L’abbé Pierre accusé d’agressions sexuelles : la prudence est-elle permise ? 

© Capture écran France 2
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Au lendemain de la publication du « rapport d’enquête » réalisé par le cabinet Egaé de la militante Caroline De Haas, qui accuse l’abbé Pierre d’agressions sexuelles, le couperet médiatique tombe. « Abbé déchu », « icône déchue », « un mythe rattrapé par des accusations d’agressions sexuelles »… S’il n’y a aucune raison de remettre en cause la parole des sept victimes et proches qui témoignent anonymement dans ce document et si ces victimes méritent la compassion de tous, plusieurs juristes s’inquiètent malgré tout du manque de prudence dans le traitement de cette affaire.

Une mission confiée à Caroline De Haas

À l’origine : un document de seulement huit pages, daté du 4 juillet 2024 et rendu public ce 17 juillet. Commandé par Emmaüs International, Emmaüs France et la fondation Abbé-Pierre, ce travail d’enquête a été confié à Caroline De Haas, une militante féministe aux méthodes controversées, et à son cabinet Egaé, « une agence de conseil, de formation et de communication experte de l’égalité entre les femmes et les hommes […]et de la prévention des violences sexistes et sexuelles ».

En 2023, Emmaüs France est « destinataire d’un témoignage faisant état d’une agression sexuelle » qui aurait été commise par l’abbé Pierre sur une femme. Afin de faire la lumière sur cette affaire, l’association mandate alors le cabinet Egaé qui, de mars à juin 2024, recueille la parole - de façon directe et indirecte - de victimes présumées et de témoins identifiés. Seules les questions « Avez-vous entendu parler d’autres faits ? » et « Avez-vous parlé de ces faits avec d’autres personnes ? » ont filtré. Le reste de la méthode employée et du contenu exact des entretiens est tenu secret. Au total, sept personnes - victimes et témoins - « font état de violences subies par des femmes de la part de l’abbé Pierre » entre les années 1970 et 2005. Le fondateur d'Emmaüs est ainsi accusé d’avoir eu des gestes non sollicités (« il lui a frôlé les seins », « il m’a touché deux fois les seins », « il me met la main sur le sein »…), d’avoir envoyé ou tenu des discours à caractère sexuel, d’avoir tenté des contacts physiques non sollicités ou encore d’avoir proposé une relation sexuelle. À peine ce rapport, sans valeur juridique, est-il publié que le tribunal médiatique s’emballe et cloue au pilori cette ancienne « icône française ».

Une « grande confusion »

« Je trouve que tous les éléments du dossier devraient être traités avec davantage de prudence », note toutefois, auprès de BV, maître Henri de Beauregard, avocat au barreau de Paris. « Il est question de témoignages anonymes, recueillis de manière non contradictoire, dans des conditions ignorées, parfois de manière indirecte par un cabinet militant sur des faits dont certains ont plus de 50 ans », explique l’avocat. En effet, comme précisé en préambule du rapport, « l’ancienneté des faits et le décès de la personne mise en cause […] empêchent d'appliquer le principe du contradictoire ». Par ailleurs, sans remettre en cause le contenu ni l’authenticité des témoignages, maître de Beauregard s’interroge sur la méthodologie employée. « On ignore tout de la méthode utilisée par le cabinet Egaé pour recueillir ces témoignages, des circonstances dans lesquelles ils ont été recueillis, des garanties prises pour s’assurer de leur authenticité, de la teneur des questions posées et de leur niveau de suggestivité… », confie-t-il à BV.

Enfin, le caractère militant du cabinet Egaé et de Caroline De Haas n’aura échappé à personne et pourrait nuire à l’impartialité du travail mené. En 2019, l’enquête réalisée par le cabinet au sein de la rédaction de Télérama conduit ainsi au licenciement de deux journalistes accusés « d’agissements sexistes » et de « harcèlement sexuel ». Seulement, l’un des deux obtient finalement la condamnation du journal aux prud’hommes pour « licenciement sans cause réelle et sérieuse ». Deux ans plus tard, au Conservatoire de Paris où le cabinet Egaé est engagé, les méthodes employées font a nouveau polémique. Une enquête à charge, une violation des principes du contradictoire, un manque de prudence et d’objectivité… « De manière plus générale, il y a un problème avec ces "cabinets" plus ou moins militants qui se livrent à des "enquêtes" sur le sujet qui justifie leur propre existence, sans réelle garantie procédurale », résume Henri de Beauregard.

Mais pour l’avocat, cette affaire révèle surtout le règne de la « grande confusion » médiatique et politique. « Je regrette la grande confusion que l’on entretient autour de ces affaires, et dont témoigne d’ailleurs l’usage du terme générique d’"abus". On efface totalement l’échelle de gravité, explique-t-il. Mais quand il est question d’apprécier un comportement déterminé, la compassion - bien légitime - pour les victimes ne peut pas tout emporter, y compris la distinction entre un viol caractérisé et un baiser volé. »

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

51 commentaires

  1. Accuser un mort par des anonymes qui ne présentent aucun indice de vérité, quelle magnifique courage de cette façons on peu aller bien plus loin dans de tels accusations pour ceux qui ne peuvent plus se défendre en aucune manière. Décidément une certaine population en France est nauséabonde.

  2. Ce linchage médiatique quand l’accusé n’est plus là pour se défendre est une honte. Le charisme de cet homme était évident et devait attirer bien des femmes. Stop à ces hypocrisies féministes. Toutes les femmes sont des saintes et tous les hommes sont des cochons. Quel homme normalement constitué peut résister aux avances de femmes amoureuses? Que sait on des circonstance de ces faits? Rien. Absolument rien. Et la présomption d’innocence dans cette affaire? Pourquoi les victimes ont attendu qu’il soit mort pour en parler? C’est une pierre de plus au complot généralisé contre l’église et la destruction de notre civilisation. Tous les curés sont des pédophiles et des violeurs! Voila un fond de commerce qui marche et qui fait vendre du papier . Merci à Boulevard Voltaire de montrer, une fois de plus, le manque de discernement et d’esprit critique de la presse bien pensante. A Lerte

  3. Le bit est sans doute encore une fois de salir l’Eglise Catholique…Si le jeune abbé de l’hiver 54 attirait la sympathie le répugnant vieillard coco de la fin de sa vie était devenu peu engageant.
    Tout est possible mais avoir attendu si longtemps pour parler de ces plaintes rend le tout suspect

  4. Caroline De Haas et son impartialité légendaire. Il ne manque plus que Clémentine Autain, Caroline Fourest et Alice Coffin pour former le tribunal révolutionnaire anti-clérical parfait.

  5. Cela me rappelle d’autres affaires, menées tambour battant par la justice, les instances de police ou de gendarmerie, les médias et plus; Mais qui au final se sont avérées totalement fausses. Sauf qu’elles ont détruit à vie les personnes, leurs familles, ciblées par des prétendus témoins, ou victimes. Laissons l’Abbé Pierre reposer en Paix. Honte à eux…

  6. Des témoignages et des accusations plusieurs décennies après et contre un homme décédé depuis des années, donc incapable de se défendre. Des preuves ? Pas vraiment. Cela peut mener à quoi ? On va exhumer les restes de l’Abbé Pierre pour faire parler l’ADN ? Une séance de spiritisme pour entrer en contact avec l’âme du défunt ? J’imagine que non. Certains pourront bien sûr arguer que l’Abbé Pierre était un homme blanc, probablement hétérosexuel, Français, chrétien de surcroît et qu’il portait un béret. Il est vrai qu’avec un tel faisceau de présomptions, il est bien difficile de croire à l’innocence du fondateur d’Emmaüs.

  7. L’Abbé Pierre sera surement canonisé, 17 ans après sa mort , il permet à des femmes de retrouver la vue et la mémoire, si ce n’est pas un miracle ça.

  8. il est décédé depuis 17 ans les faits reprochés remontent à des dizaines d’années, ça va changer quoi ce déballage ?

  9. Quelle étrange idée de la part de la Fondation Abbé Pierre et Emmaüs de confier ce genre d’enquête à une commissaire politique hystérique. Il est évident que la méthodologie ne relève nullement du contradictoire et pour cause ! Le principal intéressé n’étant plus là pour pouvoir se défendre.
    Je ne sais pas si l’Abbé Pierre a eu ou non des comportements répréhensibles aux yeux de son vœu de chasteté. Mais si la « morale » religieuse peut condamner un comportement précis, ce qui importe en démocratie c’est le code pénal. Or De Haas n’est ni juge ni avocat. Quant à son « expertise » elle l’exerce dans un domaine qui n’est reconnu par aucune faculté et qu’elle a inventé elle-même. Enfin, sauf erreur, en droit l’action de la justice s’éteint dès lors que le mis en cause est passé de vie à trépas.

  10. Une chose est certaine : cette caroline de haas a une parole qui tue !
    Spécialiste du montage de cabales cette nouvelle cible « Abbé Pierre » n’a est pas pour but de décrédibiliser les catholiques ? S’en prendre à cette icône, en particulier de la gôôôche, a t’il un sens profond ?
    Cette histoire est particulièrement honteuse, surtout 25 après la mort de cet homme et une fois de plus ces furies bafouent la présomption d’innocence et une fois de plus les médias sans scrupules alimentent la polémique…
    Robespierre aurait-il commis des agressions sexuelles ?
    À qui le tour ?

  11. Je ne supporte pas qu’on accuse un mort qui, pour cause, ne peut plus se défendre, par des victimes et des témoins anonymes pour des faits suffisamment anciens qui ont eu tout le temps pour remonter en surface et ne l’ont pas fait. Les accusateurs devraient être traduits en justice.

  12. C’est très à la mode, d’accuser les curés après coup de perversion. Et chez les imams et franc-maçons, pas d’enquêtes improvisées , non ?

    • Et après on s’étonne qu’il y a de moins en moins de prêtres (critiqué de toute part, vilipendé…) c’est dur pour un jeune curé qui débute dans une paroisse

  13. Aujourd’hui l’abbé Pierre demain jean Paul 2?..st Pierre ?.. moi jamais je ne remettrai en cause l’image que j’ai de ces hommes sur les dires 17 ans,40 ans ou 2023 ans après d’une militante ridicule..

  14. laisser donc cet homme reposer en paix . Quel âge peuvent avoir ses supposées victimes qui arrivent bien tard pour accuser un homme incapable de se défendre . Honteux de salir sa mémoire .

    • Tout à fait. Quel est l’intérêt de le dénoncer 17 après sa mort ? Pour une association censée aidée des personnes démunies puisse payer une société privée au tarif certainement prohibitif
      De plus, cet homme a consacré sa vie à défendre les pauvres, mais il reste un homme avec ses faiblesses, ses défauts et ses qualités ! Que celui qui n’a point pêché jette la première pierre !

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