La politique française des « droits de l’homme », ou l’arroseur arrosé…

Xi Jinping, président de la République populaire de Chine, est en visite officielle à Paris. Et comme à chaque fois qu’un autocrate est officiellement accueilli en France, se pose la sacro-sainte question des droits de l’homme. En ce domaine, nous sommes devenus imbattables : toujours à donner des leçons au reste de la planète, même si nos bravades ne sont désormais plus qu’écoutées par un silence plus ou moins poli.

Un menu détail, au demeurant, ces « droits humains » n’ont rien de spécifiquement français, n’étant que succédanés de concepts anglo-saxons : Magna Carta, en 1215, Habeas Corpus, en 1679, et Bill of Rights, en 1689, premiers textes fondateurs censés garantir droits et devoirs du citoyen. Soit bien avant notre Déclaration des droits de l’homme de 1789. Un grand classique du suivisme de la France vis-à-vis de l’Angleterre. À eux les Beatles ? À nous les Martin Circus !

Plus sérieusement, certains voudraient que ces droits de l’homme puissent toujours nous tenir lieu de bréviaire, ces gens persistant encore à raisonner comme si l’Occident demeurait une puissance tutélaire ayant vocation à apporter ses lumières au reste de l’univers.

Avec l’avènement d’un monde multipolaire, les temps ont changé…

Cela n’est plus le cas aujourd’hui, le monde étant devenu - qu’on s’en félicite ou non - multipolaire. Certes, notre Quai d’Orsay sait malgré tout raison garder, l’institution demeurant assez forte pour survivre à un Bernard Kouchner, son ministre de 2007 à 2010. En revanche, celui qui ne s’est toujours pas bien rendu compte que l’époque avait changé demeure Raphaël Glucksmann qui, invité ce lundi 6 mai sur France Inter, déclare : « Xi Jinping n’est pas notre ami. […] Il est le principal soutien de la guerre de Poutine en Ukraine. » Et le même d’invoquer son inquiétude quant au sort des Ouïghours, cette minorité chinoise de confession musulmane persécutée par Pékin, car suspectée à la fois de terrorisme et de vouloir faire sécession de l’empire du Milieu.

Voilà qui est touchant de naïveté, le jeune Raphaël semblant ignorer que les nations n’ont pas plus d’amis que d’ennemis, mais seulement des intérêts. Et que ce néo-colonialisme moral est encore plus insupportable à un « Sud global » commençant à contester la tutelle occidentale que ne le furent jadis nos entreprises coloniales.

Quand Xi Jinping en appelle à l’Histoire de France…

Et Emmanuel Macron, dans tout cela ? Nul doute qu’il usera de son fameux « en même temps », entre litiges commerciaux avec la Chine et arrière-pensées géopolitiques, tout en sacrifiant au rite du rappel au règlement en matière de « droits de l’homme ». Soit tout l’art de tendre la main à l’interlocuteur tout en refermant la porte sur la sienne, prenant ainsi le risque de n’être guère entendu, que ce soit d’un point de vue moral ou commercial ; et, surtout, diplomatique.

De fait, le président Xi Jinping a beau jeu, dans une tribune publiée ce 6 mai dans Le Figaro, de faire remarquer : « Il y a soixante ans, le général de Gaulle, avec une vision stratégique, a pris la décision d’établir des relations diplomatiques avec la Chine nouvelle, décision difficile, tant elle exigeait un esprit d’indépendance en pleine guerre froide, mais juste et visionnaire, comme les faits l’ont prouvé. »  Et pourtant, l’homme de l’appel du 18 juin était à peu près autant philo-communiste qu’un Winston Churchill s’étant rapproché d’un Joseph Staline, quand la situation de l’époque l’exigeait. Soit la realpolitik consistant à faire au mieux, à conclure les accords qu’on peut, histoire de plus opter pour le préférable que le détestable.

Aujourd’hui, ne demeurent plus que les rituelles incantations moralisantes, ceux qui font mine de nous gouverner oubliant, au passage, que la politique des droits de l’homme ne saurait tenir lieu de politique. Surtout lorsqu’à ce petit jeu, d’autres pays nous reprochent de vouloir conserver nos confettis d’empire, de Nouvelle-Calédonie en Antilles, de Réunion en Polynésie, nous faisant remarquer qu’au nom de ces mêmes droits de l’homme, il ne serait pas inopportun de rendre leur indépendance à ces peuples jadis conquis par la force. Bref, à malin, malin et demi. Surtout avec des Chinois ayant inventé le jeu de go. Il n’est pas sûr qu’à ce dernier, Emmanuel Macron soit le mieux armé.

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