La nouvelle maison du sultan Erdoğan

palais erdogan

La Sublime Porte a un incroyable talent. Dans la droite ligne des émissions bien connues sur les rénovations ou les constructions, nous découvrons aujourd'hui le palais de Recep Tayyip Erdoğan, dit le « reis », qui a emménagé en toute simplicité dans sa cabane de pêche de Marmaris, au bord de la mer.

L'histoire de ce palais de 300 chambres, construit par le célèbre architecte Şefik Birkiye, déjà choisi par le pouvoir pour dessiner plusieurs bâtiments officiels (dont la mosquée de la place Taksim, à Istanbul), ressemble à celle du château de Versailles. Jadis, en effet, le 8e président turc, un certain Turgut Özal, nom qui sonne (à tort) comme une mauvaise contrepèterie, avait choisi cet endroit pour y passer ses vacances, dans une petite maison donnant sur une crique. Rasée, elle a été remplacée, en 2019, par le chef-d'œuvre, honnêtement pas si mal, destiné au président turc.

Or, si le palais de Poutine, par exemple, a été photographié sous toutes les coutures, celui d'Erdoğan était demeuré sous les radars jusqu'à ce que son concepteur en partage les photos, voici quelques jours, sur son site Internet. C'est donc avec plaisir que l'on découvre cette immense bâtisse, que les présidents albanais et azéri connaîtraient déjà bien pour y avoir passé des vacances chez leurs amis les Erdoğan. Piscine pharaonique, plage privée en forme de croissant de lune (ça ne s'invente pas), pièces immenses et confort moderne. Ce n'est pas très « vieille Europe », mais c'est moins laid que beaucoup de pavillons modernes. Même construits pour des milliardaires, car l'argent n'achète pas tout.

Le plus remarquable est le mépris total du sultan pour les sujets d'affolement politiques du jour.

Souci de l'écologie ? On parle de 50.000 arbres déracinés, d'une plage comblée artificiellement par un « sable spécial ». On n'a pas entendu les Verts turcs, s'ils existent.

Exemplarité des dirigeants ? La Turquie, dont les contribuables viennent de financer le palais de leur président (une soixantaine de millions d'euros), traverse une grave crise économique.

Erdoğan, comme Poutine, comme Trump, comme sans doute Xi Jinping, impose sa richesse parce que le temps des rois bourgeois, gagne-petit, vivant fièrement comme des comptables, est révolu. Le temps des tyrans opulents, forts en gueule, misant beaucoup sur leur aplomb et étalant leur pouvoir par tous les moyens, est revenu. Ce n'est ni bien ni mal : c'est comme ça. C'est le Moyen Âge avec la 5G.

En France, le misérabilisme républicain, teinté d'un snobisme de rombière à l'égard de ces parvenus qui parlent fort, nous empêche de nous aligner. En tous les cas, bonnes vacances à M. Erdoğan dans sa villa de satrape avec ses amis dictateurs, et bon courage à M. Macron pour barboter, seul avec Brigitte, dans sa piscine, si ironiquement nommée « hors sol ».

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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