La résistance s’étend à nos assiettes : faut-il boycotter les restaurants russes pour soutenir l’Ukraine ?

restaurant

Si, pour Céline, « l’amour, c’est l’infini mis à la portée des caniches », que dire de l’actuelle et galopante russophobie, si ce n’est qu’elle peut faire figure d’héroïsme à hauteur de chihuahuas ?

Ainsi, de valeureux résistants du XVIe arrondissement parisien viennent-ils, hier, de lancer un cocktail Molotov sur la façade de la Maison russe des sciences et de la culture. Du coup, ce sont quelque soixante-dix établissements, situés dans la capitale et en ses proches environs, qui se retrouvent sous protection policière, sachant que malgré les rodomontades élyséennes, nous ne sommes toujours pas en guerre avec le Kremlin.

Dans un même élan humaniste, et toutes trottinettes électriques brandies, de nouveaux maquisards n’hésitent pas, au péril de leur vie, à boycotter les restaurants russes de Paris. Avec parfois des résultats approximatifs, à en croire RTL, qui nous dit : « Une chaîne de restaurants canadienne, spécialiste de la “poutine”, plat à base de frites, de fromage et de sauce brune, a essuyé nombre d’insultes et de menaces, des clients étant persuadés qu’il y avait un lien entre ce met québécois et le président russe. »

Un patriotisme gastronomique – même si il concerne des plats n’étant pas tout à fait de chez nous – qui oblige les forces de l’ordre à protéger deux autres restaurants parisiens aux noms pouvant prêter à confusion : La Cantine russe et La Table des Russes. Ils sont en permanence harcelés, couverts d’insultes vengeresses et de menaces téléphoniques, toutes anonymes, il va de soi. La marque des braves, en quelque sorte.

Évidemment, tout cela est fort sympathique et il faut bien que jeunesse s’amuse, même si elle rigolait sûrement moins en 1956, quand leurs parents et grands-parents attaquaient les locaux de L’Humanité pour protester contre l’invasion des troupes soviétiques à Budapest. À l’époque, les ouvriers du Syndicat du livre les repoussaient au plomb fondu jeté du haut des fenêtres, tandis que les médias dominants regardaient ailleurs, sans que personne ne prenne véritablement au sérieux ce chahut étudiant. Il est vrai qu’alors, les Russes étaient communistes ; ce qui valait forme d’excuse pour la gauche germanopratine. Ces derniers étant depuis redevenus russes, pour le pire et le meilleur, la fameuse « bienveillance » n’est à l’évidence plus de mise.

Toujours à propos de restauration, les enseignes Starbucks et McDonald's annoncent avoir coupé les ponts avec cette Russie de plus en plus honnie ; ce qui est au moins une bonne nouvelle, même si elle est plus d’ordre sanitaire que militaire, pour les populations concernées. On a décidément les luttes qu’on peut.

Au fait, la France n’a-t-elle pas été soumise au même régime quand, en 2003, les « French fries » furent accommodées à pareil boycott, au motif que le Président français d’alors, Jacques Chirac, refusait de nous laisser embarquer dans une énième croisade démocratique sous pavillon américain ? Là, c’était autre chose que le conflit russo-ukrainien, les USA ayant renvoyé par deux fois l’Irak à l’âge de pierre, en 1990 et en 2003. Avec, dans l’intervalle, un embargo aux conséquences humanitaires que l'on sait. Le tout a conduit aux bombardements occidentaux en Libye et en Syrie et à la création de l’État islamique, heureusement vaincu, entre autres factions, par les armées russes et iraniennes.

Le moins qu’on aurait pu faire, depuis la fin du siècle dernier, eût été au moins de bouder fast-food et films hollywoodiens, ou d’interdire des chaînes de télévision telles que CNN, comme on le fait aujourd’hui pour leurs homologues russes : Russia Today, par exemple, en guise de soutien aux peuples opprimés et affamés. Ce ne fut évidemment pas le cas.

À croire que les USA mangent à la carte, tandis que d’autres sont sommés de se contenter du menu. Soit un monde qui n’a rien pour nous mettre en appétit.

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

57 commentaires

  1. Ceci est le résultat d’une campagne de presse absolument faramineuse, et franchement russophobe.
    Mais les appels à la haine ne dérangent pas nos beaux démocrates.

  2. Il va falloir que mon beau frère laisse sa Lada Niva au garage s’il ne veut pas la retrouver incendiée, et que moi j’arrête de boire du thé russe, et la vodka va t’elle aussi être interdite ? Avec tous ces « courageux intellectuels » qui confondent un plat Canadien avec V. Poutine je doute fort qu’ils puissent situer l’Ukraine sur une carte, parce que vu le niveau…

  3. Et boycotter tout ce qui vient d’Ukraine tant qu’ils bombardent le Dombass .Ces humains valent ils moins que les ukrainiens ou autres humains ….

  4. pour boycotter il faudrait que la Russie soit coupable .
    pour ma part je ne les boycotterais pas car ils ne sont coupables que d’avoir attendu pour réagir au non respect des accord de misk !.
    certes Poutine n’y va doucement ,mais ne faut il pas tapé fort pour se faire entendre une bonne fois pour toutes .

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