La réforme de l’orthographe de nouveau sur le tapis…

Éliminer les difficultés de la langue française pour ne plus y être confronté est une démarche bien singulière.
faute d'orthographe illettrisme 2019-06-07 à 12.14.40

J'ai beaucoup de respect pour les linguistes, quand ils savent rester modestes, mais je dois avouer que le collectif « Les linguistes atterré(e)s » me consterne. Plusieurs dizaines d'enseignants, universitaires et personnels de la culture ont publié, dans Le Monde du 15 octobre, une tribune intitulée « Pourquoi il est urgent de mettre à jour notre orthographe », préconisant une application beaucoup plus large des rectifications orthographiques de 1990.

La question de la réforme de l'orthographe revient régulièrement sur le tapis ; mais, alors que la langue française est gangrenée par l'écriture inclusive, on peut se demander si cette tribune ne constitue pas, quelles que soient les intentions de leurs auteurs, une nouvelle étape dans la déconstruction de notre patrimoine. On peut reconnaître dans les signataires certains noms qui font penser que cette tribune pourrait bien avoir, pour quelques-uns, des objectifs militants.

Elle commence par une amorce ironique qui tente de persuader le lecteur qu'une évolution de l'orthographe s'impose : « Sommes-nous forcés d’écrire à la plume, de lire à la bougie ? Et pourtant, partout, on nous impose de lire et d’écrire avec une orthographe de 1878, oui, 1878. » Quel scandale, n'est-ce pas ? Et de demander « à nos institutions, mais aussi aux médias, aux maisons d’édition, aux entreprises du numérique, de nous offrir des textes, des messages, en nouvelle orthographe, et d’aller plus loin dans cette voie ». Avec un tel environnement, il sera difficile de résister.

Le 17 octobre, à la suite de cette tribune, France Culture a consacré une émission à l'enseignement de l'orthographe, interrogeant Anne Abeillé. Cette linguiste distinguée rappelle qu'au fil de l'Histoire les orthographes ont évolué comme les règles grammaticales – ce qui est vrai – et souhaite qu'on procède à une réforme de plus grande ampleur, en y associant toutes les communautés francophones – ce qui est plus discutable. Si vous l'écoutez, vous vous rendrez compte que la journaliste qui l'interroge fait preuve de plus de bon sens que cette universitaire.

Prenant l'exemple du participe passé avec le verbe avoir, qui s'accorde avec le complément d'objet s'il est placé avant le verbe – encore faut-il savoir ce qu'est un C.O.D., ce qui tend à se perdre –, elle estime que « c'est devenu pour les enseignants quelque chose de difficile à transmettre et les élèves ne le maîtrisent pas quand ils arrivent en sixième ». D'où, pour les enseignants, une « perte de temps », qu'ils pourraient « consacrer à la distinction du participe passé et infinitif ». Si l'on comprend bien, il faudrait supprimer les difficultés dans l'apprentissage de la langue française.

Il est étonnant de voir comment des personnes qui se sont fait un nom, notamment grâce à leurs qualités d'écriture, s'empressent de brader une compétence qui leur a permis de réussir. Il est vrai que cette démarche est courante chez les intellectuels, qui aiment à cracher dans la soupe qui les a nourris. J'y vois, pour ma part, une certaine condescendance à l'égard de ceux qui n'appartiennent pas à leur cercle, un renoncement devant la difficulté et, peut-être même, un brin de snobisme.

Les stoïciens antiques considéraient qu'il est aussi grave de commettre une faute d'orthographe que de commettre un crime car, dans les deux cas, on s'éloigne de la perfection, qui doit être recherchée. Éliminer les difficultés de la langue française pour ne plus y être confronté est une démarche bien singulière. Avec un tel principe, on renonce progressivement à tout, dans tous les domaines, à sa langue, à sa culture, à tout ce qui fait que la France est la France. Mais c'est peut-être le but, sciemment ou non, recherché...

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

46 commentaires

  1. Normal que l’orthographe traditionnelle revienne sur le tapis : Les suppôts de chacun des deux mondialismes (« Internationale socialiste » et « capitalisme exclusivement financier ») croyaient l’avoir valablement démolie, mais elle résiste encore !
    Et « ils » remettront sans cesse sur la planche leur ouvrage de destruction nationale en tous domaines aussi longtemps que notre « parler » quotidien ne sera pas devenu un genre de « pidgin » anglo-saxon.
    Qu’en pensent tous ceux, de toutes cultures, qui par le monde se souviennent encore, que la langue Française fut la langue diplomatique par excellence , tant par sa précision que par la culture qu’elle recouvrait ?

  2. Ceux sont les mêmes qui écrivent en écriture inclusive impossible à l’oral, qui intègrent partout « les françaises et les français », « toutes et tous », « les clients et les clientes » « celles et ceux » . Mais veulent supprimer « ph » car trop long à écrire peut-être pour éléphant, supprimer le h de haricot.

  3. Entièrement d’accord avec Cyaxare et Smartlady!
    Cependant, je suis enseignante, et j’aimerais qu’on arrête de mettre tout le monde, et dans tous les domaines, dans le même panier! Je signale que j’ai – moi avec mon statut d’enseignante – relevé de nombreuses erreurs, dans l’article et dans les commentaires, mais que j’essaye d’être tolérante sur certains points, tout le monde n’étant pas parfait…..

    • Entre des erreurs, comme vous dites, et une façon d’écrire en phonétique qui semble être le niveau transmis aux jeunes générations, il y a un juste milieu, semble t-il….

  4. Bof, la réforme de la grammaire, de la syntaxe et du vocabulaire se fait toute seule… Quand les parleurs officiels et les publicitaires confondent « supporter » avec « soutenir », « près de » et « prêt à », « risquer » avec « avoir des chances », etc., on est déjà à des années lumières de la dictée de Prosper Mérimée !

  5. Les chimistes utilisent toujours la loi de Lavoisier qui date de 1777 et les mathématiciens le théorème de Pythagore qui date officiellement de 2500 ans et dont on a trouvé des traces, récemment, datant de 3500 ans. Et personne ne se plaint de quoi que ce soit! On voit bien la différence entre scientifiques et littéraires: les premiers ont la nature face à eux et ne peuvent donc tricher. Ils sont condamnés à travailler dur. Les autres ne sont, in fine, au moins ceux qui veulent changer l’orthographe, que des fumistes trop payés pour ce qu’ils sont.

  6. C' »est ce genre d’enseignants qui a formé les nouvelles générations de fumeurs de chichons et de teffeurs…
    ça rappelle la fable du renard et des raisins. Le renard dénigre les raisins parce qu’ils sont hors d’atteinte…
    Les jeunes générations sont nulles en orthographe parce que formées par de brillants pédagogues utilisant de brillantes pédagogies ! Cela participe du climat actuel de soumission et de renoncement….

  7. La solution pour aider les enfants à mieux comprendre? Un minimum de latin et de grec obligatoire pour ceux qui se destinent à enseigner le francais.

  8.  » les détails font la perfection, et la perfection n’est pas un détail » ! fort de ce constat auquel j’adhère à 300% je ne parviens pas à comprendre que des gens soit disant éduqués, cultivés, n’aient pas pris la mesure de ce qui les distingue du lisier !
    La grammaire française est comme sa langue, riche et complexe, mais absolument à préserver pour continuer à pouvoir accéder à la compréhension de sa littérature, sinon, effectivement, laissons nous allé à l’appauvrissement de l’expression orale et écrite, et le français comme le reste disparaitra !

  9. De toutes façons vu « la grande » connaissance du Français et de ses règles de beaucoup « d’enseignant.e.s » il est inutile de réformer notre belle langue. Ils, elles (ciels) le font journellement il n’est qu’à voir les résultats scolaires de nos petites têtes, désormais, plus que diversifiées. Nul besoin du savoir d’intellectuels gauchistes, bon chic bon genre, prônant la dilution de la France dans l’océan du néant.

  10. Mes grands parents, ouvriers et fiers d’être titulaires du certificat d’études primaire maîtrisaient l’orthographe, la grammaire, le calcul et avaient une culture de base en histoire et en géographie. Serions nous devenus des idiots au point de vouloir écrire « ortografe » de la sorte, se référer à son portable pour additionner trois chiffres et être devant un participe passé comme une poule devant un couteau ? Un objectif monsieur le ministre de l’instruction publique, faîtes simplement en sorte qu’e nos enfants ne fassent plus honte à leurs aïeux quand ils entrent au collège, même si cela semble inatteignables à certains, se pensant beaux esprits.

  11. Déjà avec une langue quelque peu châtiée bien des ne parviennent plus à se comprendre alors si les mots perdent de leur sens par le simple oubli de leur origine… Et c’est déjà le monde dans lequel nous vivons et qui se traduit pas incompréhension et… bien plus grave, dissensions. Et jusque bien plus encore !

  12. Soyons directes et objectifs. Nous sommes en présence d’une fainéantise intellectuelle et d’un aveu de défaut de formation des enseignants. Ce qui s’inscrit dans la France décadente. Depuis quand l’apprentissage de l’accord du participe passé avec avoir est-il difficile à enseigner et à comprendre ? Depuis que certains français ont un poil à pousser au milieu de leur paume. Ils repoussent le travail , la difficulté, l’effort, le tout à ranger au placard. Des individus à associer aux assistés professionnels, qu’ils soient dits intellectuels ou pas. D’ailleurs, le sont-ils vraiment ? Où sont-ils en recherche du paraître, de soigner leur égo , d’inscrire leur petite personnalité dans l’histoire du temps ? Laissons les académiciens à leurs devoirs.

    • Si la fainéantise n’était qu’intellectuelle ! Heureusement certains ont encore du courage, mais parfois comme je l’ai vu ils sont fortement critiqués !

  13. Les enseignants ne sont pas au niveau. ils veulent donc placer le panier de basket à 1 mètre du sol pour que ce soit plus facile

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