Le Conseil constitutionnel peut-il aggraver la crise politique ?

conseil constitutionnel

Alors, cette loi Immigration, une loi qui ne change rien ou qui change tout ? Les deux, en fait. Magie du « en même temps ». Si l'on peut raisonnablement suivre Éric zemmour, qui estime qu'elle ne changera pas grand-chose dans la gestion des flux migratoires, force est de reconnaître qu'elle marque un tournant politique majeur.

Pour la droite, d'abord, du RN à LR. Si Marine Le Pen a su habilement mettre en valeur la victoire idéologique du RN sur la préférence nationale, elle a aussi démontré la force de frappe que constitue le groupe RN, capable non seulement de mettre en minorité la majorité, mais d'imposer ses thèmes à tous, même dans l'opposition. Marine Le Pen a fait du RN un faiseur de lois (et c'est une nouvelle étape dans une normalisation parlementaire réussie), avant peut-être d'en faire un faiseur de rois, pour l'Élysée comme pour Matignon.

Pour les LR aussi, ils ont enfin réussi à sortir d'une ambiguïté mortifère en imposant leurs mesures à une majorité qui voulait leurs voix mais pas leur programme. Un signe ne trompe pas : Laurent Wauquiez est sorti de son silence pour saluer cette clarification : « Un espoir s’est levé à droite », a-t-il déclaré au Figaro. Certes, ce ressaisissement inespéré a besoin d'être confirmé et les LR nous ont souvent habitués à ces faux espoirs, mais on comprend qu'un Éric Ciotti compte engranger sur cette ligne : « La droite a changé, elle est à l’offensive », déclare-t-il au Figaro.

Mais ce que ne peuvent ou ne veulent pas dire RN comme LR, mais que perçoivent bien leurs électeurs, c'est que cet épisode a matérialisé une union des droites efficace sur la question de l'immigration. Une majorité de conviction et de projets qu'ils ont la responsabilité de porter au pouvoir en 2027, ou avant, si la crise entraînait un retour aux urnes anticipé.

Mais le tournant majeur concerne bien évidemment le macronisme. Comme le soulignait Georges Michel, c'est le en même temps qui a explosé en vol avec l'aventure de cette loi Immigration. Et les victimes collatérales sont nombreuses : Gérald Darmanin, bien sûr, un ministre déjà usé et discrédité dans sa gestion de l'insécurité et de l'immigration, ridiculisé dans sa communication (les supporters anglais, etc.) mais qui se faisait fort d'amener ses ex-amis LR à voter sa loi. Il a présenté sa démission au Président, qui l'a refusée. Avec un tel bilan, son avenir de présidentiable est compromis. Mais l'onde de choc a ébranlé tout l'édifice macronien, du député inconnu jusqu'à l'Élysée : des ministres démissionnaires le matin, mais toujours là l'après-midi, des députés de la majorité qui retrouvent soudainement leur ADN de gauche et les réflexes qui vont avec, une majorité fracturée et un exécutif discrédité. En effet, nous avons assisté au spectacle surréaliste d'un Président et d'un Premier ministre demandant à leur majorité de voter un texte dont ils désapprouvent certaines dispositions. Leurs explications alambiquées ne sont pas à leur honneur : un Emmanuel Macron et une Élisabeth Borne en voie de « darmanisation » ont donc refilé le bébé au Conseil constitutionnel, présidé par Laurent Fabius, dont ils espèrent qu'il censurera les dispositions imposées par LR et RN. L'honneur serait sauf, le « en même temps » aussi.

Mais ce ne serait qu'un racommodage très formel : toutes les institutions en sortiraient affaiblies. Et le Conseil constitutionnel lui-même. S'il accédait aux demandes de la gauche, qui l'a aussi saisi, et du président de la République, il apparaîtrait davantage encore pour ce qu'il est devenu : un gouvernement des juges faisant fi de la volonté populaire et des droits du Parlement, un acteur politique et non le juge constitutionnel qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être. De quoi renforcer les arguments de ceux qui, à droite, de LR au RN et à Reconquête, souhaitent une modification de la Constitution pour que la souveraineté populaire puisse être entendue en matière d'immigration. Les jongleries macroniennes ont accouché d'une crise politique majeure, c'est certain. Dans Le Figaro, Mathieu Bock-Côté va plus loin : « Immigration, vers la crise de régime. »

Quelle que soit sa décision, ce que le Conseil Constitutionnel validera, c'est d'abord le discrédit du macronisme.

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Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

47 commentaires

  1. ils ont passé six mois à rien faire .
    Et pendant ce temps là,les Français bossent pour les entretenir.
    Que du cinéma et cela m’afflige.
    Ils seront responsables mais pas coupables

  2. Il n’y a rien à attendre de ce Conseil Constitutionnel, repère d’apparatchiks surpayés. Ils ont eu la place par une faille du système : les gardiens du contre-pouvoir sont nommés par le pouvoir, vous voyez l’erreur ??!.. En conséquence de quoi, au lieu d’y trouver des docteurs ou des agrégés de droit, on n’y trouve que des courtisans prêts à cautionner confinements, passes et QR codes, sous la houlette d’un ancien premier ministre tellement louche qu’il est prêt à tout pour que la presse du pouvoir ne ressorte pas ses vieilles affaires. Et nos libertés, comme nos droits, sont protégées par ça.

  3. Ce conseil qui est devenu un tribunal va devoir donner son avis et ne pourra comme à son habitude que retoquer voire élaguer cette mini loi sur l’immigration qui est déjà le miroir aux alouettes. Ces vieux sages de la politique doivent justifier leur salaire exorbitant pour subsister. Comme l’a si bien dit Philippe de Villiers, c’est un monde de derviche tourneur. Des girouettes en bon français.

  4. Ne jamais oublier que Macron est un socialiste. Un crypto-socialiste, donc fondamentalement un socialiste. Par conséquent il est en réalité totalement hostile à cette loi. Mais à la différence des Hidalgo, Vallaud, Faure et compagnie il ne ne peut pas le dire ouvertement. Par contre il peut le laisser comprendre. Et Fafa et ses sbires du CC ont parfaitement reçu le message. La loi a été voté pour le parlement ? Qu’à cela ne tienne ! On va vous préparer un détricotage aux petits oignons et laisser croire à l’opinion que le président de la république n’est en rien responsable de tout cela.
    Si on voit que 32 départements sont entrés en résistance (sic) contre la loi et refuse de l’appliquer, que Macron va se faire tirer l’oreille pour la promulguer, que le CC va la démolir du sol au plafond, c’est donc la démocratie parlementaire qui est totalement bafouée.
    La France n’est donc plus une démocratie.

  5. Ils ne vont pas s’en priver car les prochaines élections de juin prochain risquent de contrarier leurs plans de destruction de notre pays.

  6. Le CC peut: 1/ montrer lui aussi qu’il est contre la volonté de la grande majorité des Français en matière d’immigration. 2/ Se montrer en délicatesse avec les institutions s’il se mêle de faire de la politique en copinage avec Macron, au lieu de ne faire que du droit. Cela veut aussi dire se montrer le larbin de Macron. 3/ Montrer l’impuissance de Macron à faire passer une loi un tout petit peu difficile. 4/ Se montrer – toujours pour faire plaisir à Macron – une façon de court-circuiter le parlement élu par la France. La réponse à la question du titre est donc bien oui. Au point que le CC pourrait même jouer son avenir.

  7. Si vous cessiez de parler de majorité. Une majorité relative n’est pas une majorité. Les mots ont un sens. On ne peut être majoritaire que si l’on est plus nombreux que les autres. Ce n’est pas le cas ici. Et le parti du président n’est majoritaire qu’en cas de coalitions de circonstances.
    Le fait que les oppositions refusent de s’entendre ne signifie pas que le président a une majorité au parlement.
    Utilisons les bons mots , les mots justes, pour abattre cette imposture, celle d’une majorité qui n’existe pas.

    • Vous avez entièrement raison : Marre des termes imposés ( martelés) qui ne correspondent pas à la vraie définition des mots français !

  8. Les membres du Conseil Constitutionnel sont des politiciens de bas étage qui ne connaissent rien au Droit ni à la Constitution. Ils vont donc juger n’importe quoi pour faire plaisir à ceux qui crieront le plus fort.

    • Le conseil constitutionnel, cénacle de vieux chevaux de retour, ayant mangé à tous les rateliers (si j’ose dire), en fonction de la qualité de « l’avoine » qui leur sera promise vont de nouveau s’affranchir de la volonté du Peuple de France. Pitoyable !!

  9. Après le passage de cette loi devant le Conseil Constitutionnel il ne restera qu’une coquille vide. Il ne peut en être autrement quand on voit qui le compose Fabius, Juppé, Gourault etc…
    Nos gouvernants ne veulent décidément pas écouter les Français en continuant à ignorer la pensée très majoritaire du Peuple.

  10. CLO
    Le président du Conseil Constitutionnel va devoir prendre encore une fois ses responsabilités.
    S’il veut « rendre service » à son ami LE PRESIDENT il risquerait d’être coupable d’avoir fait descendre dans les rues le PEUPLE de FRANCE. Comme disait Coluche, les …. c’est à ça qu’on les reconnaît ils osent tout.

  11. à la botte du maconisme le conseil constitutionnel est une officine au service du pouvoir en place, ces gens sontdésignés pour 9 années à 15000€ mensuels, évidmment qu’ils nee vont pas flinguer ceux qui les ont placés là, tel Gourraud et Mazard entre autres, voir Juppé, qaund à Fabius, toujours là responsable mais pas coupable, son pote Lang toujours là à la présidence l’institut du monde arabe à 84 ans cela reflète la décadence de l’Occident.

  12. Ils vont se gêner peut-être !!!!!
    Ils n’en ont rien à faire des 71% des Français qui sont pour durcir encore plus la loi immigration.
    Ça ne changera rien à leur vie de « planqués-à-vie ».
    Je ne serais pas surpris qu’ils recherchent même le désordre, la dissolution, voire le départ de Macron, et mettre le temps nécessaire Larcher à l’Élysée… La suite nous la connaissons.

  13. Le macronisme est discrétité depuis longtemps , le bonheur serait que ce gouvernement vole en éclat et soit déchu . Mais connaissant le passé de fabius il n’ira pas à l’encontre de son ami et très cher président .

  14. Très certainement. D’ailleurs à quoi d’autre peut-il servir. Je ne comprends pas ces aller/retour entre les législateurs et le Conseil. Est-ce qu’ils ne pourraient pas travailler ensemble pour faire qu’une loi soit valide dès son vote. C’est comme cette pantomime des décrets d’application. Un loi votée doit être promulguée dans un max de 2 semaine après, et applicable stricto-sensus. Quand aux rebelle du style Hidalgo, O.K mais suppression de toutes aides de la part de l’état, pendant 1 an même avec un retour lié à un. méa culpa..

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