Quand le lait ne compte plus pour du beurre…
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On manquerait de beurre !
Le lobby laitier et la FNSEA montent aussitôt au créneau : "Il faut produire plus de lait."
On en oublie la surproduction chronique, à l’origine de l’effondrement des cours et de la faillite de nombre d’exploitations laitières.
Or, il n’y a pas pénurie : les cours du lait sont loin de remonter – ce que personne ne veut analyser !
Mais il y a une indéniable hausse des exportations de beurre, notamment vers l’Asie où le beurre clarifié, ou butter oil (le ghee des Indes), est depuis des temps immémoriaux un composant majeur de la cuisine traditionnelle.
Les opérateurs laitiers de l'Union européenne, pendant des décennies, ont transformé en butter oil – beaucoup plus facile à conserver et à conditionner – les énormes excédents européens de production…
Si la demande des industriels et artisans français est en hausse, ce n’est pas cela qui explique cette tension sur les marchés qui a fait passer, en un an, la tonne de beurre de 2.500 à plus de 7.000 euros…
Pourquoi manque-t-on de produit pour la transformation ?
La matière première, ce n’est pas le lait mais la crème, qui n’est qu’une des composantes du lait. Cette production de crème a toujours été largement ignorée, dans les faits, par les instituts de recherche, tel l’INRA, qui « améliorent » les races laitières suivant les seuls critères productivistes : produire le plus possible pour le moindre coût.
Ainsi est apparue la championne de la lactation, aujourd’hui reine des élevages laitiers, la prim’Holstein, issue de la race pie noire frisonne, qui fournit en moyenne 9.400 kg de lait par an comportant moins de 4 % de matières grasses (taux butyreux) et de teneur protéique brute de moins de 32 g/kg (un cheptel de 2,5 millions de têtes qui représente 80 % de la collecte nationale de lait !). Lait qui a un très mauvais rendement en beurre ou en fromage…
Dans la race normande, on obtient en comparaison 7.300 kg de lait comportant 4,3 % de matière grasse et plus de 34 g/kg de protéines…
On ne citera pas, ici, les races championnes en termes de qualité du lait telles les jersiaises, abondances et races de montagne à l’origine de tant de fromages réputés.
L’exemple fameux du camembert (le vrai, pas le plâtre) aurait pourtant dû faire réfléchir : la recette du coulommiers (ou du brie) transmise à Marie Harel, en pleine période révolutionnaire, lui permit de faire un fromage nouveau… qui n’avait plus rien de briard !
C’est que le lait utilisé provenait d’autres vaches, nourries sur d’autres terroirs…
Des considérations à mille lieues de la standardisation productiviste où des prim’Holstein en stabulation, nourries à l’ensilage de maïs et au foin de praires temporaires (amélioré aussi, hélas !), déversent des tonnes d’un lait des plus pauvres, peu apte à la transformation…
Comme toujours en matière de productions, animales comme végétales, la solution demande une réorientation complète de la politique d’amélioration des races, axée vers la qualité de la production et non plus vers la quantité, dans un marché devenu chroniquement pléthorique… La question n’est pas, ou plus, à la recherche de la fameuse « autosuffisance alimentaire »… Ce qui implique une volonté politique qui n’est pas pour demain !
Dans l’intervalle, certains producteurs attachés à la qualité de leurs produits, et qui en vivent, continueront à s’arracher les cheveux pour essayer de satisfaire la demande, tandis que la masse productiviste – qui vit très mal, et uniquement grâce aux subventions issues de nos impôts – continuera à manifester face à l’effondrement des cours.
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