Le CESE : lumière sur un nid fraternel, coûteux, inutile et douillet

@Fred Romero/Wikimedia Commons
@Fred Romero/Wikimedia Commons

Le nom du président du CESE Thierry Beaudet, cité pour Matignon, aura au moins eu l’avantage de braquer sur le CESE, ce discret fromage de la République, quelques projecteurs indiscrets. Gageons que cette institution s’en serait bien passée, tant son utilité est régulièrement remise en cause.

Comme nous l’indiquions hier, en 2023, le sénateur DLF Jean-Louis Masson proposait à nouveau sa suppression pure et simple. Non sans raisons. « Périodiquement réformée, souvent critiquée mais surtout largement ignorée, cette institution n'a jamais réussi à trouver sa place dans le débat public, écrivait l’élu, pour justifier sa proposition de supprimer le CESE. Au début de 2009, le rapport Chertier s'ouvrait sur le constat de "l'utilité controversée" du Conseil économique et social et sur son "défaut de représentativité" », rappelait-il.

Le CESE a de la chance. Et des protecteurs. Le président de la République, en 2017, s’était penché sur l’avenir de ce « machin » coûteux. Pas de quoi convaincre notre sénateur : « L'intention d'en faire une "chambre du futur", annoncée par le président de la République dans son discours devant le Congrès du Parlement en juillet 2017, n'est, au-delà de la résonance élogieuse de l'expression, qu'un symptôme de plus d'une insatisfaction dont on voit qu'elle a gagné les plus hautes autorités de l'État », attaquait Jean-Louis Masson.

« Il vaudrait mieux supprimer le CESE »

En 2022, un rapport de l’Observatoire sur la réforme du CESE conclut sur cet organisme qui prétend être une troisième chambre comme l’Assemblée et le Sénat, consacrée à la société civile : « Il vaudrait mieux supprimer le CESE plutôt que de rester dans cet entre-deux qui ne profite guère à personne. » En attendant, le contribuable entretient toujours aujourd'hui une assemblée permanente de 175 membres et 150 agents publics à leur service, soit presque un fonctionnaire par membre du collège ! Facture annuelle : 46,6 millions d’euros, dont 45 millions d’euros de la poche de l’État.

Or, ces heureux pensionnaires du palais d'Iéna produisent collectivement peu d’études : 133 sur cinq ans, soit moins d’un demi-chantier par hôte du palais d’Iéna sur la période, a calculé le sénateur Masson. Le gouvernement l’utilise très peu, pas plus que le Conseil économique et social, un peu concurrent. Ce n’est pas comme si la France creusait des déficits…

De son côté, la Cour des comptes laisse curieusement à l’abri de tout rapport cette institution contestée. Rien depuis… 2015. En 2015, elle stigmatisait « un suivi comptable perfectible », « un temps de travail inférieur à la durée légale » ou encore « un montant de pensions » très favorable. Car le CESE offre, outre la retraite classique, un petit coup de pouce à ses membres, pour services rendus. « Un conseiller partant à la retraite après l’actuelle mandature touchera, en application des dispositions en vigueur, une pension mensuelle de 707 € bruts pour un mandat de cinq ans et 1.126 € bruts pour deux mandats », précisait la Cour, en 2015. Aujourd’hui, le site du CESE fait état d’une indemnité de base égale au tiers de l’indemnité parlementaire (soit, en brut, 1.998,21 €, y compris l’indemnité de résidence), avant prélèvements. Sans compter une indemnité représentative de frais (IRF) à hauteur de 582,00 € pour les Parisiens et à hauteur de 970,01 € pour les autres.

D'innombrables conseils autour d'un Etat... paralysé

La France dispose pour mener des réformes du renfort du Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire, du Conseil national de l'insertion par l'activité économique, du Haut Conseil à la vie associative, du Grenelle de l'environnement, des états généraux ou assises, des conférences sociales, des commissions d'experts, du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (baptisé « France Stratégie » en 2017), cités par le sénateur Jean-Louis Masson. Résultat, le pays est incapable de toute réforme courageuse. Censuré par les juges et pris dans les glaces de la complexité administrative, il souffre d’une paralysie avancée. Cette embolie de conseilleurs et de conseils autour d’un État qui ne décide plus, comme de faux médecins profiteurs autour d'un malade, a quelque chose de crépusculaire. Bien dans le ton, Thierry Beaudet, s’il était nommé, serait donc chargé de décider à Matignon. Selon Challenges, un responsable politique avec qui il a travaillé se désole pourtant de « son absence de convictions et (de) sa propension à ne pas trancher ». Le CESE prépare-t-il vraiment à redresser la France ?

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

53 commentaires

  1. C’est un truc comme il en existe pas mal destinés à recaser les copains, des organismes chargés de faire des rapports ce n’est pas ce qui manque, ce qui manque ce sont des rapports qu’on lit et qui servent à quelque chose

  2. Ce « machin » prouve une fois de plus que Philippe De Villiers, Eric Zemmour, Charles Prats ont bien raison sur les sujets qui agacent les Français. Le courage fait partie de la démission Mr le président.

  3. Cet organisme parfaitement inutile, producteurs de rapports en tous genres abrite une faune de prélats citoyens généralement imbus de leur appartenance à cet appendice démocratique. Le supprimer serait d’utilité publique.

  4. 45 millions d’euros de la poche de l’État pour le CESE.
    Combien pour les autres inutilités, ces espèces de garages pour politique en mal de d’élection locale… Combien ?
    La catastrophe Macron aura au moins eu le mérite de mettre en lumière l’existence, inconnue des français, de ces garages pour politiques dont on ne sait plus que faire.
    Les économies ainsi faites devraient réjouir Bruno Le Maire !

  5. Les Français qui doivent souvent se serrer la ceinture ont bien souvent du mal à trouver des sources d’économies sur un budget trop souvent minimaliste. En matière d’État, les voix d’économie sont tellement nombreuses et conséquentes que cela en devient enthousiasmant. Ils ne nous manquent que des politiciens courageux et des électeurs responsables.

  6. La France pays des fromages….il y en a tant que la France en crève. Nos politiques n’ont aucun intérêts à réformer nos institutions. Il faudra sans doute les contraindre.

  7. Et comme toute ces institutions, conseils et autres ne sont pas suffisant , incapables, non écoutés lorsqu’ils énonces quelques réformes à faire , l’état paie, en plus, des études via des sociétés de conseils privés pour des sommes astronomiques!

  8. La gabegie de l’Etat est choquante. Savez-vous que sur 11 milliards (seulement) de budget pour la Culture (qui existe bel et bien en France), 1 milliard seulement est dépensé pour le patrimoine et les musées ! Alors que près de 4 milliards sont gaspillés dans l’audiovisuel public. Quel stupidité, la radio et la tv devraient toutes être privées, si les programmes plaisent au public, elles vivraient et si non, eh bien qu’elles disparaissent. 1 seule radio publique (même pas une chaîne de télévision) serait suffisante, « pour le principe », pour faire entendre une voix qui devrait être neutre et objective (hum…).
    Quand on sait l’immense patrimoine bâti de la France, sa valeur unique au monde, son état déplorable, c’est scandaleux. Ainsi R. Bachelot, ancienne ministre de la Culture, envisageait de détruire nombre d’églises, faute d’argent pour les entretenir. Lamentable.

  9. Notre pays entretien une nébuleuse de conseillers en tout genre dont les travaux s’il y en a sont ignorés par le gouvernement c’est ce qui s’appelle donner du lard aux cochons.

  10. En voilà une bonne piste pour baisser notre déficit public, car pour arriver au point où en est notre pays, on n’a pas besoin de conseils économiques et sociaux : Macron sait plomber le pays tout seul

  11. Il serait même urgent de supprimer tous ces organismes qui se révélaient inutiles, et extrêmement coûteux, suppression de toutes subventions publiques des associations, ONG, medias, cinémas , cela nous fera déjà des économies substantielles

  12. En fait mon analyse est que ce sont des fainéants inutiles et grassement payés par les contribuables. J invite le ministre démissionnaire démissionné Bruno Lemaire a jeté un oeil sur toutes ces aberrations administratives crées uniquement dans le but de placer des copains. Il y a là évidemment de quoi faire des économies budgétaires.

  13. La chasse aux économies est ouverte, alors il faut en profiter pour liquider tous ces comités Théodules planques des copains et gouffres financiers…
    Allons, un peu de courage, il n’y a pas de petites économies !

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