La vie avec les gestes barrières
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Là ci darem la mano
« Il court, il court, le furet… Il a passé par ici, il repassera par là... » Pareil à ce furet, qu’il est insaisissable, corona ! Aussi, un arrêté préfectoral, assorti de cartes, a-t-il rendu obligatoire le port du masque, dans les zones urbaines de forte concentration. La carte de Paris, labyrinthique et fantaisiste, inclut la rue Mouffetard, la rue Princesse et la rue de Buci mais exclut les Champs-Élysées, la rue de Rivoli, le boulevard Haussmann. Seuls les piétons sont concernés, les brocantes, les marchés publics, les vide-greniers, mais non les usagers des « mobilités douces » qui, citoyens de passage, « ne font pas courir de risques de contact dans les voies qu’ils empruntent ». Donc si, sur votre mobilité douce - vélo ou trottinette -, vous parlez à une dame à un feu rouge, vous mettez votre masque. Et vous reprenez la route, sans masque. Bonjour, la galanterie ! À moins d’être à deux sur la trottinette. Pour appliquer cette mesure, on usera de pédagogie. Puis, s’il le faut, on verbalisera. Une autre mesure a été annoncée par le Premier ministre : la prolongation, jusqu’au 30 octobre, de l’interdiction de rassemblements de plus de 5.000 personnes. Avec la possibilité, pour les préfets, « de déroger aux interdictions, dans le plus strict respect des mesures sanitaires ». Nous voici rassurés.
Il est, dans l’opéra de Don Juan, une jolie déclaration d’amour : Là ci darem la mano (« Là-bas nous nous donnerons la main »). Au festival de Salzbourg, les spectateurs ont dit leur joie, dit Le Figaro, de revoir, sur scène, les chanteurs « autorisés à se toucher, s’étreindre, se prendre la main ». Et nous, quand pourrons-nous redire, sur le pont Mirabeau, les vers célèbres d’Apollinaire ? Hélas. Une publicité fait la promotion d’un masque bouche à bouche : un masque préservatif. Les grands-mères éloignent de leur cou les bras de leurs petits-enfants. Êtes-vous un porteur sain ? demandera-t-on, bientôt, à celui qu’on rencontre. Un symptomatique ? Un asymptomatique ? La traque est volatile. Les tests, filous, avec leurs faux positifs et négatifs. Nous nous lavons les mains à tire-larigot. Pas assez, pense le docteur Pelloux, qui voudrait qu’on le fît toutes les heures, selon France Info. D’ici qu’on s’aperçoive que trop se les laver nuit à nos défenses immunitaires. Pendant ce temps, la Russie dit avoir mis au point un vaccin, presque en phase 3, au nom prometteur : Sputnik.
Notre pays serait voué, désormais, « à la culture du masque ». On connaissait la Suite bergamasque de Debussy, inspirée des Fêtes galantes de Verlaine. Faudra-t-il sacrifier à vie au rituel japonais des mains jointes ? Au coude-à-coude, branché, dans les cérémonies laïques ? No contact. No word. La vie s’annonce prometteuse. Les 24 Heures du Mans sans spectateurs. Lourdes sans pèlerins. Le Parlement sans parlementaires. Les rues sans restaurants. Les hôtels sans clients. Les églises sans personne. Les magasins, la clé sous la porte. Les écoliers et les coureurs du Tour, les joggers et nos voisins, dans l’ascenseur, sans visages. Pour vivre heureux, vivons masqués !
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