiatrie et, à terme, d'envisager d’imposer une durée de soins minimum à ces accusés qui ont commis des crimes.

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Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

40 commentaires

  1. Cette disposition du code pénal doit être supprimée ; à partir du moment où un crime est commise, le coupable doit etre jugé et puni de la même manière.

  2. comment des psychiatres formés en France, avec des racines peuvent ils juger des arabo-islamiques qui ont une structure cérébrale termitière forgée par des siècles d’alienation atroce et obscurantiste.
    les politicards portent une lourde responsabilité dans la lente destruction de notre société…

  3. Il y a une réflexion à mener au sujet des « déséquilibrés ». La plupart des islamistes assassins sont considérés comme tels. Cette appréciation n’a aucun sens. Elle se fonde en effet sur une vision de la normalité qui place la vie humaine au-dessus de tout, quand le sujet de la réflexion a de la normalité une tout autre vision. Il n’est « déséquilibré » que selon nos critères, qui sont inappropriés pour catégoriser un être dont les fondements moraux n’ont rien à voir avec les nôtres. Ainsi, l’assassin d’Alban Gervaise, considéré comme déséquilibré, raconte avec un parfait sang-froid comment et pourquoi il a agi, et revendique hautement la commission du meurtre. On va néanmoins, et fautivement, le psychiatriser. Il semble que l’on ait oublié l’ethnopsychiatrie, qui se préoccupe précisément de ces questions. Une courte définition: L’ethnopsychiatrie (ou psychiatrie transculturelle, de l’anglais transcultural psychiatry) est une discipline partageant objets et méthodes tant avec la psychologie clinique qu’avec l’anthropologie culturelle. L’ethnopsychiatrie s’intéresse aux désordres psychologiques en rapport avec le contexte culturel d’une part, les systèmes culturels d’interprétation et de traitement du mal, du malheur et de la maladie d’autre part.

  4. Autrement dit, si ces criminels sont trop difficiles à maîtriser en hôpital psychiatrique, il faut les déclarer irresponsables. Les plus irresponsables sont bien les prétendus « experts » et « juges » qui relâchent ces criminels dans la nature pour qu’ils continuent leurs assassinats d’innocents Francais.

  5. N’accueillerions nous pas une bonne partie de dérangés dans ce qui nous arrive , c’est à croire puisqu’assez souvent les auteurs sont classés malades , dans ce cas , ça craint pour nous .

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