[Point de vue] La préférence nationale, une « ligne rouge » infranchissable ?

Sylvain Maillard, président du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, était ce mardi l’invité de la matinale de Sonia Mabrouk sur CNews-Europe 1. C’est courageux, dans sa situation, que d’aller faire le zozo sur les plateaux quand on est en train de négocier - de mégoter, même - avec Les Républicains pour produire une loi immigration qui tienne à peu près la route.

La brillante journaliste a terminé son entretien par une question un petit peu malicieuse : « quels mots avez-vous pour les LR ? », puisqu’en dépit des farouches dénégations de Monsieur Maillard, ce sont bien eux qui donnent le ton de ce nouveau projet de loi.

CMP : "la préférence nationale ça n'existe pas chez nous, c'est une ligne rouge" affirme @SylvainMaillard dans #LaGrandeITW sur #Europe1 pic.twitter.com/pahIgmfdHm

— Europe 1 (@Europe1) December 19, 2023

Pour que Macron ait son projet avant Noël, il faut bosser, il faut conclure. Alors Sylvain Maillard leur demande de respecter l’accord qu’ils ont passé, c’est-à-dire, en substance, de ne pas en rajouter, de ne pas être trop à droite. Parmi les points qui inquiètent le député macroniste, il y en a un qui est tout particulièrement terrifiant : la préférence nationale. Vous ne rêvez pas, amis lecteurs : on est en France, en 2023, et certains parlent encore de préférer les Français aux étrangers ! Non mais sans blague.

Sylvain Maillard le rappelle d’ailleurs sans détour : la préférence nationale est une « ligne rouge » infranchissable. « Ça n’existe pas chez nous ». Bref, qu’on en reste à ce qu’on avait dit, n’est-ce pas : un texte vaguement rigoureux sur la forme, totalement démissionnaire dans le fond. Croûte molle, cœur coulant : ce n’est pas un projet, c’est un Caprice des Dieux®.

Ce sondage qui dément les propos de Sylvain Maillard

Le problème, ce n’est pas seulement cet arrangement nul, d’un autre temps, entre politiciens. Non, le vrai problème, c’est que ces partis antédiluviens ne sont pas tout à fait raccord avec l’opinion publique. Un sondage CSA pour CNews, rendu public le 16 décembre dernier, révèle en effet que 73 % des Français estiment que « les droits sociaux ne doivent pas être les mêmes pour les Français que pour les étrangers non européens ». On dirait bien une sorte de préférence nationale, non ? En tout cas, c’est à s’y méprendre. C’est même le cas de 72 % des sympathisants de Renaissance et de 84 % des sympathisants LR. Ne pourrait-on pas les écouter un peu ? C’est le peuple, après tout. On appelle ça la démocratie représentative.

Vous n’y êtes pas. On s’en fout bien, du peuple. Quand il ne vote pas comme il faut, le peuple, on signe à sa place. On l’a bien fait en 2005. Quand il se fait massacrer par des étrangers, le peuple, on a soin de ne pas appliquer les OQTF et de lui interdire de se révolter. Qu’il la ferme, le peuple ! Qu’il se laisse remplacer par l’Afrique et insulter pas ses élites ! On ne lui demande pas son avis. Non, ce qui est vraiment important c'est de pouvoir se mettre d’accord sur quelques mesures cosmétiques, pour peu qu’on laisse rentrer chaque année, en France, l’équivalent de la ville de Toulouse (pour ne parler que des entrées légales).

En vérité, il n’est que temps de franchir cette prétendue ligne rouge, que près des trois quarts de la population appelle de ses vœux. La cote d’alerte est largement franchie, et ce n’est pas une poignée de Sylvain Maillard et de députés prétendument républicains qui arrêteront l’immense ras-le-bol d’un peuple opprimé depuis trop longtemps. Vivement les Européennes.

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