La République inénarrable d’Emmanuel Macron et Alexandre Benalla

L’on a du mal, désormais, à suivre l’avalanche d’informations concernant l’affaire Benalla. Des révélations par la presse « mainstream » dont le dixième aurait fait sauter plusieurs ministres dans n’importe quelle démocratie - et pas forcément une république ! - qui ne se pousse pas du col pour donner des leçons à l’univers tout entier, comme savent si bien le faire nos donneurs de leçons professionnels. En fait de « République inaltérable », pour reprendre l’expression d’Emmanuel Macron, nous donnons au monde l’image d’une République inénarrable !

Cette affaire, à bien y regarder, n’est pas une péripétie de la saga macronienne. Elle est, au contraire, révélatrice de ce qu’est la quintessence du macronisme. Souvenons-nous de ce que disait Emmanuel Macron à la jeunesse indienne en mars dernier : “You see? One last advice: never respect the rules.” ("Vous voyez ? Un dernier conseil : ne respectez jamais les règles.") Certes, on peut faire dire n’importe quoi à un propos enlevé de son contexte, mais tout de même. Ne jamais respecter les règles : on va en parler à Édouard Philippe avec son 80 km/h !

Avec Emmanuel Macron, nous sommes donc servis plus qu’à notre tour pour ce qui est de ne pas respecter les règles.

Les règles ? Il y a les règles non écrites, celles que l’on pourrait appeler les convenances – et tant pis si ça fait bourgeois ! En clair, et pour faire court, Emmanuel Macron s’en moque. On ne réprimande pas un haut responsable devant ses subordonnés et, accessoirement, devant les caméras et des délégations étrangères. Emmanuel Macron s’en fout et traite le général de Villiers comme on sait. On n’humilie pas un ancien ministre, quoi que l’on pense de l’efficacité de sa politique, en lui commandant un rapport, puis en le lui jetant à la figure en disant, en gros, que son truc, c’était de la daube. Emmanuel Macron s’en fout et renvoie Jean-Louis Borloo comme un domestique. On ne transforme pas la cour du palais de l’Élysée en boîte de nuit. Emmanuel Macron s’en fout. Il est chez lui. On ne ridiculise pas la France, toujours devant les caméras – cette fois-ci, celles du monde entier –, en s’excitant comme un simple supporter dans la tribune officielle. Emmanuel Macron s’en fout, il se fait plaiz. La France perdait, qu’aurait-il fait : il arrachait sa chemise, se griffait le visage, cassait à coups de batte de baseball la limousine de Poutine ?

Il n’y a pas de règles pour Emmanuel Macron. On fabrique un lieutenant-colonel de 26 ans qui n’avait pas dépassé le grade de brigadier. Un lieutenant-colonel qui n’est même pas d’opérette : l’opérette, au moins, c’est sympathique ! Je pense à tous ces officiers qui ont blanchi sous le harnois après avoir franchi un à un les grades, comme l’avait voulu Bonaparte. On ne fabrique pas un sous-préfet de 26 ans dont on serait très curieux de connaître les diplômes et les connaissances en administration publique ; car tel était, nous dit-on, le projet envisagé à l’auberge du bon plaisir, sise rue du Faubourg-Saint-Honoré. Qui sait, on a peut-être échappé à la Légion d’honneur. Le ruban rouge au feu… de l’action.

Il n’y a pas de règles pour Emmanuel Macron. La République prévoit des agents de l’État, gendarmes et policiers, pour assurer la sécurité, la garde du corps du Président. Mais on fait appel à un agent privé. La fonction publique, ça aussi, c’est un truc dépassé, des règles, des freins, de la rigidité. Les fonctionnaires ont du souci à se faire… On ira au mieux-offrant, au moins-disant, comme on dit dans les affaires. Tiens, d’ailleurs, Benalla, pour l’instant, il est plutôt non-disant...

Les règles, c’est des limites, des bornes, des frontières. Pas de ça, dans la République inénarrable. Il n’y a pas de frontières, dans le monde d’Emmanuel Macron.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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