L’Algérie inquiète d’une possible victoire du RN

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« Si je deviens Premier ministre du pays, au début du mois de juillet, je ferai de la question de l’immigration et du contrôle de nos frontières une de mes priorités », affirmait Jordan Bardella, le 14 juin, au micro de BFM TV et de RMC. À Alger, à quelque 1.300 kilomètres de Paris et à près de 800 kilomètres de Marseille, l’ambiance est morose. L’onde de choc provoquée par la victoire du Rassemblement national (RN) lors des élections européennes du 9 juin dernier s’est étendue jusqu’aux rives méridionales de la Méditerranée. En 2021, selon l’INSEE, 887.100 ressortissants algériens vivaient sur le territoire français, soit 12,7 % des immigrés vivant en France, rappelle Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France à Alger de 2008 à 2012, puis de 2017 à 2020, faisant ainsi des Algériens la première nationalité étrangère en France.

Ainsi, l'inquiétude de voir le RN accéder à Matignon taraude de nombreux Algériens d'Algérie dont une partie de la famille est partie s’installer en France. Et pour cause, quand bien même le Rassemblement national a pu évoluer, sur les questions économiques et internationales notamment, une constante de son programme demeure, au gré des élections : la préférence nationale et la lutte contre l’immigration.

« Réduction drastique de l’immigration »

La réduction drastique de l’immigration - en particulier extra-européenne - portée par le RN serait un coup dur pour les ressortissants algériens détenteurs d’un titre de séjour. Au regard du lien historique qui unit - malgré tout - la France à son ancienne colonie, beaucoup se rendent dans l’Hexagone lorsque la situation algérienne se détériore. La question des visas est, à cet égard, très révélatrice des relations bilatérales franco-algériennes.

Parmi les mesures phares du RN, l’établissement d’une « loi d'urgence » sur l'immigration. Le RN souhaite, notamment, faciliter l’expulsion systématique des délinquants et criminels étrangers. La suppression du droit du sol et la remise en cause de la politique du regroupement familial sont également sur la table des négociations prioritaires, tout comme le rétablissement du délit de séjour irrégulier. Le renouvellement des titres de séjour ou encore l’obtention de la nationalité française - par naturalisation - seraient, par conséquent, accordés de manière plus stricte. « C’est un message clair : avec moi, la France n’aura plus vocation à être un pays d’immigration massive incontrôlée. » « Il est temps de briser le tabou de l’immigration de guichet social », déclare Jordan Bardella, ce 24 juin.

Dans la presse algérienne, le succès du RN auprès des électeurs français est décrit comme « un retour tragique vers le passé ». Un « péril », annonciateur d'un chaos social pour El Watan-dz : « Avec Marine Le Pen au pouvoir, des centaines de milliers d’étrangers et de binationaux seraient interdits d’emploi ». On accuse le parti de vouloir appliquer « la « rémigration » prônée par Zemmour », « de façon masquée » et en violation complète des conventions européennes, via l’inscription de la « préférence nationale » dans la Constitution ou la suppression du droit du sol par exemple. « Pour la première fois de l’histoire, ce parti aux thèses racistes et xénophobes, pourrait emporter la majorité des sièges au soir du 7 juillet […] » peut-on lire dans un article consacré aux élections législatives françaises. « Dans un sentiment de méfiance, faudrait-il pour autant confier sa destinée à un Dark Vador relooké, au côté obscur de la force [...] ? » conclut l'article.

La fin annoncée des accords franco-algériens de 1968 ?

L’abrogation des accords du 27 décembre 1968 entre la France et l’Algérie, négociés au lendemain de l'indépendance de l'Algérie, suscite elle aussi un malaise. C’est ce qu’affirmaient Jordan Bardella et Marine Le Pen ou, plus récemment, Sébastien Chenu, au lendemain des élections européennes : l’une des premières actions du RN, en cas de victoire, serait la révision ou l’abrogation, de manière unilatérale, de l’accord qui réglemente la circulation, l’emploi et le séjour des ressortissants algériens sur le sol français. Une décision justifiée par la lutte contre les clandestins algériens faisant l’objet d’une OQTF, préconisée notamment par Xavier Driencourt.

Toutefois, le jeune président du RN se veut rassurant : « Nos compatriotes de nationalité étrangère ou d’origine étrangère qui travaillent, qui paient leurs impôts, leurs cotisations, qui respectent la loi, qui aiment notre pays, n’ont strictement rien à craindre de la politique que je vais mettre en œuvre », assurait Jordan Bardella, le 14 juin, à la question d’une auditrice de BFM TV et de RMC.

Un avenir franco-algérien encore plus incertain

Au regard de ce chamboulement politique, un sentiment d’angoisse s’empare progressivement des binationaux franco-algériens. Les relations bilatérales entre Paris et Alger étaient déjà houleuses, marquées par un passé colonial tumultueux. La culture de la repentance portée par la présidence d’Emmanuel Macron a jeté de l'huile sur le feu. En cas de victoire du RN, on peut redouter une détérioration des tensions diplomatiques, avec une répercussion multisectorielle.

Une réduction des investissements français en Algérie, contraignant le géant du Maghreb à se tourner vers d’autres partenaires économiques, modifierait ainsi en profondeur l’architecture de coopération franco-algérienne. L’Algérie serait, également, défavorisée dans le cadre du contentieux territorial du Sahara occidental, qui l’oppose au Maroc. Le parti de Marine Le Pen s’étant prononcé en faveur de la solution marocaine.

Côté algérien, aucune déclaration officielle n’a été rendue publique. En France, seule la grande mosquée de Paris s'est élevée « contre l’obsession des politiques et des médias envers l'islam et les musulmans », le 19 juin. Le recteur de la grande mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, affirme qu’elle « ne soutient aucun parti »... mais qu'elle « appellera clairement à faire barrage à l’extrême droite ». Le mérite de la cohérence...

Anna Morel
Anna Morel
Journaliste stagiaire. Master en relations internationales.

Vos commentaires

65 commentaires

  1. Généralisation du principe de réciprocité.
    Quid des droits d’un français résident en Algérie.
    Comparez aux Droits, d’un algerien résident en France

    • Vous soulevez un point essentiel, mais bizarrement on ne parle jamais de la préférence algérienne en Algérie…

  2. j’espère que le mécontentement du gouvernement algérien le poussera à rapatrier les 3 millions d’algériens qui polluent l’air de la France.

  3. L’Algérie a l’habitude d’exiger de la France ce qu’elle s’interdit à faire. Pour un étranger en Algérie, il est indispensable d’avoir un permis de travail (refusé à toute personne de plus de 60 ans), renouvelable tous les ans et avec l’obligation de prouver qu’aucun algérien n’a été trouvé pour tenir le poste. C’est la préférence nationale. Pire, y travaillant, j’ai un jour reçu une note préconisant une preférence départementale, la wilayha d’Illizy imposant l’embauche de personnel originaire du sud et n’autorisant des travailleurs du Nord que lorsqu’il n’y avait pas d’équivalent. Ils devraient s’appliquer leurs propres leçons…

  4. Immixion de l’algérie dans les affaires intérieures française, INSUPPORTABLE !
    L’algérie a tout simplement peur qu’on leur renvoie leur racaille ! On est maître de nos décisions

  5. Pour nous la guerre Franco-Algérienne était fini sauf pour l’Algérie qui est resté toujours en guerre contre nous alors les accords de 68 devraient depuis longtemps être caduc. La migration algérienne est une invasion qui ne dit pas son nom.

  6. Avec J. Bardella, la France cessera d’être stupide et naïve. Je comprends que ça inquiète l’Algérie.

  7. Moins de 15 ans après l’occupation de la France par l’Allemagne Nazie, de Gaulle et Adenauer scellaient la réconciliation des deux pays, malgré le paquet d’atrocités commises par les occupants. 62 ans après l’indépendance (62 ans !!!!), le parti unique islamo-gauchiste appelé FLN qui dirige l’Algérie d’une main de fer cherche un bouc émissaire à la gestion catastrophique d’un pays potentiellement richissime dont l’économie ressemble à celle du Venezuela. Incompétence crasse, corruption, jeunesse sans avenir, produisent ce qu’elles produisent partout : pauvreté et absence de liberté. Et en plus, à cause d’une classe politique Française idéologisée nous devrions supporter des gens qui nous détestent ? Les génuflexions de Macron face au pouvoir Algérien nous n’en voulons plus. Tout comme nous ne voulons plus d’une population dont la surreprésentation dans la population carcérale indique, pour le moins, une culture de la razzia totalement incompatible avec nos moeurs.
    BASTA !

  8. En Algérie qu’ils s’occupent de leurs élections. Quant aux nôtres ils doivent bien se rendre compte que la situation du pays d’accueil est devenue infernale.

  9. entre la volonté de « remettre en place « une réelle » politique migratoire du RN et la volonté de ce « Nouveau front populaire » d’instaurer un statut de « réfugié climatique » il n’y a pas photo ! …
    Et d’entendre que « l’Attal-à-macron » parler de son projet en osant vomir qu’il « représente la stabilité » et « la rigueur budgétaire » laisse sans voix … Donc, uns seule possibilité pour les 30 juin et 07 juillet ! …
    Au sujet de l’algérie, il est temps là aussi de les remettre à leurs place au sud de la Méditerranée et surtout bien loin de la FRANCE ! …

  10. Le chantage aux visas fonctionne très bien pour les oqtf.
    Les saoudiens le font .
    4000 algériens explusés d’Arabie en 2017 …ils avaient oublié de repartir après le pèlerinage

    • Nous ne sommes pas un pays ami avec l’Algérie. Ses ressortissants profitent du système en France depuis des décennies. Ils ne nous aiment pas c’est une évidence. Nous avons besoin d’un pouvoir fort pour rétablir la situation en France. Que les algériens d’Algérie s’occupent de leurs affaires.

  11. Déchéance de nationalité française pour les binationaux délinquants.
    Les Algériens représentent la population majoritairement étrangère dans nos prisons , devant le Maroc et les Roumains..

    Sans compter les binationaux

  12. La coopération franco-algérienne ?Laissez-moi rire !
    Qu’ils commencent à reprendre sans rechigner leurs racailles titulaires d’une OQTF. Ce serait déjà un bon signe.

  13. Faut il vraiment accorder des droits particuliers aux Algériens par rapport à d autres pays. Ces droits discriminatoires leur permettent le luxe de nous haïr et de rendre notre societe instable. Leur pays va bien. Il VA entrer dans les BRICS. Il a de l énergie et une population jeune pour travailler. Que font ils chez nous?

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