Roumanie : manifestations après l’arrestation du candidat de droite anti-UE

Dimanche, des milliers de manifestants ont crié, devant le siège de la Commission électorale, « À bas la dictature ! »
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La Roumanie est-elle en train de plonger dans le chaos ? Ce dimanche 9 mars à Bucarest, des milliers de manifestants se sont massés devant le siège de la Commission électorale aux cris de « À bas la dictature ! » Ils s'élevaient contre l’invalidation par l'UE de la candidature de Călin Georgescu à une nouvelle élection présidentielle programmée en mai prochain.

La surprise Georgescu

C’est là le dernier épisode en date, mais probablement pas le dernier, d’un feuilleton électoral inédit, sur fond d’instabilité politique et de corruption. Tout a réellement commencé le 24 novembre 2024, au soir du premier tour de l’élection présidentielle roumaine. Ce jour-là, à la surprise générale, arrivait en tête un certain Călin Georgescu, candidat indépendant de toute attache partisane, mais patriote, réputé pro-russe et eurosceptique, dans un pays fortement divisé entre pro-russes et pro-Union européenne, du fait de sa proximité avec l’Ukraine. Alors que les sondages le gratifiaient d’à peine 8 % des suffrages, Georgescu a finalement obtenu près de 23 %, devançant assez largement la libérale et pro-européenne Elena Lasconi (Union sauvez la Roumanie, soutenue par Emmanuel Macron), qui a obtenu 19,18 % et s’est qualifiée d’extrême justesse pour le second tour devant le Premier ministre social-démocrate Marcel Ciolacu (PSD), crédité de 19,15 % des voix. La campagne avait déjà été marquée par l’invalidation, le 6 octobre, de la candidate nationaliste Diana Iovanovici-Șoșoacă (ouvertement pro-russe), que les sondages plaçaient alors en troisième position. Cette décision, votée de justesse (cinq voix contre quatre) par les neuf juges de la Cour constitutionnelle roumaine, avait été contestée à droite comme à gauche, du fait du motif invoqué : Diana Iovanovici-Șoșoacă aurait remis en question et ignoré « l'obligation de respecter la Constitution par son discours public appelant à la suppression des valeurs et des choix fondamentaux de l'État, à savoir l'adhésion à l'UE et à l'OTAN ». Par ailleurs, sur les cinq voix pour l’invalidation, quatre venaient des juges nommés par le PSD au pouvoir.

Une annulation qui a fait scandale

Autant dire que l’arrivée en tête de Călin Georgescu au premier tour a immédiatement affolé les milieux pro-Union européenne. Des manifestations contre lui ont été organisées dès le 25 novembre. Le 26, le Conseil national de l'audiovisuel de la Roumanie (l'Arcom local) a demandé à la Commission européenne une enquête sur l’utilisation du réseau TikTok à des fins de promotion de la candidature de Călin Georgescu. D’autres enquêtes ont aussi été ouvertes, dont une à la demande d’Elena Lasconi, mais si l’utilisation de nombreux comptes TikTok favorable à Călin Georgescu a pu être vérifiée, les enquêteurs sont restés plus flous concernant leur financement et des liens éventuels avec la Russie. Après plusieurs jours de cacophonie et de controverses, alors que Călin Georgescu était le favori du second tour qui devait se dérouler le 8 décembre, la Cour constitutionnelle roumaine a annulé le scrutin le 6 décembre. Le feuilleton a rebondi dès le 12 janvier. À l’appel de la droite roumaine, de grosses manifestations ont eu lieu pour dénoncer l’annulation de l’élection de décembre, comme le rapportait alors BV. Le 12 février, alors qu’il était au centre des controverses électorales et sous le coup d’une procédure de destitution, le président roumain (Parti national-libéral) a démissionné, remplacé jusqu’à la prochaine élection par le président du Sénat.

Un processus d'élimination du favori

Nouveau rebondissement, le 26 février, avec l’arrestation par la police de Călin Georgescu. Conduit au parquet général de Bucarest, il y a été auditionné puis inculpé et mis en examen pour six infractions, dont incitation à troubler l’ordre constitutionnel, fausses déclarations sur ses comptes de campagne et apologie de crime de guerre. Placé sous contrôle judiciaire, il lui est, depuis, interdit d'utiliser les réseaux sociaux, de paraître dans les médias, de quitter le pays et de porter une arme. Călin Georgescu a alors intenté un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Mais le 6 mars, sa demande a été rejetée par la CEDH, estimant notamment qu’elle « s’appuyait sur une disposition visant à protéger les membres du "corps législatif", qui ne s’applique donc "pas à l’élection du chef de l’État" ».

En attendant un éventuel recours, le rejet de la candidature de Călin Georgescu pour l’élection présidentielle reprogrammée les 4 et 8 mai a déjà fait monter d’un cran la tension dans le pays, comme l’a montré la manifestation spontanée qui a eu lieu le soir du 9 mars. Voilà qui augure d’une campagne mouvementée, car la situation reste potentiellement explosive. En effet, que ses motifs soient fondés ou non, un processus qui aboutit à priver les Roumains d’un candidat qu’ils avaient placé en tête du scrutin présidentiel en décembre et qui restait favori des sondages pour le nouveau scrutin de mai est, pour le moins, problématique.

 

Vos commentaires

5 commentaires

  1. C’est étrange ces dénis de démocratie dans tous ces pays qui se réclament d’une vulgaire idéologie européenne. Que sont ces juges ,hauts fonctionnaires, voire président de conseil qui n’ont pas été élus. C’est l’exemple même du coup d’état permanent. Une dictature ne ferait pas mieux. Ceci dit » tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse ». Spectacle attendu pour les mois,les années à venir ?

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