Lait contaminé : et si on parlait des dangers de la centralisation ?

Début décembre 2017, la Direction générale de la santé avertissait les professionnels de santé que les marques de lait pour enfant Picot et Milumel étaient retirées du marché en raison d'une possible contamination par une salmonelle.

Cette note faisait état de la contamination par une salmonelle, dans huit régions différentes, de vingt bébés âgés de moins de six mois. Ces enfants avaient présenté un tableau de gastro-entérite aiguë et avaient tous consommé du lait infantile des marques Picot ou Milumel.

Ces produits avaient été élaborés entre la mi-juillet et fin novembre sur un même site de production du groupe Lactalis. Cette même note nous affirmait que la société avait procédé au retrait et au rappel des lots concernés.

Les professionnels de santé pouvaient donc être rassurés, le produit défectueux avait été retiré, tout nouveau danger de contamination était donc écarté. Malheureusement, début janvier, on apprend que, malgré le rappel de millions de boîtes de lait, des parents ont pu en acheter dans certains magasins, et les responsables de toutes les grandes enseignes de la distribution, de Leclerc à Carrefour en passant par Auchan, Intermarché, Cora ou Système U, viennent devant les médias battre leur coulpe et tenter de nous expliquer les erreurs qui ont conduit au maintien des laits concernés dans les rayons de leurs magasins.

Car il est certain qu'il y eut des dysfonctionnements. Dysfonctionnements au niveau de la production, qui n'aurait pas pris toutes les mesures nécessaires pour le rappel de leurs produits en temps voulu, dysfonctionnements dans le contrôle de la distribution par les responsables des grandes enseignes et, enfin, dysfonctionnement des autorités sanitaires (DGCCRF) qui n’ont pas pu (faute de moyens ?) s'assurer que le retrait de tous les produits incriminés était effectif, chacun se renvoyant la balle. C'est ainsi que, le 9 janvier, Santé publique France recensait encore trente-cinq nourrissons atteints de salmonellose après avoir consommé un lait ou un produit d'alimentation infantile fabriqué par l'usine Lactalis de Craon.

Mais quelles que soient les raisons techniques qui ont entraîné ce fâcheux épisode - mauvais contrôles au niveau de la fabrication et retard dans les prises de décision de retrait, mauvais contrôles à la réception des marchandises et lors de la mise à disposition des clients, ou autre défaut de procédure -, cet épisode met en évidence les dangers et la fragilité d'un système de production et de distribution très centralisé et les difficultés à sécuriser l’ensemble de la chaîne du producteur au consommateur, car dans tous les domaines où elle s'applique, la centralisation fragilise le système et nécessite de renforcer les contrôles à tous les niveaux.

Au Moyen Âge, un terroriste qui aurait décidé d'empoisonner une population aurait dû contaminer quelques dizaines, voire quelques centaines de puits. Aujourd’hui, parce que la distribution de l’eau est centralisée, il lui suffirait de contaminer un château d'eau pour faire des centaines ou des milliers de victimes.

"Small is beautiful", disaient les écolos dans les années 70, en prônant des circuits de production courts et décentralisés. L’incapacité des industriels de la production et de la distribution à maîtriser de manière sûre et efficace leurs outils ne peut qu’abonder dans ce sens.

Heureusement, il n'y a pas eu de morts !

Dr. Jacques Michel Lacroix
Dr. Jacques Michel Lacroix
Médecin - Médecin urgentiste et généraliste

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