Large victoire des travaillistes : au Royaume-Uni, une gauche pragmatique

Capture écran X Keir Starmer
Capture écran X Keir Starmer

« N’ayez aucun doute, nous allons reconstruire le Royaume-Uni, avec la richesse créée dans chaque communauté, notre service de santé de nouveau sur pied, des frontières sécurisées, des rues plus sûres. » Quelques minutes après avoir rencontré le roi Charles III et s’être vu confier la mission de former un gouvernement, Keir Starmer, le leader du Parti travailliste outre-Manche, a, devant la célèbre porte du 10 Downing Street, présenté ses ambitions pour son pays. Pas d'ouverture des frontières, pas de prises de position pro-Palestine, pas de démagogie écologique… Au contraire, le nouveau Premier ministre, qui vient de remporter une victoire écrasante aux élections législatives, promet un programme pragmatique.

Purge contre l’antisémitisme

Quatorze années de pouvoir aux mains du Parti conservateur balayées en une soirée. Ce 4 juillet, le Labour Party (Parti travailliste) a ainsi remporté 412 sièges sur les 650 que contient la Chambre des communes. Une victoire écrasante qui met fin au règne des Tories, aux affaires depuis 2010. Un exploit que le parti doit notamment aux régions désindustrialisées qui, tentées par le Brexit, avaient accordé leur confiance à Boris Johnson (Parti conservateur), lors des précédents scrutin. Victorieux, Keir Starmer, ancien avocat à la tête du Parti travailliste depuis le printemps 2020, a reçu les félicitations des dirigeants du monde entier. En France, après Emmanuel Macron, le Parti socialiste a tenu à saluer un « nouvel élan pour la gauche ». Mais leurs alliés du Nouveau Front populaire se sont montrés plus silencieux. En cause, des divergences politiques fondamentales entre les promesses du Nouveau Front populaire et celles du Labour Party de Sir Starmer.

À son arrivée à la tête du parti, Keir Starmer s’est ainsi engagé à le changer de l’intérieur après cinq ans de règne de Jeremy Corbyn, leader britannique connu pour ses positions pro-Palestine et régulièrement accusé d’antisémitisme. En février 2023, il déclare ainsi : « Moi, à la tête du Labour, il n’y aura aucune tolérance pour l’antisémitisme. » Il ajoute : « Mon premier acte en tant que leader travailliste a été de m’engager à éliminer l’antisémitisme du parti. » Dans les mois qui suivent, le nouveau leader des travaillistes tient parole et commence une purge. L’aile gauche du parti, incarnée par le mouvement Momentum de Jeremy Corbyn, est mise à l’écart. Des figures du parti soupçonnées de flirter avec l’antisémitisme sont marginalisées. Diane Abott, la première femme noire à avoir été élue à la Chambre des communes, figure éminente du Labour, est pendant un temps mise sur la touche. En cause, une lettre dans laquelle la députée minimisait notamment les discriminations vécues par les Juifs. Après avoir présenté ses excuses, elle sera tout de même investie par le parti pour les élections législatives et élue. D’autres, comme Jeremy Corbyn ou Faiza Shaheen, connus pour leur positions en faveur de la Palestine voire du Hamas, n’ont quant à eux pas bénéficié de l’étiquette du Labour Party, ce 4 juillet.

Une semaine après l’attaque du 7 octobre contre Israël, Keir Starmer désavouait les positions de son prédécesseur. Dans un long communiqué, il dénonçait des « attaques perpétrées par le Hamas » et ajoute : « Israël a le droit et le devoir de se défendre et sauver ses otages. Nous nous tenons aux côtés d’Israël. »

Contrôle des frontières

Sur la question migratoire, Keir Starmer impose également une vision pragmatique à gauche. Alors que le Royaume-Uni fait face, malgré le Brexit, à des vagues migratoires importantes, il appelle à réduire l’immigration. « Le Royaume-Uni doit être moins dépendant de l’immigration en formant des travailleurs britanniques », assure-t-il. Il promet également un contrôle des frontières sans pour autant fixer d’objectif de réduction des entrées. Ce 5 juillet, encore, il répète sa volonté de contrôler les entrées et de sécuriser les rues. Homme de gauche, enfin, il se dit autant favorable au nucléaire qu’aux énergies renouvelables et, à l'image de Tony Blair, accepte le principe du libre marché. Preuve que le bon sens est parfois possible à gauche…

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

31 commentaires

  1. Ce n’est pas le pragmatisme de Keir Starmer qui les a fait gagner, c’est l’effondrement des Tories avec leurs excès, leurs divisions internes, leurs choix de dirigeants …. Et surtout c’est le mécontentement des électeurs de droite qui ont fait gagner les Travaillistes en choisissant la plus radicale droite de Nigel Farage qui obtient un score de 14%. Ce qui signifie que si on additionne les votes de Farage et des Tories, on obtient 37+ %, un score plus important que celui des Travaillistes. C’est aussi le mode de scrutin qui a permis aux Travaillistes de gagner ; si ce système avait étè appliqué en France Bordella serait aujourd’hui premier ministre!

  2. C’est curieux comme les appellations sont disparates. Avec ce programme, ce M. serait qualifié  » d’extrême droite » en France ( par certains, comme Libé, LFI etc ). Comme quoi…

  3. Sale coup pour la Gauche française (Front populaire ou non)! Décidément, les anglo-saxons ne roulent pas du même côté que nous..

  4. En réalité, il semblerait que cela signifie davantage un rejet des Conservateurs plutôt qu’une adhésion aux Travaillistes . Dans tous les cas, lorsqu’ils auront bien déçu, il y aura un retour aux Conservateurs; c’est, je crois, ce que l’on nomme « l’alternance démocratique » ; ce qui n’est guère déstabilisant sous la monarchie la plus ancienne d’Europe…

  5. Comme dit Yolande, la gauche britannique est d’extrême droite : donner les emplois en priorité aux gens du cru, assurer la sécurité et accepter le nucléaire ! Pourtant cela ne semble pas choquer les britanniques.

  6. La gauche britannique n’est pas, et de très très loin, pragmatique du tout.
    Après 30 ans à traîner mes guêtres dans le monde politique britannique, je peux attester du contraire.
    L’alternance est une tradition en Grande-Bretagne, la politique étant coiffée par la figure stable de la Monarchie.
    Keir Starmer n’est que l’ombre d’un dirigeant, qui fera du conservatisme à la sauce Labour, plus généreux, puis les clés seront remises en alternance aux Conservateurs qui rétabliront l’équilibre…
    Comme toujours.
    Vous parlez indirectement du NHS, produit inventé par les Labour [socialiste] s’il en est. Dirigé par des gens de tous bords politiques, qui se moquent bien de leur « Secretary of State », tant qu’il leur file du fric.
    La France ferait bien de s’en inspirer d’ailleurs, les britanniques sont soignés partout… Alors qu’en France… Sauf si vous y êtes « illégal » évidemment.
    La Grande-Bretagne est bien plus équilibrée que la France, ses dirigeants sortent des mêmes universités où ils ont « copiné » ensembles. Ils s’envoient poliment des invectives au Parlement pour les caméras, puis se tapent sur l’épaule en dehors du champ de celle-ci.
    Si seulement la France ; qui n’a pas la même histoire empirique que la Grande-Bretagne, donc diversifiée ; savait se tenir en évitant de tout casser, peut-être alors pourriez-vous parler « objectivement » de la Grande-Bretagne, voire même de laisser quelques journalistes parler de la Couronne, en évitant de dire n’importe quoi…

    • J’ai des enfants installés en UK et bien contents d’y être. Ils ne reviendront pas en France. Malheureusement pour moi, mais heureusement pour eux. Il faut, comme vous le dites, arrêter de dire n’importe quoi.

  7. Et bien c’est plutôt une bonne nouvelle. On semble plus proche du RN que de la Nupes.
    il faut savoir qu’au Danemark aussi, c’est la gauche qui est au pouvoir et les clandos filent doux.

  8. Gauche pragmatique? Encore plus d’argent pour la NHS, cette création de 1945 et qui n’a jamais bien fonctionné.
    Je dirais « gauche dogmatique », comme d’habitude. Avec les mêmes conséquences : appauvrissement, restrictions, nomenklatura, injustices.

  9. Former des travailleurs manuels pour réduire l’immigration, au lieu de nommer des bacheliers illettrés destinés à devenir fonctionnaires, ou chômeurs. La gauche british serait elle intelligente ?

  10. On peut regretter que le système électoral français ne soit pas celui en vigueur au Royaume Uni, à savoir majoritaire à un seul tour. Cela nous aurait épargné une alliance honteuse entre la macronie et la gauche qui, par le jeu des désistements d’entre deux tours, constitue un véritable hold-up démocratique et aurait assuré une large majorité au RN, comparable à celle obtenue par les travaillistes outre Manche.

  11. Si vous étiez en Angleterre vous entendriez dire partout que c’était le duel entre « Dumb & Dumber »: Idiot et Idiot et demi. Sunak le Conservateur sortant, tout riche banquier qu’il était, n’avait aucun sens politique, qui s’occupait de déverser des milliards sur l’Ukraine sans rien faire pour son pays. Il est parti aujourd’hui en disant « désolé ». Le Labour n’a aucun programme derrière ses bonnes paroles, autres que taxer: que voulez-vous, c’est un socialiste, ça ne se refait pas.

  12. Ce gauchiste à tout d’un candidat d’extrêmen droite en France . Finalement ces anglais ont bien réussi depuis leur sortie de l’UE . Souvenez vous de tous les malheurs que leur avait prédit certains de nos élus , les mêmes qui aujourd’hui se sont alliés à l’extrême gauche pour contrer un parti qui redonne espoir aux français .

  13. Curieux système électoral ou le nombre de sièges ne correspond pas au nombre de voix . Le néo labour avec 34% des voix obtient 65% des sièges , les Conservateurs avec 24% des voix obtiennent 18% des sièges , Reform UK avec 14% des voix obtient 1% des sièges , Libéral Démocrat avec 12% des voix obtient 11% des sièges , Green parties avec 7% des voix obtient 1% des sièges ….

    • pendant des décennies, le RN avait 1 ou 2 députés alors qu’ils recueillaient 8 à 10 fois plus de vote que le PCF, qui lui alignait entre 20 et 40 députés

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