L’Allemagne ne paiera pas, rassurez-vous, bonnes gens !

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Une nouvelle donne européenne serait née du pré-accord entre la chancelière Merkel et le Président Macron pour permettre un emprunt de 500 milliards d’euros par la Commission de Bruxelles ; cette assertion mérite une analyse objective et précise.

Salué par nombre d’experts, il est présenté comme une double novation historique :
- novation dans la gestion budgétaire de l’Union européenne, tout d’abord ;
- novation dans l’attitude de l’Allemagne qui aurait ainsi accepté la mutualisation des dettes des États.

Qu’en est-il vraiment ? Faut-il croire, comme l’écrivent certains journalistes dans un journal du matin, que « finalement, l’Allemagne paiera » ?

Rien n’est moins certain et Gavroche, titi parisien, dirait « Tu crois dans le petit Jésus allemand, toi ? » paraphrasant ainsi ce que les Gaulois réfractaires disaient du paradis soviétique…

Quelle est la réalité ?

- Dans l’économie du marché unique, l’Allemagne a intérêt à ce que ses clients se portent bien. Elle continue d’avoir 59 % d’échanges commerciaux dans l’Union européenne, et l’analyse des balances Target2 démontre que les créances commerciales enregistrées par la Bundesbank sur les pays du sud de l’Europe atteignent 935 milliards d’euros sans qu’il puisse y avoir de compensation avec les pays du sud de l’Union européenne en raison de leur incapacité à payer leurs dettes commerciales.

- Depuis plusieurs mois, les États essaient de se mettre d’accord pour augmenter le budget de l’Union européenne de manière significative pour la période 2021-2027.

- Le budget de l’Union européenne programmé pour 2019 était de 148,4 milliards - derniers chiffres connus. L’Allemagne est le premier contributeur : 20,6 % ; la France le deuxième contributeur : 15,6 % ; l’Italie le troisième contributeur : 11,5 %.

- Les recettes de l’Union européenne proviennent :
1) d’un pourcentage du revenu national brut (RNB) de chaque État, soit 72 % ;
2) de la ressource TVA, soit 12,3 % ;
3) des droits de douane, soit 14,4 % ;
4) de ressources diverses pour 1,4 %.

- Le budget finance les politiques de l’Union européenne : la Commission a proposé sept rubriques d’action pour la période 2021-2027, qui s’étendent du marché unique à l’administration, en passant par la cohésion et l’agriculture, entre autres.

- L’affectation des crédits entre ces politiques donne lieu régulièrement à une foire d’empoigne, la France défend bec et ongles l’agriculture, les pays de l’Est les fonds structurels.

Les fameux 500 milliards « lâchés » par Merkel ne sont, en réalité, que l’acceptation d’avoir un budget doublé dans les trois ans à venir, financé par l’emprunt, mais il reste à déterminer :
- Qui bénéficiera de cette manne ? Quelles politiques en seront les bénéficiaires ? Les pays qui reçoivent des fonds de cohésion, les pays de l’Est en particulier, entendent avoir leur part.
- L’attribution se fera-t-elle dans le cadre des politiques actuelles ?
- Quelles conditions d’attribution des fonds : subventions ou prêts ? Les pays qui recevront ces fonds devront-ils respecter des conditions de réforme et être de fait placés sous la tutelle de la Commission ?
- Et obtenir l’accord de tous les États de l’Union européenne !

La partie de bras de fer ne fait que commencer. Elle risque de durer.

Au demeurant, le débat se portera d’abord en Allemagne car les traités n’autorisent pas les emprunts par la Commission. Les braves juges de Karlsruhe vont sans doute s’en souvenir. L’article 125 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) interdit à l’Union « de répondre des engagements des administrations centrales »

De plus, nombre de députés allemands sont hostiles à ce processus d’emprunts.

Mais une chose est certaine, cet emprunt s’inscrit dans le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 du budget, il ne s’agit pas de créer un budget de la zone euro dont la fragilité s’accroît.

Sur ce point, les « engagements allemands » pour un budget de la zone euro que le Président Macron croit déceler dans des propos de la chancelière relèvent de l’autosuggestion… Sans commentaires !

Et sur ce point majeur, l’Allemagne refuse de payer, on ne peut nourrir aucun doute là-dessus. Monsieur le Président Macron, n'ayez aucune illusion et cessez d’avoir des yeux de Chimène pour Angela, elle est insensible à votre faconde intarissable et narcissique. L'Allemagne ne paiera pas ; ceux qui pensent le contraire se bercent tout simplement d'illusions, par idéologie.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 29/05/2020 à 17:38.
Jacques Myard
Jacques Myard
Homme politique - Maire de Maisons-Laffitte

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