L’accord franco-algérien de 1968 permet à une Algérienne de faire plier l’État

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Mercredi 4 septembre, un avocat spécialisé a rapporté au journal Visas & Voyages Algérie (VVA) un cas qui risque de susciter des velléités migratoires chez bon nombre de ressortissants d'Algérie. En août, le tribunal administratif d’Amiens a annulé une décision de 2022 prise par la préfecture de l’Aisne de ne pas renouveler le visa de séjour d’une Algérienne qui en avait fait la demande en 2021. Le motif ? La préfecture n’aurait pas pris en compte l'accord franco-algérien de 1968, et en particulier l’article 6 selon lequel un certificat de résidence doit être délivré au « ressortissant algérien dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ». La jeune femme est en effet mariée à un Algérien possédant, en France, un titre de séjour de longue durée et avec qui elle a eu deux enfants, scolarisés en France. Tant que l'accord de 1968 n'est pas supprimé ou au moins sévèrement renégocié, ce serait donc la porte ouverte à une immigration algérienne massive. Le journal VVA, selon Xavier Driencourt contacté par BV, est très lu en Algérie, et ce cas risque donc d’en inspirer d’autres.

Un accord obsolète

Cinquante-six ans après sa signature, la pertinence de l'accord de 1968 interroge. Pour mieux comprendre, il faut remonter à 1962 et aux accords d’Évian. À l’époque, il est décidé d'autoriser la libre circulation entre la métropole et les anciens départements d'Algérie. Le dispositif devait en théorie servir essentiellement aux pieds-noirs. Or, tous, ou presque, sont rentrés en métropole sitôt les accords signés.

L'accord de 1968 avait, quant à lui, pour but de rétablir un contrôle aux frontières tout en permettant la venue de main-d'œuvre algérienne. Aujourd’hui, les raisons de cet accord sont caduques et, surtout, il s’agit d’un traité international. Or, en droit, les traités internationaux sont supérieurs aux lois nationales. Ainsi, en matière d’immigration, les Algériens bénéficient de privilèges que n’ont aucun autre peuple hors Union européenne. Quand, en 2023, Gérald Darmanin avait proposé sa loi sur l’immigration, il s’était bien abstenu de revenir sur l'accord. De ce fait, si la nouvelle loi a légèrement durci les conditions d'entrée en France, ses dispositions ne s’appliquent pas aux Algériens, qui bénéficient toujours des mêmes privilèges. Un Algérien peut, par exemple, transformer n’importe quel visa court en visa long en s’inscrivant simplement au registre du commerce, et ce, peu importe si son entreprise est rentable ou non.

L'avis d'un diplomate

Xavier Driencourt, ancien ambassadeur français à Alger et passé par la Cour nationale du droit d’asile, rappelle à BV que « les Algériens en France ne sont pas soumis aux lois votées en France parce qu'à chaque fois, les tribunaux administratifs disent que les Algériens dépendent uniquement de l'accord de 1968 et que les lois françaises sur l'immigration ne les concernent pas ». Interrogé sur l’attentisme des gouvernements français successifs, il déclare : « Il y a un tabou sur la question algérienne à droite comme à gauche : à gauche, c’est le souvenir de la guerre, de la bataille d’Alger, de l’action de Mitterrand qui a condamné à mort 136 combattants du FLN… À droite, c’est de Gaulle, le retour difficile de 1962, les harkis… Une bonne partie du personnel politique tient la même ligne sur l’Algérie : il faut les ménager, il faut faire attention. »

Ainsi, la mansuétude du gouvernement français vis-à-vis d’Alger tient principalement du pathos, une position d’autant plus contre-productive que l’Algérie se place dans un rapport de force perpétuel avec la France. Or, dans ce jeu, sa principale arme est sa position victimaire. Pour Xavier Driencourt : « Stratégiquement, l’Algérie représente bien peu, pour notre nation. » Si les importations d'hydrocarbures algériens ont augmenté, ces dernières années, en raison de la guerre en Ukraine, l'Algérie n'est pas pour autant un partenaire commercial majeur et un changement de paradigme stratégique pourrait nous assurer d'autres sources d'approvisionnement. Il y a donc, selon l’ancien ambassadeur, de nombreux leviers que notre diplomatie pourrait utiliser pour imposer aux Algériens la fin de l'accord de 1968 et la délivrance de laissez-passer consulaires nécessaires à l’application d’OQTF à l’encontre de leurs nationaux.

Pour conclure, il nous a confié avoir récemment échangé avec Michel Barnier, qui vient d'être nommé Premier ministre. Il lui aurait expliqué les nombreux bénéfices que nous aurions à dénoncer l'accord de 1968 et la manière de procéder. Nous verrons, à présent, si cela sera suivi d’effet. Comme disait de Gaulle : « Les traités, voyez-vous, sont comme les jeunes filles et les roses : ça dure ce que ça dure ! » Cependant, le diplomate nous avertit : « Pour reprendre pleinement le contrôle de notre souveraineté migratoire, sortir de ce traité est une condition nécessaire mais non suffisante... »

Louis de Torcy
Louis de Torcy
Etudiant en école de journalisme

Vos commentaires

31 commentaires

  1. Il faut dénoncer ce traité.
    L’Algérie n’a droit à aucun privilège et n’a surtout rien fait pour le justifier, bien au contraire.

  2. Déjà 62 ans que l’Algérie se pose en victime d’une France qui l’a colonisée pendant 132 ans. Entend-t’on l’Espagne revenir sans cesse sur la colonisation arabe qu’elle a subi pendant 8 siècles ?

  3. Encore un méfait des accords d’Evian faits à la va vite, il doit bien y avoir pléthore d’engagements non tenus par l’Algérie nous permettant de remettre ce traité en cause.

    • Mementote !
      Non seulement les accords d’Évian n’ont pas été faits à la va vite, mais ils l’ont été en fonction d’impératifs du temps qui n’étaient pas seulement nationaux mais bel et bien géopolitiques. Au nombre de ces impératifs, l’activisme de la CIA et du KGB d’alors plus les actions OAS et assimilées qui n’allaient (et ne vont toujours pas) dans le sens de l’histoire non plus que dans celui de l’intérêt général national.
      Ceci étant, vous avez évidemment raison sur le second point.

  4. Croyez-vous au père Noël ? Et bien c’est tout pareil en ce qui concerne l’abrogation ce l’accord de 1968. Ce sera au mieux aux calendes grecques, au pire à la saint glinglin !!

  5. Des accords comme ceux là ne peuvent, à terme , qu’entrainer des désaccords. Il devrait y avoir matière à prescription.

  6. Si les « négociateurs » de 1962 avaient inclus la possibilité de révision des accords on en serait pas là.

  7. Et..oui, et je dirais que ça pourrait aller plus loin et je n’ose l’écrire, n’oublions pas que l’Algérie a fait partie de la France, officiellement, et que se passe-t-il quand on est ressortissant francophone d’un pays ayant été sous administration française? On demande la nationalité française, sans embarras. Et ce qui a été imaginé pour l’Algérie devrait être valable aussi pour le Belge francophone, la Belgique ayant été sous administration française, mais çà, j’ai idée que le législateur français n’y avait pas pensé…Au fait, pour les Suisses , c’est plus compliqué,le pays n’a pas été incorporé à la France comme la Belgique aux temps de Napoléon, les provinces belges sont les anciens départements français !

  8. Ce pays adoré que tant d’Algériens veulent quitter. Il faut en finir avec les passes droits accordés à ce pays.

  9. Un accord qui aurait du être dénoncé depuis des années , mais pour ça il faut du courage et nous avons des gouvernements successifs qui en sont totalement dépourvus. Qui se souvient de Darmanin déposant à Alger une gerbe tricolore au monument à la mémoire des martyrs du FLN , voilà le courage de nos politiques , le pantalon sur les chevilles …..

  10. C’est un mauvais mariage le couple franco Algérien n’a jamais fonctionné et ne fonctionnera jamais puisque à force de tirer sur la corde , celle ci est tellement usée qu’il reste plus grand chose avant qu’elle casse

  11. Comme disait de Gaulle : « Les traités, voyez-vous, sont comme les jeunes filles et les roses : ça dure ce que ça dure ! » Eh bien il est temps de mettre fin à ce traité , l’Algérie a voulu son indépendance rendons la lui en intégralité .

    • Surtout qu’il y a « un détail » important qui s’est amplifié : le réchauffement climatique ! …
      Donc les bouquets fanent très vite …
      D’un côté, il y a l’Algérie et ses délires et en même temps au niveau européen il y a l’Allemagne ! … La « vie diplomatique » française a cruellement besoin d’un nouveau Général DE GAULLE ! …

  12. Cet accord avait un sens quand certains algériens choisissaient la France pour y travailler et donner prospérité à leurs famille en suivant ceux qui les employaient dans l’exil..Aujourd’hui ça n’a plus de sens,et ça offre juste une destination à une jeunesse à l’abandon élevée dans la haine de notre pays pour dissimuler l’incompétence de ses dirigeants…

    • A l’époque mais il y aurait du avoir une date buttoir, seulement tout ça c’est fait par des politiciens si c’était fait par des hommes d’affaires roués à la pratique des contrats on aurait fait de traité sans doute différemment

  13. l’accord doit être annulé , un point c’est tout ; il n’a plus aucunes raison qu’il soit mis en application.

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