La voie romaine : ces mères de prêtres « tradis » ont-elles convaincu le pape François ?

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En voyant arriver, à l’audience générale du 4 mai, cette délégation de mères de prêtres - 80 au total, dont 5 ont fait la route de Paris à Rome en entier -, le pape François a sans doute pensé à la sienne : Regina Marie Sivori.

Celles-ci sont âgées de 60 à 70 ans, mais pour leur fils, elles n’ont pas hésité, durant deux longs mois, à braver la fatigue, la chaleur, la pluie, l’effort et l’inconfort, traînant derrière elles une caisse frappée de l’inscription « voie romaine » contenant 2.000 lettres suppliant le pape de lever les restrictions au rite tridentin, contenues dans le motu proprio Traditionis custodes. Les suppliques ont été remises en main propre. Pour ces mères, comme elles l'expriment dans un communiqué de presse, « la mission » est donc « accomplie ».

En janvier 2015, dans un avion reliant le Sri Lanka aux Philippines, le pape avait prévenu tout de go que « quiconque insulterait sa mère s’exposerait à un coup de poing de sa part en retour ». Il sait donc ce qu’est une mère pour un prêtre et un prêtre pour une mère. Il sait aussi, peut-être, cette phrase de saint Pie X : « La vocation sacerdotale vient du cœur de Dieu, mais elle passe par le cœur de la mère. » La démarche de ces mères, qu’il a saluées aimablement en disant, un peu mystérieusement, « savoir » pourquoi elles venaient - même s’il n’a reçu de façon plus personnelle que l’une d’entre elles, Diane Sévillia -, n’a donc pu le laisser indifférent. Pas plus que n’a pu le laisser froid, au moment où il est passé place Saint-Pierre, le joyeux groupe derrière la bannière « Voie romaine », rassemblant les familles des marcheuses - époux, enfants, petits-enfants - venues les soutenir. Au passage, il a embrassé deux bébés qu’on lui tendait. Du baume au cœur des « cathos tradis », comme on les appelle, qui se sentent parfois dernière roue du carrosse, mal-aimés, et qui se demandent souvent ce qu’ils ont fait de si grave - en une époque de bienveillance générale frisant le relativisme - pour mériter une telle sévérité.

Rappelons le déroulé de ce qui ressemble à une valse à quatre temps, et n'en finit pas de faire tourner (en bourrique) Tradiland.

En juillet 2021, le motu proprio Traditionis custodes visant à limiter - et, in fine, à éteindre ? - le rite tridentin leur avait donné un gros coup sur la tête.

En décembre 2021, l’application concrète très restrictive qu’en avait donnée la Congrégation pour le culte divin avait fini de les démoraliser.

En février 2022, un décret signé de la main du pape confirmant l’exemption de la Fraternité Saint-Pierre - assouplissement qui pourrait être élargi ? - les avait au contraire un peu rassurés.

En avril 2022 (il y a quelques jours, donc), un entretien du pape avec la présidence des évêques de France les replongeait dans l’inquiétude : le pape n’avait pas évoqué l’idée d’étendre le décret aux autres instituts « tradis », encore moins aux prêtres diocésains susceptibles de célébrer de temps à autre. Ses recommandations rognaient même, à en croire la presse, sur les avantages accordés à la FSSP par ledit décret.

Cette ultime supplique portée par les mères de prêtres va-t-elle porter ses fruits ? Le pape va-t-il cesser de souffler le chaud et le froid et donner aux prêtres attachés au rite traditionnel la stabilité et la sécurité nécessaires à l’exercice de leur sacerdoce et à l’éclosion de nouvelles vocations ?

Les tradis, n'en déplaise à la façon dont les ressentent parfois leurs détracteurs, essaient de se faire petits : ils n’ont jamais attendu de l’Église que dans une encyclique « Digitus in oculo », selon la spirituelle formule de Mgr Duchesne, elle reconnaisse s’être passablement fourrée le doigt dans l’œil avec Vatican II. Même si, objectivement, il faudrait être aveugle, si l’on veut rester dans le registre ophtalmique, pour affirmer que tout a été une franche réussite… Mais au vu de leur dynamisme, de leur démographie et du nombre de leurs vocations, ils pourraient espérer, sinon un accueillant et miséricordieux motu proprio « Cum aperta armis » - « à bras ouverts » -, au moins la stricte mise en pratique de la recommandation de Jean-Paul II, durant sa visite à Paris en mai 1980, quand il était passé devant Saint-Nicolas-du-Chardonnet : « Laissez-les prier. »

En attendant, la France étant devenue terre de mission, y compris pour une autre religion autrement moins complexée de s'affirmer, le pape finira peut-être, à court, moyen ou long terme, par considérer qu'aucun renfort, d'où qu'il vienne, n'est superflu ?

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

26 commentaires

  1. Je ne partage pas l’avis « général ».
    Le motu proprio fut pour le moins maladroit, mais les « tradis », de facto, sont plus sécessionistes que rassembleurs. Les propos de G. Cluzel sur Vatican II en sont la meilleure illustration, qui voudraient jeter le bébé avec l’eau du bain.
    Le pape demande en fait que les « tradis » ne constituent pas une église de plus dans l’Église. Est-ce vraiment trop demander ?

  2. Quand on ne voit plus que la forme et qu’on oublie le fond, pour de basses considérations souvent matérielles, il ne reste plus qu’une coquille vide, le néant. Pauvre François !

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