Le blues du policier de base, symptôme d’une institution malade
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Après le blues du businessman, va-t-on devoir chanter le blues du policeman ? Cela paraît bien être le cas, d’après les conclusions révélées par le « Baromètre social 2019 » de la police nationale. En effet, selon les termes de ce rapport d’une quarantaine de pages, il semblerait qu’une proportion importante de la base policière - plus de 40 %, selon l’étude concernée - vive de plus en plus mal son métier. Et si l’on rapproche ce chiffre de celui des suicides enregistrés au sein de l’institution en 2019 (54 cas), il devient difficile de conclure à autre chose qu’un profond malaise touchant une part significative de nos policiers. Précisons, cependant, que ce ras-le-bol toucherait essentiellement les « sans-grade », c’est-à-dire les agents du corps d’encadrement et d’application, mais que les cadres (officiers de police) et les cadres supérieurs (commissaires de police) ne seraient pas ou très peu concernés par le désenchantement manifeste qui touche leurs collaborateurs.
Parmi les raisons évoquées, trois points ressortent prioritairement. Tout d’abord, les policiers de la base se considèrent comme mal payés au regard des exigences que requiert leur profession. Ensuite, ils évoquent le peu de visibilité sur leur déroulement de carrière et leurs perspectives d’avancement. Enfin, ils se sentent insuffisamment soutenus par leur hiérarchie.
Pour ce qui concerne la rémunération des policiers, rappelons qu’elle relève de leur statut spécial. Recrutés avec le baccalauréat depuis maintenant plusieurs années, les gardiens de la paix sont assimilés à la catégorie B de la fonction publique d’État. Ainsi, un policier débutant perçoit une rémunération de 1.610 euros environ, et 2.235 euros en fin de carrière. Possibilité lui est offerte, en passant des concours internes, de devenir brigadier, brigadier-chef et major de police, et de percevoir ainsi, en fin de carrière, un traitement de 2.800 euros. Rapporté au traitement moyen (2.300 euros) d’un fonctionnaire de catégorie équivalente, on se rend compte qu’en effet, la spécificité du métier de policier n’est que peu valorisée.
Sur le second point - la carrière -, il est évident qu’un gardien de la paix qui ne cherche pas à progresser dans la hiérarchie ne verra que peu sa rémunération augmenter. Mais les contraintes liées aux avancements (mutations, déménagements mal pris en charge, souvent perte de l’emploi du conjoint, etc.) ne favorisent pas les projets professionnels. D’où une stagnation bien réelle. Enfin, il est peu de dire que les relations hiérarchiques au sein de la police nationale sont fortement détériorées. Même si ce phénomène n’est pas nouveau, il s’aggrave d’année en année sous le poids de missions de plus en plus nombreuses et souvent mal comprises car mal expliquées.
Revaloriser le métier de gardien de la paix est donc devenu une nécessité absolue. Pour cela, il faut revoir le fonctionnement de la chaîne hiérarchique dans son ensemble et permettre une large ouverture des postes sommitaux aux policiers de base. Il faut, également, revenir sur la façon dont sont managés les services de police. Mieux former les commissaires et les officiers et responsabiliser les gradés en leur confiant de vrais commandements paraissent désormais incontournables. Pour cela, il faut créer un authentique corps de « sous-officiers » avec une formation adaptée et des centres de formation spécifiques, à l’instar de ce qui se fait dans la gendarmerie.
Car c’est en professionnalisant encore davantage nos policiers et en favorisant la pratique du terrain chez les cadres appelés à prendre de hautes responsabilités que la confiance pourra revenir au sein des membres de cette importante institution. Il appartient, aussi, aux organisations syndicales de cesser de jouer la carte de la division qui est trop souvent la leur. La réforme indispensable qui doit maintenant intervenir ne réussira que si elle est jouée collectivement. Ce qui ne s’est jamais réalisé jusqu’à présent.
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