La victoire de Trump donnera-t-elle un élan décisif à la droite française ?
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Ce mercredi 6 novembre, six députés RN se sont attablés à la buvette de l’Assemblée nationale autour d’une… bouteille de champagne. Une manière de provocation vis-à-vis des voisins de table LFI, mais pas seulement. L’éclatante victoire électorale de Donald Trump, après quatre ans de pouvoir de la gauche et une campagne médiatique de démolition incessante, est inattendue. Mais donnera-t-elle un élan décisif à la droite française ? Zemmour, Maréchal ou Ciotti se sont mis immédiatement dans le sillage de l'élection de Donald Trump (voir l'article d'Aliénor de Pompignan).
Au contraire, Marine Le Pen a réservé un accueil très prudent, presque distant à l’évènement : les Etats-Unis vont « défendre de manière plus vigoureuse leurs propres intérêts, il va falloir que l’Europe se réveille et défende les siens », a-t-elle écrit sur X. Pour l’euphorie délirante, on repassera… Pourtant, Marine Le Pen s’était clairement affichée comme un soutien de Trump lors des dernières présidentielles américaines, en 2020. Cette fois, elle « n’a pas voulu afficher de soutien franc à Trump pour poursuivre son entreprise de dédiabolisation », nous décrypte le politologue Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La Revue parlementaire et auteur du livre Aux portes du pouvoir - RN, l'inéluctable victoire ?, paru en avril dernier chez Michel Lafon. Car il ne fait pas bon se tenir aux côtés du diable Trump lorsqu’on veut se normaliser auprès des élites françaises.
Le Pen se normalise, Trump fait l'inverse
La diabolisation est en effet un des points communs qui réunit Trump et Marine Le Pen parmi les parias. Dans leur patrie respective, tous deux sont perçus comme de dangereuses menaces par l’établissement qui agite l’épouvantail d’une « extrême-droite » fantasmagorique, gonflée de toutes les peurs irrationnelles disponibles sur le marché pour effrayer l’électeur.
Mais alors que Marine Le Pen poursuit sa stratégie de normalisation, Trump a tout fait pour… l’éviter. « Cette élection montre que la normalisation n’est plus nécessaire pour accéder au pouvoir aux Etats-Unis, remarque Arnaud Benedetti, mais la société américaine est différente de la société française ». De fait, dès les années 1980, Reagan et Bush ont réussi à accéder à la Maison blanche en dépit d’une puissante campagne de dénigrement de la gauche. En France, Marine Le Pen attend toujours le pouvoir.
« Pas besoin de cela »
Au fond, le RN considère que l’effet des élections américaines ne sera pas décisif en France, car la dynamique est déjà là. « On n’a pas besoin de cela, nous confie le député RN Philippe Ballard. Le wokisme a déjà commencé à reculer, les élites déconnectées sont rattrapées par la réalité, la mondialisation heureuse et la globalisation sont devenus des cauchemars, avec des industries fermées partout. Ce reflux est un vaste mouvement européen et mondial ». Par ailleurs, les sondages montrent que Trump n’est pas populaire en France, même parmi les électeurs du RN où moins d’un sur deux soutenait le candidat MAGA avant le scrutin. Pas d'intérêt électoral jusqu'ici.
Pourtant, les positionnements de Trump et de Le Pen sont proches : on retrouve dans leurs thématiques majeures le pouvoir d’achat, la sécurité, l’immigration et une autonomie revendiquée à l’international. L’adversaire de gauche est lui aussi très similaire, élitiste, wokiste et totalement déconnecté des classes populaires, en France comme aux Etats-Unis. Le Pen et Trump puisent l’essentiel de leurs électeurs parmi ces mêmes classes populaires. Et ils progressent étape par étape. Trump avait réuni plus de voix en 2020 qu’en 2016. Marine Le Pen monte elle aussi les marches scrutin après scrutin.
L'enjeu des classes populaires
Le fossé entre Trump et Le Pen se creuse lorsqu'on aborde la question cruciale du rôle de l’Etat dans l’économie. « Trump a subi l’influence d’Elon Musk, explique Arnaud Benedetti. Il tient un discours presque libertaire : pour lui, il faut remettre l’Etat à sa place, lutter contre la prolifération des normes de moins en moins bien supportées par les classes populaires. Le soutien d’Elon Musk a encore amplifié la dynamique libertarienne et anti-wokiste de Trump ». Pour le politologue, c’est clair : « Celui qui présente l’offre politique la plus proche de Trump, c’est Zemmour qui n’a d’ailleurs jamais varié dans son soutien. Eric Ciotti et Marion Maréchal sont aussi proches de cette ligne. Mais voilà, aucun de ces trois politiques n’a de prise sur les classes populaires »
La réélection de Donald Trump changera-t-elle la donne politique ? Pour Arnaud Benedetti, elle peut amplifier « l’effet désinhibant » du vote à droite pour ceux qui n’osent encore franchir le pas. « C’est un peu tôt pour le dire, cela dépendra de l’entame du second mandat de Trump. Mais cela pourrait avoir un impact sur la façon dont la droite va se reconstruire en France », dit-il. Un par un, les feux passent au vert.