La revue de Michel Onfray : vers un Front populaire ?
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Depuis la révolte des gilets jaunes, la question de la recomposition politique s’est posée, même si cela avait déjà été le cas après la victoire d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle de 2017. Seulement, ce problème est plus vaste dans la mesure où les images ont pris le pas sur les idées, ce qui a acté la mort du politique, celle-ci étant inhérente à de deux disparitions spécifiques à la modernité : celle de la philosophie et celle de l’Art. C’est, donc, dans ce sombre contexte que la revue du philosophe Michel Onfray voit le jour, dont le premier numéro doit paraître en juin. Et son titre, désormais connu de tous, ne manque pas de faire réagir, l’expression « front populaire » faisant référence à la coalition de gauche française de la période 36-38, coalition « antifasciste » à l’époque ! Ainsi, comme la tectonique des plaques idéologiques a fait du chemin depuis !
Mais pourquoi l’auteur du Traité d’athéologie (en 2005) entend-il poser les jalons d’une réconciliation (méta)politique entre la gauche sociale et la droite nationale, non sans difficultés, à l’image de son dernier débat avec l’éditorialiste Éric Zemmour sur CNews ? Il s’agit bien de cela face au carré idéologique dont les quatre côtés sont respectivement la gauche sociale, la gauche sociétale, la droite libérale et la droite nationale, ce par quoi est apparu un extrême centre électoralement solide – un bloc bourgeois très visible à l’issue des deux derniers scrutins, européen et municipal – vampirisant l’exigence de justice sociale ainsi que le besoin d’identité nationale.
Pourtant, la guerre des idées (d’inspiration gramscienne) était déjà engagée, principalement dans le camp national, avec un arc de cercle très large partant de la Nouvelle Droite, avec Éléments pour la civilisation européenne (depuis 1968 !), aux libéraux-conservateurs, via notamment L’incorrect (depuis septembre 2017), sans oublier évidemment Boulevard Voltaire, TV Libertés, Radio Sputnik, RT France et Putsch Média, ces plateformes numériques ayant germé en réaction à la radicalisation de l’ordre libéral-libertaire, ce dernier dénué, par essence, de sensibilité sociale et de sagesse intellectuelle, voire spirituelle. Bref, une jonction souhaitable, bien que difficilement réalisable, en particulier lorsqu’il s’agit de trancher entre la souveraineté et l’identité.
En attendant, notre dernier philosophe, à l’œuvre foisonnante depuis la parution du Ventre des philosophes en 1989, incarne, avec talent, un capitalisme de l’intellect : tout savoir et tout enseigner au nom de l’encyclopédisme des Lumières. En revanche, il ne saurait y avoir de deus sans machina, les systèmes les mieux huilés finissant toujours par générer un grain de sable inespéré. De plus, est-il vraiment possible de faire fi du poids de la sociologie ? Puisque, jusqu’à présent, les populations de gauche sociale et de droite nationale tendent à s’exprimer de moins en moins dans les urnes. Par ailleurs, dans un monde où le Nord et le Sud ainsi que l’Est et l’Ouest se confondent lentement et sûrement, les repères tant géopolitiques qu’idéologiques s’annihilent : le « village global » est baroque ou n’est pas.
En l’occurrence, pourquoi ne pas penser plutôt un nouveau situationnisme ? Repenser cette philosophie selon laquelle la mise en scène et sa publicité déterminent les modes de réflexion à l’échelle des masses, à l’aune des travaux de Guy Debord. Parce que, pour l’heure, le XXIème siècle n’est pas métapolitique, mais métaphysique.
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