L’archange macroniste Niel veut sa chaîne de télé : pour contrer le diable Bolloré ?
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Il sera là, en personne, ce 15 février, au siège de l'Arcom (l'ancien CSA) à Paris pour plaider son projet devant les sages du gendarme de l’audiovisuel. Le patron de Free Xavier Niel tentera de rafler une fréquence, la fréquence numéro 6 sur le réseau de la TNT (télévision numérique terrestre), au groupe M6 qui la détient depuis l’origine. Les autorisations d’émettre doivent être renouvelées avant le 5 mai. Le milliardaire des télécoms, accessoirement gendre d'un autre milliardaire, Bernard Arnault, tente sa chance avec un projet ficelé à la va-vite et baptisé Six. Il aura une heure pour convaincre. Fiction, documentaire, animation, information, la chaîne Niel aura sur le papier toutes les qualités - et caressera tous les réseaux de l'audiovisuel français.
Face à lui, les sages de l’Arcom écouteront avec attention cet homme aux ambitions médiatiques insatiables. Car la douzième fortune française, selon Challenges, détient des participations dans Le Monde, Télérama, La Vie, Courrier international, dans le capital du producteur Mediawan, dans les quotidiens Nice Matin, La Provence, France Antilles… entre autres. Mais pas de confusion : ce n'est pas ce que la presse de gauche appelle « un empire médiatique tentaculaire au service de ses ambitions idéologiques ». L'expression est réservée à un autre milliardaire propriétaire de médias, un pelé, galeux, mafieux, lui, un certain Vincent Bolloré !
Contre Niel, curieusement, pas de pétitions sur le danger des médias aux mains de milliardaires. Pas de sociologue pour expliquer à quel point ce rapprochement du capital et des médias est infâme. Pas de manifestations. Pas de millions d’euros d’amendes réservés à C8, chaîne de Bolloré, et à Hanouna. Pas d’écrivain bien en cour, façon Erik Orsenna, pour qualifier Xavier Niel d’ogre. Il y a milliardaire médiatique et milliardaire médiatique, on vous dit. Milliardaire gentil et milliardaire méchant.
Des appuis bien placés peut-être, et de longue date ? Ce n’est pas impossible. On a toujours tort de négliger la presse people, on y apprend bien des choses. Gala, par exemple. En 2010, Xavier Niel rachète le groupe Le Monde avec deux associés : Pierre Bergé et Matthieu Pigasse. Tous trois se font conseiller par un jeune banquier d’affaires inconnu, un certain Emmanuel Macron. Dans le magazine Vanity Fair, Xavier Niel lui-même raconte sa première rencontre avec celui qui allait devenir président de la République. « Je découvre un banquier supercool, dit-il. Intelligent, bonne dynamique, bonne pêche, vachement sympa. Des dents longues - ce qui est une qualité -, il chope mes mots et mes postures, il a le don de s'adapter à son interlocuteur. » On sent tout de suite que l'opposition du citoyen Niel va être féroce... « On est devenus copains après », ajoute Niel.
À ce sujet — C8, CNews, les médias d’opposition de Bolloré dans le collimateur : quand le système panique
Quatre ans plus tard, en 2014, Xavier Niel, interrogé sur Europe 1 par Thomas Sotto, confirme : « Je le connaissais quand il était chez Rothschild. » Et ne mâche pas ses louanges. « Oui, je pense que c’est un bon ministre de l’Économie. »
Quatre nouvelles années passent sans nuages dans la relation entre les deux hommes, comme en témoigne le JDD, en mai 2018 : « Proche d'Emmanuel Macron, Alain Minc a tenté de convaincre Xavier Niel de briguer la mairie de Paris en 2020 pour La République en marche. » Et le JDD poursuit : « Il faut dire que Xavier Niel entretient de très bonnes relations avec Emmanuel Macron. Il accompagne le Président parfois dans ses déplacements. »
L'histoire d'amour se poursuit. Le 6 décembre 2018, sur Europe 1, Xavier Niel lui-même a un message pas tout à fait hostile pour le président de la République : « Je crois (je ne suis pas à la mode quand je vais vous dire cela), je crois qu’on a un super-Président qui est capable de réformer la France, il faut qu’il la réforme de tous les côtés […], il est en train de faire des lois fantastiques […]. Donc, il change la France ou il crée des choses qu’aucun Président ou gouvernement n’ont eu envie de faire. » En voilà un qui ne sera pas crossé par le pouvoir.
L’amitié, que voulez-vous, c’est beau. C’est pur. Et puis, comme dirait Vladimir Poutine, c’est quand même plus agréable quand les médias qui font l’opinion appartiennent à vos amis. Xavier Niel serait-il le bras armé de Macron dans les médias, une sorte d'archange médiatique face à l'abominable Bolloré ? Hypothèse idiote : vous vous dites que l’Arcom saura bien préserver l'indépendance de nos médias. Mais voilà, au pays où l'État verse chaque année plus de trois milliards d'euros à France Télévisions et Radio France, le président de l'arbitre des élégances, l’Arcom, est nommé par… Emmanuel Macron. Le hasard fait si bien les choses, dans notre pays.
43 commentaires
C News fait de l’ombre aux autres chaînes et la famille Arnault est proche du pouvoir en fonction , ce qui varie dans le temps mais maintien une influence nécessaire a leurs finances. Nul doute que tout sera fait pour évincer les gęneurs et les chaînes d’opposition vont souffrir.
A nous de réagir .
Et bien je pense que cet ami va obtenir ce qu’il désire !!Macron y veillera.