L’Académie catholique de France dénonce le parti pris de la commission Sauvé

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Le rapport de la commission Sauvé, publié le 5 octobre, a fait beaucoup de bruit. Sous le projecteur des médias, il a provoqué une émotion légitime dans l'opinion. La Conférence des évêques de France, abasourdie, l'a totalement avalisé, adoptant la plupart des mesures qu'il préconisait. Le pape lui-même, dès le 6 octobre, l'a publiquement salué. On y a tout pris pour argent comptant, sans s'interroger sur les failles possibles. Étonnant, dans une société qui fait la chasse à l'infox, car si la vérité libère, le parti pris asservit.

Le Figaro vient de révéler une autre étude, qui ne fera sans doute pas, comme le premier, la une de tous les médias. Huit membres réputés de l'Académie catholique de France, dont Hugues Portelli, son président, et le philosophe Pierre Manent, qu'on ne peut accuser de mensonge ou de complotisme, tout en se déclarant entièrement solidaires des victimes des abus sexuels dénoncés, soulignent les « lacunes » du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE), « ses faiblesses méthodologiques » et « ses analyses parfois hasardeuses ».

Ils s'interrogent sur l'évaluation précise du nombre de victimes, déterminé par une extrapolation douteuse qui a conduit la commission Sauvé à lancer à l'opinion le chiffre de 330.000 victimes, « le seul chiffre retenu par les médias », résultant d'une estimation réalisée par un institut de sondage selon des méthodes contestables. Ils notent une absence de rigueur, « d'autant plus regrettable que les faits dénoncés sont extrêmement graves et entachent durablement l'honneur des institutions catholiques ». Ils ajoutent que « la fonction d'un tel chiffre est de clore la discussion » : il ne reste plus qu'à s'incliner devant les recommandations du rapport.

Ces membres de l'Académie catholique de France dénoncent aussi des « préjugés » de nature « idéologique » et une profonde méconnaissance de l'Église. Quand on ignore les principes qui la régissent ou qu'on y est hostile, peut-on prétendre lui « recommander » des réformes et exiger des changement pastoraux ou doctrinaux ? La commission Sauvé invite pourtant à « passer au crible » les modes d'exercice du ministère sacerdotal et épiscopal, les énoncés du Catéchisme, la morale catholique sur les questions sexuelles et la constitution hiérarchique de l'Église - ce qui dépasse largement ses compétences.

Son rapport n'hésite pas à incriminer la « responsabilité collective » de l'Église face à un phénomène « systémique » qui semble « confondre » la « solidarité » due aux victimes avec la « responsabilité » des évêques. Si la responsabilité d'un évêque peut être retenue, quand il a sciemment couvert un prêtre coupable, faut-il généraliser et rendre responsables toute la hiérarchie, les associations diocésaines, les congrégations, les confesseurs ? Sans compter qu'on oublie de mentionner l'environnement idéologique de l'époque, qui voyait dans la pédophilie un élément de la libération sexuelle des enfants.

On finit par se demander si l'instrumentalisation de faits inexcusables, commis par des clercs ou des laïcs, ne vise pas à s'attaquer, en bloc, à l'institution de l'Église et à l'affaiblir. Il n'est pas certain que les médias, trop souvent irréfléchis, quand ils ne sont pas complices, donnent un grand écho à cette mise au point qui dérangera leur confort intellectuel. Présentée comme une première étape dans la recherche impartiale et complète de la vérité, qu'on doit d'abord aux victimes, cette étude très sérieuse n'est sans doute pas pour rien dans le report de l'audience que le pape François avait précipitamment prévu d'accorder à Jean-Marc Sauvé et son équipe, le 9 décembre prochain.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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