La vie d’artiste sous perfusion publique : les jeunes en rêvent !

Le singe peintre, par Chardin (Wikipedia).
Le singe peintre, par Chardin (Wikipedia).

Ce lundi 13 mai, des élèves des écoles d’art et de design ont manifesté devant le ministère de la Culture à Paris, mais aussi dans plusieurs villes de province (Toulouse, Montpellier, Marseille, Aix-en-Provence…). Un mécontentement : le risque de fermeture d’un certain nombre d’écoles sur fond de restrictions budgétaires. Une revendication : la création d’un revenu continu d’artistes-auteurs, objet d’une proposition de loi qui va être examinée la semaine prochaine à l’Assemblée. Le point commun aux deux motifs : les étudiants veulent toujours plus d’État dans leur vie.

 

Une centaine d’écoles qui forment une « jungle »

 

Le déficit français est tel qu’il a fallu revoir à la baisse le budget 2024 du ministère de la Culture. Il n’est finalement « que » de 4.265 millions d’euros, après arbitrage de Bruno Le Maire. Dans la foulée, Rachida Dati a annoncé envisager la fermeture d’un certain nombre d’établissements parmi les 99 écoles d’enseignement culturel publiques, dont 45 écoles supérieures d’art et design : une « jungle », selon elle, avec plusieurs écoles « déconnectées de la réalité, y compris des débouchés ». Le ministre souhaite « des écoles performantes ». Cela passerait donc par des fermetures. Les étudiants préfèrent les garder toutes ouvertes et... improductives.

En réalité, les arbitrages en matière de budget ne concernent qu’indirectement les écoles. Les élèves plasticiens auraient eu davantage de raisons de protester contre la restriction du budget patrimoine (201 millions en moins) ou contre celle du budget création (96 millions en moins). Dati préfère sanctuariser le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » (dont le célèbre « pass Culture »). Nos églises, nos châteaux, nos manoirs, nos ponts, nos moulins, nos pigeonniers, nos calvaires, nos lavoirs peuvent s’écrouler - priorité au pass Culture !

 

Pour les artistes-auteurs, taxons le tabac

 

Actuellement, les artistes bénéficient du statut d’artistes-auteurs, avec cotisations à l’URSSAF et Sécu (on comptait 329.345 artistes-auteurs en 2022). Mais la vie d’artiste étant précaire, la gauche a lancé l’idée d’un salaire continu d’artistes-auteurs qui permettrait d’assurer un revenu aux artistes en période de vaches maigres - sorte de copie du statut des intermittents. Portée par une cinquantaine de députés PCF, LFI et socialistes, une proposition de loi envisage la création d’une « allocation de remplacement », «  proportionnelle aux derniers revenus d’activité couplée à un plancher forfaitaire ». Comme c’est une proposition de gauche, le mécanisme serait financé par une taxe. Une taxe additionnelle sur les tabacs, précisément. Il faudra donc encourager les gens à fumer davantage pour soutenir les artistes-auteurs dans la débine.

Les revendications des étudiants plasticiens et designers, celles des artistes, vont toujours dans le même sens : « plus d’État ». L’État formateur suivi de l’État salarieur. Leur idéal : une vie de cotisations plutôt qu’une vie de créations. Que ce soit « La Buse » ou « Le Massicot » (« Fédération syndicale des étudiant·es en écoles de création »), les différents syndicats ou collectifs qui mènent la danse main dans la main avec le PCF ne se préoccupent pas tant de la situation sociale des artistes - car il en faut une, bien sûr - que de transphobie, de racisme, de luttes transsectionnelles contre le capitalisme… Tout ce qu’il y a à gagner est une « sciencepoïsation » des écoles d’art, loin des préoccupations légitimes des étudiants et des artistes.

Depuis qu’ils ont perdu la main sur leur statut avec la fin des corporations, les artistes se sont retrouvés à la merci des institutions officielles (par nature peu créatives), des marchands (par nature âpres au gain), des critiques (par nature n’y connaissant rien) - quand ce n’est pas des trois à la fois… Est-ce en se mettant encore davantage à la remorque de l’État - quand bien même cela prendrait le doux nom d’« acquis social » - qu’ils retrouveront une quelconque marge de manœuvre pour recouvrer leur liberté ?

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

30 commentaires

  1. Je partage l’avis de la ministre de la culture. Il est primordial de privilégier l’ouverture de la culture au plus jeunes et le Pass Culture est un excellent outil qu’il faut généraliser à toutes les écoles du primaire au lycée pour permettre à tous les jeunes d’accéder à des activités dans le domaine de la culture en général qu’elle soit artistique et/ou scientifique. Par contre l’État doit se borner à son rôle incitatif et cesser de subventionner à tout va des activités qui ne trouvent pas leur public et qui ne servent pas l’intérêt collectif au sens strict. Là comme ailleurs dans notre pays il y a du ménage à faire.

    • Je crois qu’il est urgent de définir ce que l’on place dans la culture (intellectuelle, s’entend ). Trop de choses laides, vulgaires, sont reconnues comme culturelles. Les œuvres (obscène, comme Le vagin de la reine ) le rap, les bonnes femmes en plastique (je n’ai pas retenu le nom de « l’artiste »,l’arc de triomphe emballé et tant d’autres inepties ne devraient pas faire partie de la culture, mais du mauvais goût notoire.

  2. Sur le principe je ne suis pas contre, mais quels sont les vrais artistes potentiels et non des gens qui y trouvent un assistanat de circonstance et traineront toute une vie à ne rien faire de beau

  3. Il est bien normal que la gauche s’intéresse aux artistes. Elle a perdu pratiquement tous les travailleurs et c’est cette gauche d’artistes assistés qui lui fournit les bataillons pour organiser les manif anti RN.
    La statut des artistes et intermittents du spectacle est un scandale et personne ne propose d’y mettre fin.

  4. Ah ! il est loin le temps où les futurs grands peintres galéraient dans la vie de bohème, d’où n’émergeait qu’une élite, les médiocres s’éliminaient d’eux-mêmes.
    Aujourd’hui, la vie de fonctionnaire-assisté à remplacé la vie de bohème, il n’y a plus que des médiocres…

  5. Et quand on sait que c’est ces artistes (ou pseudo-artistes) sont les principaux clients des vendeurs de drogue (il parait que çà stimule la créativité), on constate que ces financements publics (en subventions ou en allocations) servent à alimenter indirectement l’insécurité !….

  6. Il y avait déjà les fameux « intermittents du spectacle » !
    Maintenant ils veulent les « intermittents artistes » !
    Sûrement pour rejoindre les clubs : « intermittents élus » et mieux encore « intermittents de gouvernement » !
    À qui l’tour ?

  7. Ils découvrent benoîtement que ce n’est pas facile d’envisager l’avenir au sein d’une entreprise ou d’un état en faillite. La gauche défend ces thuriféraires du genre de ceux qui sont costumés en noir dans les manifestations vivant pour bon nombre d’entre eux aux crochets de la France qui se lève aux aurores pour les nourrir et qui pour bon nombre ne parviennent pas eux-mêmes à joindre les deux bouts. Ma mère disait « pour un communiste l’égalitarisme c’est manger sa part de gâteaux et la moitié de celle de son voisin ». Aujourd’hui ces « artistes » pourraient bien se retrouver au pain sec, et ce n’est pas moi qui les plaindrais.

  8. France : Hôtel 5 étoiles grand luxe avec aides et assistanats en tous genres et même dégenrés, ascenseur social à tous les étages, services gratuits compris, personnels disponibles 24/24, 7/7. N’hésitez pas à venir visiter ce magnifique hôtel gratuit !!

  9. A chaque fois qu’un état vas mal, le premier touché est le secteur de l’art l’actualité nous le montre fort bien encore une fois.

  10. « les étudiants veulent toujours plus d’État dans leur vie » Et l’état, en tout cas, ceux qui le dirigent, adore mettre les gens dans sa dépendance car, ce qu’il donne, il peut le reprendre à ceux qui ne sont pas obéissants. Un état autoritaire déteste les gens indépendants, il a moins de prise sur eux. L’URSS est morte, vive l’UESS!

  11. Artistes ?! vous avez dit.Quand on ne vit pas de son art (parceque mediocre,vulgaire,offensant )on va au boulot ou on assume le statut de SDF

  12. Ces pseudos artistes qui vivent grâce à nos impôts et sur les taxes imposées aux œuvres étrangères.. exception culturelle française qu’ils appellent cela mais en économie cela s’appelle du PROTECTIONNISME….ou la fameuse préférence nationale qu’ils huent tant ….

    • Appliquons alors les mêmes méthodes dans tous les domaines et pour tous, subventionnons défiscalisons du patrimoine comme pour ces pseudos œuvres d’art vendus à prix d’or auprès de riches spéculateurs sachant parfaitement bien en profiter et qui les revendront sans aucunes plus-values à payer au fisc. Après tout il y a des artistes des créateurs des inventeurs dans tous les domaines dans les entreprises, dans l’artisanat surtout le commerce, même chez de nombreux particuliers anonymes qui créent qui invente chaque jour et qui eux payent à outrance…

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