Le baccalauréat, une harmonisation devenue kafkaïenne

bac
Cet article vous avait peut-être échappé. Nous vous proposons de le lire ou de le relire.
Cet article a été publié le 26/03/2023.

À quelques jours de la rentrée des classes, que faut-il penser du baccalauréat ?

Le nouveau baccalauréat révèle chaque jour ses défauts. Les épreuves de spécialité se sont tenues, du 20 au 22 mars, respectant, pour la première fois, le calendrier prévu ; mais, compte tenu de la multiplicité des combinaisons possibles, tous les candidats d’une même matière n'ont pu passer la même épreuve en même temps. Le résultat était prévisible : certains sujets ont été jugés plus difficiles que d'autres, ce qui a suscité, comme l'écrit Le Monde du 25 mars, « l’incompréhension des élèves et le désarroi des enseignants ».

Comme toujours, le ministère se veut rassurant : « Les commissions d’harmonisation sont faites pour ça » et permettent « de corriger d’éventuels écarts de notation, que ce soit entre correcteurs ou entre épreuves », a expliqué le directeur général de l’enseignement scolaire. Depuis des années, même avec l'ancien baccalauréat, on procède à des aménagements de barème et à une harmonisation des notes, certains correcteurs étant plus sévères que d'autres. Dans tous les cas, il faut arriver au pourcentage habituel. Mais, avec le nouveau bac, cette harmonisation devient kafkaïenne.

D'abord, des « commissions d'entente » testent des « copies témoins », établissent des critères de correction communs, révisent les barèmes moins en fonction des difficultés du sujet que des premières réactions des candidats et de leurs familles. Ensuite, pendant les corrections qui se font en ligne, des « commissions d'harmonisation » disposent, pour chaque correcteur, des moyennes, des écarts types, etc., et ont « toute latitude pour procéder à une harmonisation des notes finales à la baisse comme à la hausse ». C'est beau, l'informatique qui vous surveille à distance ! En 2022, des notes avaient été modifiées sans même que leurs correcteurs en fussent prévenus.

« On n’est plus réellement sur des sujets nationaux et il faut éviter que cela désavantage les élèves », déclare le secrétaire général d'un syndicat d'inspecteurs, comme s'il découvrait la Lune. Que pourrait-on dire du contrôle continu, dont le poids est immense ? L'objectif du ministère, pour les épreuves de spécialité comme pour tout le reste des notes prises en compte, est de faire en sorte qu'il n'y ait pas de vagues. Il s'agit, avant tout, de faire illusion et de persuader l'opinion que ce diplôme, bien que largement distribué, a conservé toute sa valeur, le taux de réussite attestant du bon niveau des élèves et de la bonne marche du système éducatif. L'opinion se laissera-t-elle duper longtemps ?

Force est de constater que les épreuves nationales avaient du bon et que le baccalauréat d'aujourd'hui ne vaut pas celui d'autrefois. Les bons élèves continuent de l'obtenir, parfois avec des notes inférieures à ce qu'ils méritaient – harmonisation oblige –, les élèves méritants ne sont pas toujours récompensés de leurs efforts, les médiocres sont surpris de leur succès et s'engagent dans des études supérieures où ils se heurtent vite à l'échec, prenant tardivement conscience de leurs insuffisances et de l'escroquerie dont ils ont été les victimes. Le baccalauréat, comme les assignats, se déprécie, le passeport pour tous devient passeport pour nulle part.

Nos dirigeants savent très bien qu'ils font circuler de la fausse monnaie mais n'en ont cure. Ils peuvent afficher de bons chiffres et ce ne sont pas leurs enfants qui en subissent les conséquences mais les enfants des autres. Ils disposent, pour leurs familles, des bonnes entrées, des bonnes relations et de l'argent qui ouvre bien des portes. Verra-t-on, un jour, les Français descendre dans la rue pour dénoncer ces faussaires ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/08/2023 à 11:21.
Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

21 commentaires

  1. Avec le baccalauréat, nous arrivons peu à peu (merci Jospin et tous ses successeurs) à ce micro-sketch lors d’un entretien d’embauche : « Diplôme ? » – « Plom ! » J’avais beaucoup apprécié une réflexion de Luc Ferry qui disait que « Pour ne pas avoir le Bac, il fallait le demander ». C’est triste à dire, mais aujourd’hui quelqu’un qui échoue au Bac n’est même pas du niveau de la fin du Primaire ( du primaire AVANT !) ou a totalement manqué de « pot ». Evidemment, pour réussir dans la plupart des disciplines, il faudrait au moins savoir lire, et pas seulement déchiffrer, mais comprendre ce que l’on a lu, ce qui conduit à la réflexion. Or, il semblerait que bien des étudiants en première année de fac ont un net problème avec la lecture (et avec bien d’autres choses). Je ne comprends pas pourquoi on persiste à maintenir cet examen qui ne ponctue plus rien et qui n’est même plus un viatique d’entrée à l’Université. Je vois d’ailleurs une terrible analogie entre l’entrée en fac et l’immigration. Tout le monde arrive et on prend tout le monde. Pour les résultats que l’on sait !

  2. Le BAC c’est comme la Légion d’Honneur ou le prix Nobel de la paix, à force de le refiler à n’importe qui ça n’a plus que de valeur que pour celui qui l’obtient.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois