La Turquie ou le rêve d’un nouvel Empire ottoman
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Erdoğan a un rêve : redonner à la Turquie sa puissance d’antan, celle de l’Empire ottoman. On oublie trop souvent que cet empire avait un but suprême : la destruction du monde chrétien. Au-delà de la conquête du Proche-Orient, et notamment de la Terre sainte, au-delà de la mainmise sur les Balkans qui l’entraîna jusque sous les murs de Vienne, au-delà de la maîtrise de la Méditerranée, la prise de Rome était l’ultime objectif.
Plusieurs califes se sont vus entrer à cheval dans Saint-Pierre de Rome transformée en mosquée, comme Sainte-Sophie à Constantinople en 1453. La résistance acharnée d’une partie de la chrétienté a anéanti ce rêve comme à Lépante ou à Otrante, où les crânes empilés des martyrs dans la cathédrale sont là pour témoigner.
Le déclin de l’Empire puis sa disparition ne furent qu’une parenthèse. La Turquie moderne et laïque fut encore plus sanglante : le génocide arménien et l’expulsion des nombreuses communautés grecques relevaient d’une volonté de pureté ethnique et religieuse que les Occidentaux n’ont pas voulu voir. Ils n’ont pas davantage réagi lorsque, dans les Balkans, la Turquie soutint activement l’armée bosniaque en l’islamisant en 1995. Il est vrai que les Américains et les Français étaient eux-mêmes avec les Bosniaques contre les Serbes.
Toutes les initiatives extérieures d’Erdoğan doivent se comprendre avec cette lecture de conquête politique et religieuse. On n’est pas Frère musulman pour rien.
C’est vers sa frontière sud qu’Erdoğan a jeté son dévolu à la faveur de la guerre en Syrie. En abattant le régime alaouite, il voulait contribuer au renforcement de l’espace sunnite dont il rêvait d’être l’arbitre et le protecteur. L’intervention russe anéantit ce projet mais la Turquie occupe toujours plusieurs pans du territoire syrien dans le nord et au nord-ouest, avec la maintenant célèbre province d’Idleb. Nul doute que, sans l’armée russe, la Turquie occuperait aujourd’hui la plus grande partie de la Syrie.
Mais elle est active sur deux autres fronts.
En Libye, tout d’abord. Erdoğan a passé un accord politico-militaire avec Sarraj, le Premier ministre reconnu par la communauté internationale, et qui est en guerre contre le maréchal Haftar, soutenu par la Russie. Ce dernier a reconquis les deux tiers du pays en partant de l’est. La Turquie a envoyé du matériel, des instructeurs et quelques milliers de miliciens islamistes retirés du front nord de la Syrie en échange d’une belle solde. Cette intervention, qui a permis la reconquête de plusieurs territoires n’est pas gratuite.
En échange, et c’est le deuxième front, la Turquie bénéfice de droits sur l’espace maritime libyen. Erdoğan étend ainsi les possessions maritimes de la Turquie, au mépris des droits de la Grèce. Cet accord n’a aucune valeur juridique mais il permet à la Marine turque de se promener dans toute la Méditerranée en prétendant être chez elle et en agressant régulièrement les compagnies pétrolières ou gazières, notamment autour de Chypre.
L’Europe et les États-Unis ont laissé faire, laissant Poutine être le seul rempart contre les ambitions ottomanes.
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