Laurent Dandrieu : « Le pape François et ses soutiens dramatisent les oppositions et sombrent dans le complotisme ! »
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Laurent Dandrieu, auteur de Église et immigration : le grand malaise, éclaire les déclarations du pape François dans l'avion le ramenant de Madagascar où il a parlé de « schisme ». « Cette stratégie de dramatisation sert surtout à ne pas répondre aux critiques. C'est un jeu extrêmement dangereux. »
Le pape a parlé de danger de schisme entre l’Église américaine et le Vatican.
La crainte du pape est-elle fondée et réelle ?
Cette crainte ne me paraît ni fondée ni opportune. Qu’il y ait des contestations sur un certain nombre de prises de position du pape, cela me paraît évident. C’est une des constantes de ce pontificat. Mais, de là à ce qu’il y ait une menace de schisme, cela ne me paraît absolument pas évident.
De manière assez incompréhensible, depuis le début du pontificat, le pape François et ses soutiens ont une tendance à dramatiser les oppositions et d’en faire quelque chose d’absolument irréconciliable. Cette dramatisation peut ressembler à une forme de complotisme.
On nous explique que des gens très organisés et cohérents auraient pour but précis de faire chuter le pape. Je me souviens qu’un journaliste avec qui j’avais débattu sur un plateau de télé suisse sous-entendait dans son livre que des gens pensaient à éliminer physiquement le pape. Cela me paraît totalement délirant.
Malheureusement, cette tendance à dramatiser les critiques et les oppositions est une stratégie pour ne pas y répondre.
Qu’entendons-nous par schisme ? Le schisme est-il censé se faire sur des bases de dogme ?
Un schisme, au sens strict du terme, ce sont des gens qui considèrent que l’autorité censée représenter l’Église ne la représente plus parce qu’elle s’est éloignée de manière radicale de la défense de la vérité catholique.
Il y a schisme lorsqu’une personne dit « Je ne reconnais plus l’autorité du pape. Je vais continuer l’Église par mes propres moyens. » On est très très loin de cela.
Les propos du pape interviennent en France dans un calendrier assez particulier. Nicolas Senèze, le journaliste spécialiste des religions à La Croix, parle dans son livre de cette Amérique qui veut changer de pape. Le livre de Senèze est-il crédible ? Retrouve-t-on cette confrontation supposée entre les conservateurs et le camp du pape François réputé plus progressiste ?
Cette vision des choses est assez complotiste et fantasmatique. On assiste toujours à ce même processus qui vise à amalgamer les oppositions sur des points particuliers. Or, elles ne sont pas suffisamment cohérentes entre elles pour en faire une opposition globale au pontificat.
Certaines personnes sont très opposées - j’en fais partie au premier chef - à la politique de ce pontife sur la question migratoire. Elles n’ont, par ailleurs, aucun problème et approuvent très largement son discours antilibéral au point de vue économique. Ce genre de subtilité échappe totalement à l’analyse de gens comme Nicolas Senèze qui voudraient fantasmer une opposition cohérente et globale au pontificat.
Ce qui me gêne beaucoup n’est pas tellement ces élucubrations journalistiques qui tendent à fantasmer toujours cette même position absolue entre conservateurs et progressiste, mais c’est plutôt la réponse du pape. Au lieu de chercher à calmer le jeu, il semble vouloir s’inscrire dans cette logique de dramatisation et de renvoi dos à dos de deux camps supposés irréconciliables.
Le pape a dit qu’il n’avait rien contre les critiques positives et rationnelles, mais qu’il ne supportait pas les gens qui cherchaient à le poignarder dans le dos.
Depuis le pontificat, tout un tas de gens très haut placés dans l’Église et respectables font, de manière respectueuse, des critiques rationnelles. Au lieu de leur répondre, le Vatican et le pape les accusent de vouloir poignarder le pape dans le dos. À force de ne pas répondre aux oppositions, on les radicalise, et à force de vouloir ignorer les critiques respectueuses et rationnelles, on tend à les rendre de moins en moins respectueuses et peut-être de plus en plus passionnelles. C’est un jeu extrêmement dangereux auquel se livre le pape depuis le début de ce pontificat. Il est peut-être en train de se brûler les doigts en jouant avec le feu.
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