[La semaine média] Slimane à l’Eurovision, un choix très politique

Slimane

La patronne des divertissements de France Télévisions, Alexandra Redde-Amiel, le martèle : choisir Slimane comme représentant de la France à l’Eurovision 2024 était une « évidence ». La décision prise unilatéralement et annoncée en grande pompe, mercredi 8 novembre, sur France Inter, ne devait faire aucun pli. D’ailleurs, Alexandra Redde-Amiel n’avait pas oublié de se munir de sa petite fiche pour justifier son choix et convaincre les auditeurs encore sceptiques : « Parce qu’il a plus de deux millions d’albums vendus à son actif, parce qu’il a plus de deux milliards de streams dans le monde, parce qu’il a eu cinq prix aux NRJ Music Awards et parce qu’il a une Victoire d’honneur », récita-t-elle à l’antenne de la radio publique. « Ce qui est important, c’est que c’est un artiste avec une carrière. » Rien à voir avec un choix idéologique, donc. « Je vais être très claire sur cette question : l’Eurovision est non politique. C’est très important. La réglementation de l’Eurovision, c’est des valeurs de fraternité, des valeurs de rassemblement des cultures autour de la musique. Et je crois que c’est essentiel, dans ces temps un peu sombres, que la musique soit là. »

Chapeau bas à Léa Salamé, qui réussit à écouter ce jargon mensonger sans éclater de rire. C’est à croire que le chef de la délégation française à l’Eurovision n’a pas regardé sa propre émission depuis quelques décennies. A-t-elle oublié l’exclusion de la Russie et la victoire parfaitement imméritée de l’Ukraine en 2022 ? Les drapeaux palestiniens en Israël lors du concours 2019 ? Les votes truqués de l’Azerbaïdjan en défaveur de l’Arménie en 2009 ? Les sempiternelles alliances géopolitiques entre pays d'ex-Yougoslavie ou d'ex-URSS ?

Un candidat consensuel… à première vue

Du côté du premier intéressé aussi, on la joue apolitique et rassembleur. Il faut même reconnaître que Slimane tient, depuis sa nomination, un discours d’amour de la France aux accents de sincérité. « Je ne fais pas l’Eurovision pour être plus connu. Je le fais pour représenter mon pays », déclare-t-il. Même s’il ne peut s’empêcher d’évoquer à tout bout de champ ses origines immigrées, le chanteur prend soin de souligner aussi son attachement à son pays. « Mon grand-père est venu d’Algérie en France pour travailler dans une mine à charbon. […] Me dire que son petit-fils va représenter la France avec une chanson qu’il a composée et qui parle de romantisme, d’amour à la française, je trouve ça beau. »

Mais ce discours équilibré est-il vraiment spontané ? L’adoption d’une parole consensuelle ne serait-elle pas plutôt une condition imposée par France Télévisions ? Au vu d’anciennes prises de position tranchées du chanteur, la question n’est pas farfelue. Il n’y a pas si longtemps, en effet, Slimane avait suscité la polémique sur les réseaux sociaux. C’était lors de l’affaire Nahel. « Être horrifié par les images du meurtre de Nahel, ce n'est pas être contre la police, c'est être horrifié par le symbole d'une République qui tue nos frères, nos enfants », avait-il réagi, sur sa page Instagram. Au-delà de l’accusation de « meurtre », qui relève de la pure diffamation, c’est l’adjectif possessif « nos » qui interroge. Quels sont ces « frères » et ces « enfants » qui seraient tués par la République française ? Quelle est cette famille à laquelle appartiendrait Slimane ? Un esprit chagrin pourrait y voir la marque d’un communautarisme ethno-religieux qui n’est pas vraiment dans l’esprit de l’Eurovision et de ses sacro-saintes valeurs de fraternité et de rassemblement…

L’idéologie avant tout

France Télévisions est-elle passée à côté de cette polémique ? N’a-t-elle pas entendu parler, non plus, des autres prises de position de Slimane, comme son soutien aux migrants dans la chanson « Petit Pays » ou le lancement de Cousin.e.s, sa marque de soins capillaires non genrés destinée à mettre en lumière « la beauté de la diversité » ? Bien sûr que si.

On peut même suspecter que c’est précisément en raison de ces engagements politiques qu’il a été choisi. Entre ses origines, sa notoriété, sa dénonciation des « violences policières » et sa défense des migrants, l’artiste coche toutes les cases du candidat Eurovision parfait. Twelve points go to… Slimane!

https://www.youtube.com/watch?v=niaeTRN-NDs

Jean Kast
Jean Kast
Journaliste indépendant, culture et société

Vos commentaires

45 commentaires

  1. Peine perdue pour sa marque de soins capillaires non genrés pour les femmes qui doivent cacher leur chevelure. Non genrés ? C’est exactement le contraire.

  2. « … soins capillaires non genrés destinée à mettre en lumière « la beauté de la diversité ».
    Mais où vont-ils puiser ces idées saugrenues ? Ça m’échappe totalement.

  3. Encore un bon représentant de La France et nous terminerons dans le peloton de queue et c’est tant mieux pour cette émission politicarde.

  4. Deux poids deux mesures , le sport n’est il pas un vecteur de fraternité pourtant France télévision a applaudi l’exclusion des athlètes russes de toute les compétitions.

  5. Enfin quoi êtes-vous devenu fou , la France n’est quand-même pas représentative de ce type ! Il n’y a pas des français qui sortent des conservatoire ? A part gueuler des inepties sans talent il prétend nous faire comprendre quoi ? Et en plus on connait son amour pour la France qui lui a tout donné.

  6. Nous voilà rassuré !
    Car après l’organisation imposée aux français, surtout les parisiens, des JO 2024, la France n’aura pas à nouveau à claquer un pognon de dingue pour organiser l’eurovision.
    Ouf !

    • En parlant de pognon de dingue, c’est un sujet dont personne ne parle ! Serait ce tabou ? Est que nous pourrions savoir combien va couter au contribuable cette organisation des J.O ?

  7. Je ne connaissais pas les prises de position de Slimane, j’en prends bonne note, encore un artiste à zapper ! Article très intéressant Mr KAST, j’ai appris beaucoup de choses. Cela dit, je ne regarde jamais l’Eurovision, elle est trop nulle !

  8. Boycotte tout simplement . Cette émission ne mérite pas qu’on la regarde , c’est devenu une affaire politique plus rien à voir avec la culture ou le talent , du grand n’importe quoi .

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